John Holloway enseigne la science politique dans les universités d’Edimbourg (Grande-Bretagne) et de Puebla (Mexique). Son livre, Change the World Without Taking Power [1], a suscité nombre de discussions en Amérique latine et dans le monde anglo-saxon. Sa théorisation s’inspire de l’expérience de la guérilla néozapatiste du sous-commandant Marcos, dans les montagnes du Chiapas au Mexique. Ainsi le 1er janvier 1994, alors qu’entre en vigueur l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) occupe plusieurs villes de la région du Chiapas. Mais on a affaire à une guérilla paradoxale qui affirme ne pas vouloir prendre le pouvoir.
J. Holloway part d’un bilan des diverses expériences de gauche au XXe siècle : « Quelle qu’en soit la forme, la conquête du pouvoir étatique n’a pas permis de réaliser les changements que les protagonistes espéraient [2]. » C’est pourquoi « la seule façon de concevoir un changement radical aujourd’hui ne relève pas de la conquête du pouvoir mais de la dissolution du pouvoir ». D’où le thème de « l’antipouvoir » orienté contre « les théories marxistes orthodoxes ». Pour que les mouvements de lutte contre la double oppression capitaliste et étatique ne reproduisent plus les formes qu’ils combattent, il faudrait « rompre la continuité, non seulement la continuité de leur domination, mais aussi la continuité de notre production de leur domination [3] ».
Refuser de sacraliser l’État, après les crimes des communismes totalitaires ou la déception des expériences sociales-démocrates, apparaît comme une piste politique fructueuse. Mais cela veut-il dire qu’il faut déserter le combat autour des institutions publiques et les diaboliser à jamais ?
John Holloway et « l’antipouvoir »