Municipales à Bordeaux : « les vrais écolos, c’est nous », affirme Philippe Poutou

, par POUTOU Philippe

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Crédité de 11% dans le dernier sondage, Philippe Poutou, qui mène la liste « Bordeaux en luttes » se présente comme le seul représentant de gauche toujours en lice pour ces éléctions.

Philippe Poutou, candidat à la mairie de Bordeaux
© Philippe Poutou, candidat aux élections municipales à Bordeaux / DR

Tout sourire, il attend ses interviews aux côtés de sa colistière, l’avocate Maylis de Verneuil. Sans lassitude aucune, « Philippe », comme l’appelle ses camarades, répond avec la même éloquence aux questions des journalistes de Bordeaux (Gironde) et d’ailleurs. « Vous en avez marre ? », se risque-ton à lui demander, « ça va, je me dis que dans une semaine, c’est fini », concède-t-il.

Il faut dire qu’il reste un objet de curiosité à plusieurs titres, l’ex-candidat à la présidentielle. À l’échelle de la gauche déjà, l’ancien ouvrier de l’usine Ford à Blanquefort (Gironde) réussit le pari de faire cohabiter sur une liste La France Insoumise et Le Nouveau Parti Anticapitaliste. À l’échelle du territoire ensuite, il s’est qualifié, le 15 mars dernier, pour le second tour des municipales, dans une ville qui n’en avait pas organisé depuis 1947. Alors forcément, ça suscite quelques interrogations…

  • D’après le dernier sondage Sopra-Steria vous maintenez le cap avec plus de 11 % des intentions de vote. Un score qui ouvre à trois membres de votre liste les portes du conseil municipal bordelais. C’est une bonne nouvelle ?

P.P. : À vrai dire, nous sommes surtout rassurés par ces chiffres. Dans nos rangs, on s’inquiétait de la pression qui règne sur le fameux vote utile. Nous avons tous compris que Bordeaux avait une chance historique de basculer à gauche et que nous pourrions être ceux qui gâchent la fête.

  • Qu’avez-vous à dire justement à ceux qui vous accusent de faire le jeu de la droite, en morcelant l’électorat de gauche ?

Je veux leur dire que nous tenons la route ! Nous n’avons eu aucune raison de nous rallier à Pierre Hurmic, avec qui nous n’avons que des points de désaccord fondamentaux. D’ailleurs, Thomas Cazenave, comme Nicolas Florian, assument avoir proposé à P. Hurmic de constituer un front commun. Cela prouve bien qu’il y a aujourd’hui, à Bordeaux comme sur le plan national, une droite très large qui englobe désormais le Parti Socialiste et Europe Ecologie Les Verts.

Nous pensons d’ailleurs qu’il faut oublier ces vielles étiquettes de gauche et de droite. La question, qui est aussi au cœur des municipales bordelaises, c’est bien de savoir s’il faut continuer avec l’austérité des politiques libérales ou s’il faut rompre avec elles, pour mettre en place des mesures qui répondent aux urgences sociales. Pour nous ces réponses ne se trouvent ni dans le programme de Pierre Hurmic ni dans celui de Nicolas Florian.

  • 60% d’abstention, le 15 mars dernier, un record. La peur du coronavirus a joué un rôle, c’est certain. Mais les classes populaires et les militants écologistes et anticapitalistes, qui vous rejoignent sur le terrain idéologique, ne se rendent plus aux urnes . Comment remobiliser cet électorat selon vous ?

On a constaté, c’est vrai, que les milieux populaires s’abstiennent davantage. On peut lier cela à des décennies de trahison. La gauche, qui appelait à voter pour elle dans le but de faire barrage à la droite, a tout renié. On peut citer notamment François Hollande, Lionel Jospin ou même François Mitterrand. Systématiquement, les politiques qu’ils ont menées ont conduit à une dégradation considérable des conditions de vie, que ce soit à une échelle locale ou à une échelle nationale. C’est le message que nous souhaitons faire passer à Bordeaux : les maires de gauche et leurs équipes n’y feront rien, c’est par la mobilisation populaire qu’on changera les choses.

  • Justement, si vous y entrez, quels combats comptez-vous mener au sein du conseil municipal ?

P.P : L’idée n’est effectivement pas d’arrêter le travail que nous menons actuellement dès le lendemain du second tour. La question essentielle de notre campagne reste celle du mal-logement et des sans-abris. Au conseil municipal, nous aimerions faire entendre nos idées sur les blocages des loyers, les rénovations d’appartements vétustes loués à prix d’or. Nous voulons aussi résoudre l’épineuse question de la mobilité en ville, avec un projet que nous portons depuis de longs mois : celui de la gratuité des transports, qui est à la fois une réponse sociale et écologique.

M.D.V : Nous sommes aussi là pour représenter les autres quartiers de Bordeaux, comme les Aubiers, le Grand Parc, et ceux qui, selon nous, n’ont pas fait l’objet des politiques municipales lors des précédents mandats. Nous voulons aussi nous attaquer frontalement à la question de la gentrification, qui a écarté du centre-ville toute une frange de la population bordelaise, contrainte de quitter certains quartiers car les loyers y devenaient trop chers et l’accès à la propriété impossible.

  • Votre liste est constituée de militants de terrain, habitués aux manifestations et aux contacts réguliers avec la population. Comment avez-vous vécu cet entre-deux tours, durant lequel tous les rassemblements étaient proscrits en raison de la crise sanitaire ?

Nous avons organisé des meetings hebdomadaires en ligne, chaque jeudi soir. Nous avons également travaillé sur le fond en publiant des articles rédigés par des personnes de notre liste.

N’oublions pas aussi que certains de nos camarades étaient eux mobilisés sur le terrain, notamment dans les maraudes, entre la Croix Rouge, Darwin, et les Maraudes du cœur.

  • Vous avez donc eu des échos du terrain. Qu’avez-vous pensé de la gestion de crise par l’actuel maire de Bordeaux ?

M.D.V : Concernant la gestion du risque sanitaire, on peut évoquer l’histoire des masques dont il a parlé et reparlé, en promettant deux masques par personne début avril. À la fin du mois certains Bordelais n’en avaient qu’un et de très mauvaise qualité. Ce n’est qu’un exemple, mais sur l’ensemble de la période, nous pensons qu’il y a eu énormément d’effets d’annonce, notamment au niveau de l’action sociale. Or les associations qui étaient elles réellement mobilisées sur le terrain ont parfois eu du mal à avoir les autorisations nécessaires pour sortir.

P.P : On a eu des beaux discours, sur ce qu’il allait faire pour la population. Il avait par exemple promis d’ouvrir les fontaines et les douches aux sans-abris. Il a mis exactement six semaines à ouvrir une auberge de jeunesse de 60 places pour quelque 5 000 personnes à la rue. Une fois le risque sanitaire passé, il a fait machine arrière sur toutes les jolies annonces qu’il avait faites.

D’ailleurs aujourd’hui, on le remarque, on repart sur des politiques d’expulsion.