Norbert Holcblat, pouvez-vous nous rappeler les objectifs de l’étude commanditée par le COCT ?
L’ensemble des membres du Comité permanent du Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT) sont persuadés que le maintien en emploi des seniors suppose le recours à plusieurs leviers d’action. L’un de ceux-ci est sans nul doute l’action sur les conditions de travail, non seulement des seniors encore en entreprise, mais des salariés plus jeunes pour prévenir l’apparition d’une usure prématurée.
L’amélioration des conditions de travail et la prévention des situations de pénibilité sont un des six domaines d’action mis en avant par les pouvoirs publics comme devant être inclus dans les négociations seniors. Le travail mené par la DARES sur un échantillon de 116 textes a fait apparaître que le thème des conditions de travail n’était pas le plus choisi.
L’objectif de l’étude « Les conditions de travail dans les accords et plans d’action seniors » commanditée par le COCT et la DGT était d’étudier très concrètement, dans un échantillon réduit d’entreprises, le contexte et le processus dans lesquels se sont inscrites les négociations seniors. Et notamment comment ont été prises en compte les dimensions « amélioration des conditions de travail et prévention des situations de pénibilité ».
L’étude à été confiée à une équipe large et pluridisciplinaire coordonnée par Serge Volkoff. Nous avons mis sur pied un comité de suivi avec la participation de chercheurs reconnus, d’administrations, de l’ANACT, etc. Le Comité permanent a également décidé de la création d’un groupe de réflexion ad-hoc visant à recenser et mutualiser les travaux menés sur les seniors et les conditions de travail.
Quels enseignements retenez-vous de l’étude conduite ? Quelle place a été donnée à l’amélioration des conditions de travail dans les « négociations seniors » des entreprises étudiées ?
Je retiendrai quelques points essentiels de l’étude :
- Il n’y a pas vraiment de coupure « avant/après » l’accord ou le plan d’action, en matière de conditions de travail en tout cas. Des initiatives intéressantes, préexistant à l’accord senior, peuvent simplement tirer profit de celui-ci pour se préciser, ou pour acquérir davantage de légitimité.
- Il n’y a guère, dans les 13 entreprises étudiées, de séparation étanche entre les conditions de travail et d’autres domaines des accords ou plans.
- Pour s’avérer opérationnelles et durables, les politiques en direction des seniors ne peuvent se satisfaire de leurs seules visées « sociales » mais doivent intégrer un souci d’efficience des personnels concernés.
- L’importance essentielle des ajustements locaux, voire individuels, même pour des opérations organisées à l’échelle de toute l’entreprise) ce qui peut rendre délicat le pilotage des actions.
Parmi les dispositifs mis en œuvre dans les entreprises étudiées, certains ont-ils particulièrement retenu votre attention ?
Les auteurs de l’étude ont dégagé un certain nombre d’expériences intéressantes. Je retiendrai tout particulièrement pour ma part des cas de réintégration de postes. Ce sont des entreprises qui, pour disposer de postes exempts de certaines contraintes pénibles, ont réexaminé des tâches externalisées dans l’optique d’une éventuelle réintégration. Une entreprise pratiquant le travail posté a ainsi étudié la possibilité de réintégrer certains postes propices au travail de jour.
Une première liste de postes potentiels a été élaborée sur laquelle les responsables ont travaillé en fonction de plusieurs critères (dont l’intérêt économique de la réinternalisation). Au terme de ce processus, des postes ont effectivement été ouverts. Dans une autre entreprise, j’ai noté la constitution d’équipes de travail « mixtes » avec un salarié de plus de 50 ans et un jeune. Il y a aussi des cas de création de fonctions nouvelles adaptées aux seniors.
Au total, il n’y a pas de recette miracle, mais une série de dispositifs intéressants auxquels les acteurs de l’entreprise peuvent ne pas penser spontanément. Certains dispositifs peuvent poser des problèmes de mise en œuvre, comme la possibilité de passage en journée des seniors : comment gérer la perte de rémunération ?
Comment ce travail va-t-il nourrir l’action du coct en faveur du maintien dans l’emploi ? Quelles suites à donner ?
Cette étude est à la disposition des membres du COCT, en premier lieu des partenaires sociaux, pour éclairer leurs négociations et le bilan qu’ils entendent tirer eux-mêmes. Le secrétariat général du COCT est disponible pour lui donner des prolongements. L’emploi des seniors est bien sur un des points de notre programme de travail.
L’interviewé
Economiste de formation, Norbert Holcblat a d’abord été enseignant. Il a ensuite intégré le ministère de l’économie et des finances puis celui du travail.
Au sein de la DARES, il a été chef du département des politiques d’emploi et de formation professionnelle puis, de 2003 à 2009, sous-directeur en charge des salaires, des relations professionnelles, des conditions de travail et de la santé au travail. À ce titre, il a supervisé un certain nombre d’enquêtes statistiques relatives aux relations professionnelles, aux conditions de travail et aux expositions professionnelles (SUMER).
Depuis 2009, il a rejoint le Secrétariat général du Conseil d’orientation sur les conditions de travail...