Quatrième leçon

L’angle du bien commun

, par HORMAN Denis

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Qu’adviendrait-il si des biens tels que l’eau, la santé, la culture, l’en seignement, la sécurité sociale, la biosphère, le savoir et la connais sance, les besoins fondamentaux... se retrouvaient happés dans une marchandisation systématique ? Une telle hypothèse n’a hélas, rien d’irréel.
La marche forcée vers la mondialisation de l’économie capitaliste, avec, aux commandes, les firmes transnationales et les marchés financiers, impose ses impératifs de profit et de régression, avant toute considération sociale, environnementale, humaine.
L’Etat (« gouvernance à l’échelle nationale ») — « devient un acteur parmi d’autres, chargé de créer les conditions les plus favorables à la compétition des entreprises » [1]. Il met en œuvre les politiques néo-libérales de déréglementation, de privatisation, de libéralisation des mouvements de capitaux et des échanges. La gouvernance économique et financière mondiale (FMI, Banque mondiale, OMC, institutions de l’Union européenne...) coordonne, au niveau planétaire, ces politiques. Elle échappe, en grande partie, au contrôle démocratique, tout en étant sous la vigilante pression des grands groupes industriels et financiers.
L’idée qu’une série de « biens communs » feraient partie du patrimoine de l’humanité s’impose cependant sans cesse davantage. La convergence des problèmes les plus généraux s’effectue désormais au niveau mondial, en même temps qu’émergent des valeurs dites universelles (droit au développement, protection de l’écosystème, droits de l’homme, etc.).
L’idée d’une mise en commun des ressources et des moyens pour y apporter des solutions, ce qui implique de fixer des règles de droit international adéquates, est évoquée de toute part à travers des formules telles que le « patrimoine commun de l’humanité » ou les « biens à destination universelle ». Ces questions sont traitées dans des conférences internationales. Elles sont également au cœur des rencontres altermondialistes dans les forums sociaux mondiaux et continentaux.
La question de la construction d’une gouvernance démocratique mondiale est posée. Elle fait par exemple l’objet d’un débat polarisé sur l’OMC. D’où la proposition d’une subordination de l’OMC à la Déclaration universelle des droits de l’homme, aux conventions internationales portées par plusieurs organismes des Nations-Unies.
La mobilisation autour de l’eau, bien commun de l’humanité, est un bel exemple de cette articulation entre différents niveaux de pouvoir et de gestion, les Etats-nations gardant ici un rôle essentiel : « Il ne s’agit pas de créer une gigantesque machine bureaucratique mondiale, mais de mettre en place — sur la base des principes d’autonomie locale, de subsidiarité, de mutualité et de solidarité — des structures locales, nationales et transnationales (au niveau des grands bassins hydrauliques) de gestion coopérative des services d’eau. Ceci dans le cadre d’un welfare social mondial, fondé sur le principe de la primauté du droit à la vie pour chacun de nous et sur la priorité donnée aux conditions du « vivre ensemble » [2].

(D.H)

Séance du 23 octobre 2003 - Gouvernance mondiale et biens communs : même combat ?

Dérégulation et privatisation n’ont jamais aussi bien fonctionné qu’en tandem avec les Etats-nations, qui sont les outils indispensables à leur propre affaiblissement. Cette évolution a conduit à vouloir régler de plus en plus haut ce qui paraissait hors de portée au niveau de la prise des décisions et donc à chercher le salut dans une « gouvernance mondiale » pour réguler tout ce qui ne l’est plus. Taxation sur les flux financiers, par exemple. La démocratie va y gagner ?

P.-S.

Gresea Echos, n° 39, juillet-août-septembre 2003, p. 19.

Notes

[1Groupe de Lisbonne, Limites à la compétitivité, Pour un nouveau contrat mondial, sous la direction de R. Petrella, Ed. Labor, 1995.

[2Riccardo Petrella, « Pour une Autorité mondiale de l’eau », in Transversales, n°66, décembre 2000.

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