- Êtes-vous surprise par l’annonce de la retraite de Fidel Castro ?
Non, nous n’avions aucune certitude jusqu’ici mais cela reste dans la droite ligne de ce qui avait été annoncé par Fidel Castro et par son frère Raul ces derniers mois. Fidel Castro avait déjà déclaré qu’il n’était pas intéressé par la poursuite du pouvoir.
- Est-ce que cela signifie que son état de santé s’est encore aggravé ?
Je ne sais pas s’il y a eu aggravation ces dernières semaines, mais cela confirme qu’il ne lui est plus possible d’assumer ses fonctions. Il l’avait dit lui-même.
- L’image de Fidel Castro dans la population cubaine est-elle toujours aussi forte ?
Il y a un vrai clivage générationnel. Chez les plus jeunes, il ne représente pas du tout la même chose que chez l’ancienne génération, qui a fait la révolution, qui sortait d’une dictature et qui a connu avec lui quelques améliorations sociales. La nouvelle génération n’a pas la même adhésion à Fidel Castro.
- Que va-t-il se passer désormais ?
Il a affirmé que des décisions importantes allaient être prises pour la révolution. Ces décisions seront prises par le Parlement et elles concernent des réformes économiques. Fidel Castro n’est pas mécontent de ne pas être associé à ces réformes car il n’a jamais été un adepte des réformes. La passation de pouvoir est parfaitement organisée. Dimanche, son frère Raul Castro sera nommé président, mais ce sera un président de transition. Il n’a jamais représenté une solution de long terme. Ce qui sera intéressant, dimanche, c’est de voir qui arrivera et qui partira.
On peut toutefois penser que Fidel continuera à jouer un rôle politique...
Il continuera d’écrire des éditoriaux dans Granma, l’organe de presse officiel du régime, comme il le fait depuis plusieurs mois. Mais rien de comparable avec le fait de diriger un pays. Il ne sera ni président ni commandant en chef. Une inconnue subsiste toutefois : il n’a rien dit sur son autre titre, celui de secrétaire général du Parti Communiste. Le PC cubain ne s’est pas réuni depuis dix ans et il se pourrait qu’il se réunisse prochainement et qu’il élise un nouveau secrétaire général. Mais il est curieux qu’il ne se soit pas prononcé sur ce point.
- On attendait plutôt l’annonce de son départ dimanche...
L’annonce a en effet été anticipée, pour une raison simple : Fidel Castro voulait désamorcer toute possibilité d’être reconduit. Il a d’ores et déjà dit qu’il ne postulera pas pour un nouveau mandat et qu’il ne l’acceptera pas. Ce qui signifie que certaines personnes voulaient encore proposer sa candidature.
- Dans la nouvelle génération, quelle(s) personnalité(s) se dégage(nt) ?
La nouvelle génération est prête. Bien sûr, pour le moment, c’est Raul Castro qui va s’imposer. Mais derrière, plusieurs hommes sont déjà prêts. On peut penser à Felipe Perez Roque, le Ministre des Affaires Etrangères, qui occupe déjà un poste à haute responsabilité et qui n’a que 40 ans, ou encore à Carlos Lage, vice-président âgé de 56 ans. En outre, plusieurs membres du gouvernement ont entre 40 et 50 ans, sans oublier la direction des Jeunesses communistes. La relève est assurée. Ce qui est plus incertain, c’est que, parmi la nouvelle génération, plusieurs personnes ont émis des positions un peu différentes à celles de Castro, notamment au niveau économique.
- Quelle pourrait être l’attitude des Etats-Unis désormais ?
Ce sera intéressant à voir car je pense que l’annonce de Castro ne tombe pas par hasard aujourd’hui, au moment où se termine le mandat de Bush. La présidence de Bush a été catastrophique pour Cuba, avec une aggravation des sanctions économiques. Barack Obama, lui, a déjà annoncé explicitement qu’il fallait dialoguer avec Cuba. Un article du Washington Post affirmait récemment que la politique envers Cuba avait échoué et l’équivalent de la Cour des Comptes a rendu un rapport très critique envers l’embargo. Avec ces nouvelles générations, on s’achemine peut-être, à moyen terme, vers une normalisation des relations entre Cuba et les Etats-Unis.