Pour éviter l’impressionnisme, il est nécessaire de partir des bouleversements colossaux de cette dernière décennie, qui modifient
profondément le cadre de la lutte des classes à l’échelle internationale
et nationale pour toute la période à venir.
L’effondrement de la bureaucratie en URSS et dans les pays de l’Est clôt
définitivement pour le mouvement ouvrier la période politique ouverte
par le révolution russe, qui a joué un rôle majeur pour le mouvement ouvrier international. Cette expérience et le processus de restauration du capitalisme se soldent par un échec global qui oblige tous les courants politiques qui s’en réclament à en tirer un bilan sérieux, pas seulement à partir de 1923, mais également pour la période 1917-1923. Il apparaît également nécessaire de dégager de cette expérience ce qui relève du particulier lié à la structuration sociale de l’empire tsariste, à la tradition du mouvement ouvrier russe, à la situation politique liée à la Première Guerre mondiale, et ce qui relève de l’universel et qui permet d’enrichir une problématique révolutionnaire dans les pays capitalistes avancés pour le XXIe siècle.
À cet échec s’ajoutent ceux d’autres expériences où la bourgeoisie a été
dépossédée du pouvoir (Vietnam, Chine, Cambodge, Cuba, Nicaragua).
Dans aucun de ces pays, une société autogestionnaire, d’émancipation
sociale et culturelle n’a vu le jour. Pour cette raison, l’expérience
de ces pays (une fois l’oppression impérialiste brisée) n’a pas pu exercer
une attraction importante sur les travailleurs des pays capitalistes
avancés. Ces expériences, qui se sont toutes déroulées dans des pays
sous-développés, confirment par ailleurs l’ineptie de la théorie du socialisme dans un seul pays.
Quand on ajoute à cela le fait que toutes les crises révolutionnaires qui
se sont déroulées dans les pays capitalistes avancés européens depuis
la fin de la Deuxième Guerre mondiale ont été résolues en faveur de la
bourgeoisie, le fait que la social-démocratie a été et est au gouvernement dans la plupart des pays européens, où elle a non seulement respect é le cadre de l’économie capitaliste et les intérêts de la bourgeoisie, mais a été le fer de lance de la politique d’austérité et de remise en cause des acquis de la période précédente, on peut comprendre la profondeur de la crise historique du mouvement ouvrier organisé.
Parallèlement, on assiste à une restructuration du capitalisme et de son mode de domination, qu’on peut déceler à travers ce qui est appelé la
mondialisation. Avec notamment comme caractéristique l’extension du mode de production capitaliste et de la domination des pays impérialistes à la planète entière, ainsi que la pénétration de la production marchande à tous les domaines de la vie sociale (sports, culture, loisirs, vacances, mode, alimentation, etc.) à une échelle jamais atteinte. Dans le cadre d’une crise économique prolongée, cette réorganisation s’articule notamment autour du renforcement du poids d’institutions comme l’ONU, la Banque Mondiale, le FMI, l’OMC, de la tentative de créer des unités économiques et politiques continentales, d’une multiplication d’interventions militaires impérialistes et du renforcement de la concurrence interimpérialiste.
L’ensemble des éléments indiqués ci-dessus modifient profondément le
cadre de la lutte des classes. Nous sommes à un tournant où l’ancien de la période précédente subsiste, et où le nouveau de la période à venir n’est qu’embryonnaire, d’où les difficultés extrêmes de définir une orientation globale dans le cadre d’une situation où les rapports de force se sont globalement modifiés en faveur de l’impérialisme.
Mais il y a pourtant toujours actualité de crises sociales profondes qui peuvent déboucher sur des explosions sociales. Les contradictions et les crises économiques du capitalisme engendrent à la fois une crise du mode de domination des classes possédantes, et une situation de plus en plus insupportable pour ceux d’en bas, qui ont de moins en moins à perdre. C’est immédiatement vrai pour les pays sous-développés où la situation sociale peut devenir particulièrement explosive dans les pays qui ont connu une croissance économique ces dix à vingt dernières années, et qui sont touchés de plein fouet par la crise économique et financière. Ces pays restent totalement dépendants des métropoles impérialistes, mais leur développement a engendré l’existence d’une industrie moderne, d’une classe ouvrière numériquement importante, jeune, concentrée, avec certes peu de traditions, mais aussi peu influencée par le réformisme dominant dans le mouvement ouvrier occidental.
En Europe, les processus de recomposition du mouvement ouvrier, de
modification des rapports de force en son sein, de construction de nouveaux
partis seront lents, et il est très peu vraisemblable que dans la dizaine d’années à venir on assiste à des crises révolutionnaires mettant en péril le pouvoir de la bourgeoisie.
Reste ce qui va se passer dans l’ex-URSS, et en Russie en particulier. Nous sommes là dans une situation historique sans précédent, où les conditions objectives pour construire de nouvelles organisations ouvrières sont réunies, mais où les conditions subjectives font totalement défaut. C’est le prix à payer du stalinisme.
Enfin, il faut être attentif à ce qui peut se passer dans les années à venir en
Chine, où la stabilité et la force de l’État ne sont peut-être qu’apparentes,
avec des forces souterraines qui le minent, liées notamment à la
pénétration du mode de production capitaliste et à des différenciations
économiques et sociales considérables suivant les différentes régions
de ce pays.
Dans ce cadre général, revenons sur quelques éléments importants.
I.
La classe ouvrière européenne a subi des défaites importantes depuis le milieu des années 1970 dans le cadre de la crise structurelle du capitalisme.
Jusqu’au milieu des années soixante-dix, la classe ouvrière est à l’offensive (mai 1968, le mai rampant italien, la révolution portugaise, l’offensive de la classe ouvrière espagnole contre le régime franquiste, etc.) et l’impérialisme sur la défensive, avec notamment la défaite militaire et politique de l’impérialisme US au Vietnam, la révolution nicaraguayenne étant la dernière expérience révolutionnaire victorieuse. Depuis, aucune situation révolutionnaire ou pré-révolutionnaire, où la question de la prise du pouvoir et de la destruction de l’État bourgeois ne s’est posée dans un pays impérialiste. On peut donc estimer qu’il y a eu un véritable tournant au milieu des années soixante-dix, et que les potentialités révolutionnaires apparues en 1968 et dans les années suivantes vont s’effilocher et se tarir sous les effets de la crise économique, du chômage et de l’offensive de la bourgeoisie contre les acquis accumulés par les travailleurs dans la période précédente. Et cela d’autant que les réformistes ont été incapables d’organiser la moindre des ripostes, tant sur le plan politique que syndical. De ce point de vue, il était totalement erroné de voir dans la victoire de Mitterrand en 1981 l’effet différé de mai 1968. Au contraire, Mitterrand va pouvoir sans difficultés majeures accentuer la politique initiée dans la deuxième moitié du septennat de Giscard (au travers notamment des plans Barre successifs), faite de restructurations industrielles, d’attaques contre les acquis sociaux de la période précédente, du développement massif du chômage et de reculs substantiels pour les masses laborieuses.
La politique d’austérité menée sans discontinuité depuis les années soixante-dix, sur fond de crise économique prolongée, a eu pour conséquences notamment des restructurations industrielles de grande ampleur, avec à la clé l’affaiblissement ou même la disparition de bastions du mouvement ouvrier (mines, sidérurgie, chantiers navals, certains secteurs de la métallurgie), un chômage massif, le développement de la misère, de la précarité, de la flexibilité, la remise en cause de la sécurité sociale, des retraites, une marginalisation sociale d’une partie importante de la jeunesse... Les conséquences sont extrêmement négatives, également d’un point de vue politique, avec à la clé une perte de la force collective de la classe ouvrière (recul du syndicalisme, recul du militantisme politique), une atomisation et une individualisation extrêmes des travailleurs, des chômeurs et le développement d’un sentiment d’impuissance face à la crise en l’absence d’un projet de société socialiste crédible. Ce d’autant que la politique d’austérité est menée en alternance, aussi bien par la gauche que par la droite. Cela explique largement la longue période des années quatre-vingt et des premières années de notre décennie, marquée par un taux d’activité de la classe ouvrière extrêmement faible. Mais plusieurs indices témoignent de nouvelles potentialités sur lesquelles nous reviendrons.
II
La perte de légitimité du socialisme et du communisme, comme
projet de société alternative au capitalisme.
C’est une question dont nous ne pouvons pas faire l’économie et dont
il ne faut pas mésestimer la portée. Certes, les trahisons, les contre-révolutions ne datent pas d’aujourd’hui. Mais, pendant des décennies, le socialisme était la toile de fond de l’ensemble du mouvement ouvrier. Le débat portait sur la manière d’y arriver. Même si cette référence pour les dirigeants sociaux-démocrates et staliniens était purement formelle, ils étaient pourtant obligés de le faire sous peine de perdre une partie de leur crédibilité. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. La social-démocratie ne s’y réfère plus et a accepté comme « cadre naturel » de la société le système capitaliste. Quant au PCF, sa conception du socialisme, non seulement fait l’économie de toute rupture avec le capitalisme, mais ressemble de plus en plus à un aménagement du capitalisme un peu plus social et égalitaire.
Comment en est-on arrivé là ?
Il y a d’abord la manière dont le stalinisme s’est écroulé en URSS et dans les pays de l’Est. Que la restauration d’un capitalisme sauvage ait pu s’effectuer sans qu’il y ait de réactions importantes de la classe ouvrière et des masses travailleuses témoigne certes de l’ampleur du discrédit de ces régimes, mais n’en constitue pas moins une défaite. Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, il ne s’agit aucunement d’être nostalgique ou de regretter le temps des régimes bureaucratiques. Mais simplement, de prendre la mesure du prix très lourd à payer, que nous avons sous-estimé, de l’échec de la révolution russe et de la
victoire de la contre-révolution bureaucratique.
La conséquence pratique, c’est le découragement, la démoralisation,
un profond scepticisme quant à la possibilité de construire un socialisme
démocratique, débarrassé de toutes les formes d’exploitation et
d’oppression, qui frappent notamment des centaines de milliers de militants des partis communistes ou proches, de courants maoïstes, de centristes divers. Et à une échelle plus large, la réalité monstrueuse de ces systèmes « socialistes » a induit un profond scepticisme dans la classe ouvrière quant à la possibilité de construire le socialisme.
Il y a par ailleurs un aspect réel dans cette appréhension. En effet, après 150 années de luttes du mouvement ouvrier international, des socialistes, des communistes, nulle part dans le monde une société émancipatrice n’a vu le jour. Les travailleurs et les opprimés ont démontré à plusieurs reprises qu’ils étaient capables de renverser des régimes, de faire des révolutions, mais nulle part ils n’ont été capables de construire une autre société en rupture avec l’oppression et l’aliénation du système capitaliste. Cela nous pose un sérieux problème
puisque la construction d’une telle société reste le principal objectif et la raison d’être des communistes. Ce qui d’ailleurs devrait engendrer une
réflexion approfondie sur les conditions politiques, matérielles et culturelles pour aller dans ce sens.
Il y a aussi l’expérience prolongée de la social-démocratie au gouvernement dans plusieurs pays européens. Malgré les trahisons passées, la perspective d’une accession de la social-démocratie au gouvernement a pu générer un espoir dans la classe ouvrière, notamment dans les années soixante-dix, de réformes sociales, démocratiques, favorables aux travailleurs, d’une amélioration graduelle mais substantielle des conditions de vie et de travail. Ces illusions sont aujourd’hui mortes, la social-démocratie ayant mené partout où elle participait au gouvernement une politique d’austérité qui n’avait rien à envier à celle des gouvernements de droite. Cela a aussi engendré des désillusions et des déceptions, d’autant qu’aucune alternative de classe crédible n’est apparue qui aurait pu prendre la place laissée vacante et attirer et organiser les « déçus ».
Une des conséquences de ces deux éléments, effondrement des régimes bureaucratiques et expériences gouvernementales social-démocrates, c’est que se développent aujourd’hui des luttes et des mobilisations de travailleurs, de chômeurs, de tous les opprimés qui peuvent être très radicales, et même avoir une portée objectivement anticapitaliste, mais sans que se dégage à partir de ces luttes la perspective d’une société socialiste.
III.
La perte de légitimité du capitalisme.
Pendant ce qu’on appelle les Trente Glorieuses, le capitalisme a pu prétendre être capable de réaliser le plein emploi, de développer la sécurité sociale et les retraites, d’assurer une amélioration constante des conditions de vie dans les métropoles. Cette période exceptionnelle, due aux conditions très particulières de l’après-Seconde Guerre mondiale, est close depuis au moins une vingtaine d’années. Aujourd’hui, au contraire, on assiste à un chômage de masse, au développement de la précarité et de la pauvreté, à une dégradation des conditions d’existence, à des catastrophes écologiques. La conséquence est que, pour une partie importante de la classe ouvrière et de la jeunesse, non seulement le capitalisme ne peut pas améliorer leurs conditions de vie mais que ces dernières vont être inexorablement remises en cause. Certes, l’ensemble du salariat n’est pas encore touché de la même manière par la politique d’austérité et de remise en cause des acquis. Mais le temps est compté. L’objectif de la bourgeoisie n’est pas de faire une société à deux vitesses, mais bien d’attaquer dans un premier temps les secteurs les plus faibles de la classe ouvrière pour ensuite, dans un second temps, généraliser son offensive à d’autres secteurs du salariat, y compris dans la Fonction publique.
Les ingrédients sont bel et bien objectivement réunis pour qu’émerge et
s’approfondisse une contestation du système capitaliste lui-même. De
plus en plus nombreux sont les travailleurs, les jeunes, qui savent qu’ils
n’ont rien à attendre de ce système incapable de répondre aux problèmes essentiels auxquels le plus grand nombre est aujourd’hui confronté, à commencer par le chômage et la dégradation constante des conditions de travail et de vie. Par ailleurs, la menace d’un krach boursier, avec toutes ses conséquences dramatiques sur les conditions de vie de la grande majorité de la population, renforce les convictions de la nécessité d’une autre type de société.
A cela s’ajoute enfin les conséquences catastrophiques de l’introduction
de l’économie de marché en Russie, en Chine, etc. pour la majorité des travailleurs, des retraités, des jeunes, en terme de chute brutale du
niveau de vie. Il est difficile de trouver des exemples historiques comparables à une telle régression, qui menace physiquement des centaines de milliers de travailleurs et de chômeurs de ces pays.
IV.
Le mouvement ouvrier traditionnel.
Il faut commencer par mettre en évidence deux modifications essentielles par rapport aux années précédentes :
- la chute du stalinisme, avec ses conséquences sur les partis communistes dont la crise historique est sans issue et les condamne à s’affaiblir. Cela a évidemment des conséquences majeures dans tous les pays européens où les PC occupaient une place prépondérante dans le mouvement ouvrier.
- le rôle de plus en plus déterminant de la social-démocratie dans la gestion du capitalisme. La participation de la social-démocratie au gouvernement est aujourd’hui en Europe la « norme » et non plus l’ultime recours qui, dans des périodes de crises sociales, permettait de préserver le système capitaliste. Du point de vue des intérêts globaux de la bourgeoisie, la gestion des affaires par des gouvernements sociaux-démocrates est la solution optimum dans la situation politique et sociale présente, ce qui peut bien évidement changer demain.
Ce rôle nouveau que joue la social-démocratie, ajouté à l’affaiblissement
de ses liens avec la classe ouvrière, l’intégration de ses politiciens,
économistes, technocrates, professeurs d’université, etc., pose par ailleurs le problème de la justesse de sa caractérisation classique de parti ouvrier bourgeois. L’efficacité de ce type de caractérisation n’a de sens que s’il permet de caractériser une situation transitoire, provisoire. Ce qui est essentiel, c’est de déterminer quel est l’élément déterminant qui l’emporte. Or, aujourd’hui, le doute n’est plus permis : la social-démocratie est de plus en plus bourgeoise et de moins en moins ouvrière.
Ces deux éléments, crise historique des partis communistes et nouveau
rôle de la social-démocratie, sont des phénomènes irréversibles et durables, qui modifient qualitativement la géographie politique du mouvement ouvrier. Il y a ainsi place pour un nouveau parti des travailleurs, qui peut se créer et se développer dans les premières décennies du XXIe siècle.
A cela, il faut ajouter qu’il n’y aura pas de courants nationaux substantiels, issus des partis traditionnels, qui seront à l’origine de la construction d’un nouveau parti révolutionnaire des travailleurs.
De la nature même de la social-démocratie, du rôle qu’elle joue aujourd’hui dans la gestion du capitalisme et des intérêts de la bourgeoisie, nous pouvons exclure l’apparition de courants gauche évoluant vers des positions anticapitalistes et révolutionnaires. Il peut y avoir des positions progressistes, à gauche, sur telle ou telle question, qui se dégagent au sein de la social-démocratie, et nous ne devons bien évidemment pas être sectaires et les négliger, notamment dans le cadre d’une politique de front unique. Mais cela est quelque chose de qualitativement différent.
Il ne se constituera pas plus dans le Parti Communiste des courants nationaux évoluant vers la gauche et se rapprochant du marxisme-révolutionnaire. L’origine historique de la crise des partis communistes est liée à la contradiction entre leurs liens avec la bureaucratie soviétique et une référence, certes de plus en plus formelle, à la révolution russe d’un côté, et une insertion de plus en plus profonde dans la lutte des classes à l’échelle nationale sur une base réformiste de l’autre. Cette crise a connu des fluctuations, des convulsions en rapport avec les aléas de la conjoncture politique, mais a connu un saut qualitatif irréversible avec la chute des régimes bureaucratiques en URSS et dans les pays de l’Est. Il n’y a pas place pour deux partis de type social-démocrate et, comme en physique où les grandes masses polarisent ou satellisent les plus petites, la social-démocratie satellise aujourd’hui le Parti Communiste. La durée de cette crise, le régime et le fonctionnement de ce parti, les limites politiques des divers courants oppositionnels au cours de son histoire ont empêché l’apparition de courants gauches et ont entraîné un affaiblissement considérable de ce parti, avec le départ de dizaines de milliers de militants, qui ont soit pris leurs pantoufles, soit ont confiné leur militantisme au syndicalisme et à l’associatif. Ces trente dernières années, les occasions ont été multiples pour permettre l’émergence de courants gauches : mai 1968, l’Union de la Gauche, la participation du PC au gouvernement Mauroy de 1981 à 1984, novembre/décembre 1995. Et nous n’avons rien vu apparaître allant dans ce sens. L’essentiel des courants qui sont sortis du PCF, de Juquin à Fiterman, ont évolué vers la droite et ont été polarisés par la social-démocratie. Quant aux courants néostaliniens et sectaires (Nord-Pas-de-Calais ou le groupe Moroni par exemple), l’orientation qu’ils proposent est fondamentalement marquée par la nostalgie du temps où le PCF était hégémonique dans la classe ouvrière, avec à la clé un sectarisme parfois délirant vis-à-vis de l’extrême-gauche, et notamment des organisations d’origine trotskiste dont ils souhaitent la disparition, sinon la destruction s’ils en avaient les moyens. Par ailleurs, leur critique de la politique actuelle du PCF, de sa participation au gouvernement ne constitue en aucune manière une orientation lutte de classes ou une rupture qualitative, au-delà d’un discours radical purement formel, avec le réformisme du PCF qui ne date pas de l’accession de Robert Hue à la direction du PCF, ni de la période de l’ère Marchais. Les limites de l’ensemble des courants critiques du PCF, y compris Futurs ou la Gauche Communiste, se sont manifestées de manière impitoyable lors des grèves et des mobilisations de novembre-décembre 1995. Aucun d’entre eux n’a fait une critique sérieuse de la politique menée par le PCF et par la CGT. Aucun de ces courants ne s’est battu de manière conséquente, à la fois pour la grève générale, pour la démission de Juppé, pour la constitution de comités de grève et leur centralisation, et pour l’unité du mouvement autour de ces questions. Pire, beaucoup de leurs militants ont reproduit les pratiques traditionnelles sectaires du PCF.
Certes, des individus, voire des cellules ou des sections, pourront localement rompre avec le PCF et s’engager dans la construction d’un nouveau parti révolutionnaire des travailleurs au côté des courants révolutionnaires qui s’engageront dans ce sens. Mais ce sera individuel, cela restera limité à un niveau local, sans possibilité d’une centralisation issue d’une dynamique interne au PCF. Seule l’existence d’un pôle extérieur conséquent peut éviter une dispersion de ces phénomènes limités de rupture qui s’opéreront peut-être dans le PCF.
Cette caractérisation de la social-démocratie et du parti communiste, des limites des ruptures possibles en leur sein, doit nous conduire à rompre définitivement avec la conception de la construction d’un parti révolutionnaire qui serait le produit de la fusion entre de petites organisations révolutionnaires, idéologiquement et programmatiquement nickel, et des pans entiers des partis traditionnels. Il reste des traces d’une telle conception par exemple dans des formules comme celle qui laisse entendre que le nouveau parti sera pour l’essentiel le parti de tous les communistes, entendu les révolutionnaires issus du mouvement communiste et les militants vraiment communistes du PCF.
Une telle conception va conduire aux pires désillusions. Pour nous, lorsqu’il y aura une avancée qualitative dans la construction d’un nouveau parti, l’essentiel des militants qui le composeront ne seront pas organisés par les organisations d’extrême gauche et les partis traditionnels.
Cette appréciation des partis traditionnels ne signifie aucunement que nous nions leur existence, ou l’influence qu’ils peuvent avoir sur la classe ouvrière. C’est pourquoi une politique de front unique en leur direction dans le cadre des mobilisations est toujours utile et nécessaire. Mais cela n’a rien à voir avec une quelconque alliance politique avec ces partis, notamment sur le plan électoral, que nous devons exclure totalement.
V.
Les luttes actuelles. La recomposition syndicale.
C’est dans ce contexte général que nous devons analyser la reprise des
mobilisations sociales, des luttes contre la politique gouvernementale et patronale et les phénomènes de recomposition sociale.
La grève d’Air France avait marqué le début d’une reprise des mobilisations sociales, des luttes, des grèves. Celles-ci s’étaient poursuivies dans les mois précédant l’élection présidentielle de 1995, pourtant généralement peu favorable aux mobilisations et aux luttes. Cela exprimait quelque part une compréhension que ce n’était pas le résultat de l’élection présidentielle qui allait en tant que tel faire changer les choses de manière favorable aux travailleurs. Le mouvement de novembre-décembre va marquer un véritable tournant avec la plus grande grève depuis mai 1968, quand bien même elle est restée limitée au secteur public. Et même si le plan Juppé n’a pas été retiré, la massivité des grèves, les expériences d’autoorganisation par branche ou par localité qui ont permis une participation directe à la lutte et à sa conduite de dizaines de milliers de travailleurs, ont laissé des traces profondes et ont constitué un encouragement aux luttes et aux mobilisations. Celles-ci ont été nombreuses. Citons pêle-mêle le mouvement lycéen de cet automne, les grèves contre les licenciements et les fermetures d’entreprise (Villevorde, Ralston, Levis, etc.), celles contre la dégradation et la privatisation directe ou rampante du service public, le mouvement des chômeurs, les mobilisations autour des sans-papiers.
Il ne s’agit pas ici d’analyser dans le détail l’ensemble de ces mobilisations, mais simplement d’en dégager quelques éléments significatifs des potentialités nouvelles qui se dessinent aujourd’hui. La plupart de ces luttes, de ces mobilisations ont été des mobilisations sectorielles, mais toutes ont recueilli une sympathie, une approbation, une légitimité quant à la justesse des revendications et des aspirations qu’elles véhiculaient, dans la grande majorité de la population, malgré parfois le déchaînement des médias contre elles. La prise en charge de ces luttes a été collective, avec un fonctionnement en assemblée générale, parfois avec la mise en place de comités de grève, de comités de mobilisation qui témoignent d’une volonté de contrôler les luttes et les mobilisations, avec une défiance accrue face aux appareils syndicaux (mais pas forcément face aux sections syndicales, qui sont d’ailleurs souvent partie prenante, quand elles ne sont pas à l’origine de ces luttes, et dont les représentants ont la confiance des travailleurs). Enfin, l’ensemble de ces luttes se confrontent immédiatement à la politique gouvernementale (privatisations,
restrictions budgétaires, loi sur les 35 heures à la sauce Aubry qui, loin d’être un point d’appui pour les travailleurs, permet aujourd’hui au patronat de lancer une offensive sans précédent sur la flexibilité du temps de travail, cadeaux faits au patronat sans que cela n’entraîne la moindre des embauches), et à la politique patronale.
Un des phénomènes marquants de ces dix dernières années est l’apparition d’organisations, de mouvements comme AC ! le DAL, Ras-le-Front, Droit Devant, qui ont une existence prolongée et qui jouent un rôle important, parfois primordial, dans les mobilisations touchant à leur secteur d’intervention. A cela, il faut ajouter les collectifs, les comités, plus conjoncturels, comme ceux des sans- papiers par exemple. Une des caractéristiques de ces mouvements, c’est leur indépendance par rapport aux organisations traditionnelles, politiques et syndicales, et leur capacité à être les moteurs de mobilisations dont la portée est telle que les dites organisations traditionnelles ont été forcées de reconnaître leur représentativité et de participer à leurs côtés, à certaines occasions, aux mobilisations et aux initiatives unitaires.
Enfin, les phénomènes de recomposition syndicale à l’oeuvre aujourd’hui
constituent certainement la conséquence la plus importante des modifications à l’oeuvre au sein du mouvement ouvrier traditionnel. Alors que le paysage syndical était marqué par une certaine stabilité, il faut prendre toute la mesure de ce qui s’est passé avec la scission de la FEN et la création de la FSU, qui allait devenir majoritaire en très peu de temps dans tous les secteurs de l’Éducation nationale, et surtout l’apparition de SUD PTT et son essaimage dans d’autres secteurs. L’audience acquise par SUD dans les PTT/Télécoms, la capacité à montrer qu’un syndicat lutte de classes n’était aucunement voué à la marginalisation et à la minorisation a permis non seulement la création de SUD dans d’autres secteurs et de polariser des syndicats indépendants déjà existants, le plus souvent produits de la crise du syndicalisme confédéral, mais aussi de jouer un rôle dans les débats au sein des confédérations syndicales, qui sont traversées aujourd’hui par des débats de grande ampleur, d’autant que le verrouillage traditionnel des réformistes, du PC en particulier, s’est considérablement affaibli.
A cela il faut encore ajouter que, contrairement à nombre affirmations,
la création de SUD n’a pas été un facteur de division syndicale supplémentaire. Au contraire, l’orientation lutte de classe de SUD, alliée à une démarche unitaire à l’égard des autres organisations syndicales, a permis de réaliser l’unité syndicale pour lutter par exemple contre la privatisation des Télécoms. De plus, les SUD ont joué un rôle essentiel dans la prise en charge par le mouvement syndical de luttes extérieures à l’entreprise (AC ! Sans-Papiers, Droit au logement, etc.). Les diviseurs, ce sont les confédérations lorsqu’elles refusent aujourd’hui de mobiliser contre la politique du gouvernement,
ou lorsque la CFDT, en novembre-décembre, est montée en première ligne pour défendre le plan Juppé. Il faut par ailleurs noter qu’une occasion unique d’avancer dans la recomposition syndicale a été gâchée par le refus de l’opposition CFDT d’organiser son départ collectif de cette confédération, ce qui aurait permis de poser les premières bases d’une nouvelle confédération. Et le bilan du dernier congrès confédéral de la CFDT, marqué par la victoire totale de Notat et la défaite de l’opposition, témoigne de l’immense gâchis qu’a constitué la décision de l’opposition de rester dans la CFDT sous prétexte qu’elle allait devenir majoritaire.
L’existence d’organisations, de mouvements spécifiques, la recomposition syndicale vont se poursuivre, même si nous ne pouvons pas en prédire les rythmes de construction, qui seront liés aux mobilisations sociales, mais ce qui est sûr, c’est qu’elles auront dans les années à venir inévitablement des conséquences sur les recompositions politiques à l’oeuvre dans le mouvement ouvrier.
VI.
Les tâches des révolutionnaires aujourd’hui et la construction d’un nouveau parti des travailleurs.
La question de la construction d’un nouveau parti des travailleurs, qui
soit une véritable alternative aux partis traditionnels, est un objectif largement partagé dans le milieu de l’extrême-gauche. Le problème est de savoir comment y arriver, avec qui le construire, sur quelle base programmatique et quel sera son fonctionnement.
Nous avons insisté dans cette contribution sur les reculs qu’ont subi le
mouvement ouvrier et la classe ouvrière ces dernières années, non pas
par pessimisme, ni pour relativiser l’importance de ce que nous pouvons
faire aujourd’hui, mais parce qu’il nous semble important de prendre la juste mesure des possibilités réelles offertes par la situation. Il y a en effet deux mouvements parallèles et contradictoires qui sont en cours :
- une offensive maintenue et de grande envergure de la bourgeoisie,
qui marque des points même si la résistance ouvrière l’a empêché de
réaliser tous ses objectifs, - et en même temps, à l’intérieur du mouvement ouvrier, le rapport de force entre réformistes et révolutionnaires se modifie en faveur des seconds.
Mais pour l’essentiel, c’est plus à cause de la dérive droitière des organisations réformistes et de l’affaiblissement de leurs liens avec la classe ouvrière et le mouvement social que par une véritable adhésion aux idées et au programme défendus par les diverses organisations révolutionnaires. Ce deuxième élément nous ouvre pourtant des possibilités nouvelles dans la construction d’un nouveau parti des travailleurs, mais ne doit pas nous faire oublier le premier, notamment s’il s’agit de construire un parti et non pas simplement des organisations de quelques milliers de militants.
Si les révolutionnaires veulent jouer un rôle dans la construction d’un
nouveau parti, ils doivent être capables de répondre à un certain
nombre de tâches :
- La première d’entre elles, et c’est une condition incontournable pour
donner une crédibilité à la nécessité de construire un nouveau parti, c’est d’être partie prenante, d’être à l’initiative parfois, des mobilisations, des luttes, des grèves, partout, dans les entreprises, les quartiers, en direction des jeunes, des chômeurs, des femmes, des sans-papiers. Avec notamment comme préoccupation de développer au maximum l’auto-organisation à tous les niveaux, de favoriser l’unité sur la base de la défense des revendications, la convergence des luttes, le « tous ensemble » qui seul crée le rapport de force permettant de mettre en échec la politique gouvernementale. - Mais pour pouvoir jouer un rôle dans les mobilisations, dans les
luttes, dans les grèves, il est nécessaire que, préalablement, les révolutionnaires soient présents politiquement dans les entreprises, dans les quartiers, notamment au travers de bulletins, de tracts réguliers dans lesquels ils s’efforcent de donner des réponses aux problèmes concrets qui se posent dans une entreprise ou un quartier, mais aussi à la politique d’ensemble menée par le gouvernement et le patronat, avec l’ambition de constituer des réseaux militants sur la base d’une alternative anticapitaliste.
De même, les révolutionnaires doivent être présents dans le mouvement social, dans des associations comme AC ! le DAL ou les collectifs de défense des sans-papiers. Ils doivent être aussi partie prenante de la recomposition syndicale, de la construction d’oppositions dans les confédérations, de la création chaque fois que c’est utile de SUD, avec la perspective de leur centralisation dans des cadres qu’il ne s’agit pas de prédéterminer et qui varieront en fonction de différents paramètres que nous ne maîtrisons pas, mais avec l’objectif de donner à cette centralisation une dimension confédérale.
Cette présence est une condition pour pouvoir convaincre les animateurs de ces mouvements sociaux de participer à la construction d’un nouveau parti des travailleurs aux côtés des révolutionnaires. - Formuler, proposer une politique d’ensemble autour d’un plan d’urgence, d’un programme d’action anticapitaliste qui permette de donner une cohérence politique aux revendications et aux différentes luttes sectorielles, et qui s’efforce de redonner un crédit à la perspective du socialisme.
Un tel parti ne se proclame pas et verra le jour le plus vraisemblablement dans une période de luttes sociales intenses et prolongées. Mais nous pouvons d’ores et déjà esquisser des plans, accumuler des matériaux qui aideront à sa construction. De ce point de vue, la liste commune LCR-LO peut aller dans ce sens, à condition de ne pas sombrer dans un type particulier de crétinisme électoral, et à condition qu’une partie substantielle des courants révolutionnaires s’implique dans cette campagne et trouve les moyens de débattre, d’agir, de s’organiser ensemble avec toutes celles et ceux prêts à soutenir et même à s’investir dans cette campagne et y donner des suites.
Un tel parti doit avoir l’ambition de regrouper l’ensemble des courants révolutionnaires, indépendamment du fait qu’ils soient d’origine trotskistes, libertaires, conseillistes ou autres, sans faire de croix sur personne, à commencer par la LCR et Lutte Ouvrière. Mais il ne peut se limiter à cela, et même plus : le regroupement de divers courants révolutionnaires dans un même cadre organisationnel n’a de sens que s’il est un véritable point d’appui pour construire un parti large dans lequel se retrouveront et seront partie prenante de sa construction des travailleurs combatifs, qui luttent contre le chômage, les licenciements, et qui refusent la logique du capitalisme et le soi-disant réalisme des organisations réformistes, les syndicalistes révolutionnaires mais aussi des individus, des groupes, des sections venant des partis traditionnels, notamment du PCF, et aussi d’autres courants venant
du mouvement social ou de la mouvance écologiste. Il s’agit de n’exclure personne a priori. Ou pour dire les choses autrement, lorsqu’on parle de parti révolutionnaire large, il est inévitable qu’existent en son sein des courants divers, produits et issus de la crise du mouvement ouvrier, du développement du mouvement social et de la recomposition syndicale, dont la rupture avec le réformisme ne sera que partielle. Refuser cela, c’est exclure de fait la possibilité d’un parti large.
Cela étant dit, nous devons pourtant essayer de définir les délimitations
qui nous apparaissent essentielles. Il ne s’agit nullement de le faire abstraitement, en référence à l’histoire et aux débats passés du mouvement ouvrier, mais bien dans le cadre de l’intervention dans la lutte des classes. Il y a des questions clés autour desquelles une compréhension commune est nécessaire pour définir une intervention politique conséquente.
La question centrale tourne autour de la question de l’État. Les organisations dites réformistes ne sont pas identiques à celles du XIXe siècle. Elles sont intégrées plus ou moins profondément à divers niveaux dans l’appareil d’État, et elles acceptent à divers niveaux également (gouvernement, régions, départements, municipalités) de participer à sa gestion dans le cadre de l’acceptation du capitalisme. Cela ne s’explique pas uniquement par l’arrivisme et la recherche de postes, mais parce que cette participation est considérée par
les réformismes comme le meilleur moyen pour améliorer les conditions
de vie des travailleurs et du plus grand nombre, pour permettre plus
de justice et une meilleure répartition des richesses. Et le problème, c’est que les courants critiques du PC ou les Verts n’ont pas de divergences majeures sur cette manière d’appréhender les choses. Ainsi, en dehors des questions de stratégie révolutionnaire liées à la prise du pouvoir (insurrection, démantèlement des forces répressives et de l’ensemble de l’appareil d’État), où l’on peut laisser des flous et faire même des impasses, il y a nécessité impérieuse d’avoir une claire compréhension de la nature de l’État, ce qui implique une critique radicale du parlementarisme, de l’électoralisme, avec ses conséquences en terme de refus de participation à toute forme de gouvernement qui se situe dans l’acceptation du capitalisme et des lois de la république bourgeoise.
Immédiatement liée à cette question, une compréhension commune est nécessaire du caractère impérialiste de cet État, qui est présent militairement dans un certain nombre de pays, qui entretient des rapports économiques impérialistes avec les pays sous-développés, qui est présent dans toutes les institutions internationales qui visent à assurer la prédominance des métropoles impérialistes. Ce qui implique de défendre dans le programme d’un nouveau parti le retrait de toutes les troupes qui se trouvent à l’étranger, le refus de tout soutien à des opérations militaires, l’abolition de la dette, le retrait de toutes les institutions internationales au service direct de l’impérialisme, etc.
La défense d’un programme de revendications à caractère transitoire,
qui ne peuvent se résumer à la défense des revendications contre l’exploitation capitaliste, mais qui doit englober des questions comme l’école, la santé, l’oppression spécifique des femmes, la garantie de droits intangibles pour les minorités, le droit à la libre circulation, doit être également un des éléments constitutif de la création d’un nouveau parti.
Le programme d’un nouveau parti ne pourra pas faire l’économie d’une position claire sur l’importance de l’auto-organisation. Dans les luttes évidemment, avec les comités de grève, leur centralisation à tous les échelons. Mais pas seulement. Cela doit aussi irriguer l’intervention générale, quotidienne, où il s’agit de favoriser la défiance systématique à l’égard des patrons et de l’État, mais aussi vis-à-vis des directions des organisations traditionnelles, dans une logique de contrôle ouvrier. Liée à cela, il y a la question des rapports entre organisations de masse et partis politiques, avec comme éléments clés non seulement l’indépendance des organisations de masse à l’égard des partis politiques, mais aussi le refus de la prédominance des partis dans les prises de décision.
Enfin, un tel parti devra inscrire à son programme la défense d’une société socialiste et démocratique, où le pouvoir sera réellement exercé par les producteurs auto-organisés, et où les minorités verront leurs droits garantis.
Le dernier point à éclaircir est lié au fonctionnement d’un tel parti. Il ne
s’agit pas ici de développer cette vaste question qui devra être l’objet d’un débat prolongé. Mais ce dont on peut être sûr, c’est qu’un tel parti ne pourra survivre que s’il y règne la démocratie la plus totale, que s’il y a acceptation que des expériences diverses s’exercent dans son cadre, avec la volonté de les centraliser et d’en tirer toutes les leçons. Toutes les divergences ne pourront en effet se résoudre par des votes mais par la pratique qui, seule, peut permettre de vérifier la validité des orientations défendues par les uns et les autres.
Ce tour d’horizon, quelque peu éclectique, vise à mettre en évidence quelques-uns des problèmes (certains très importants, comme la démocratie ouvrière, la rupture avec le productivisme, par exemple, n’ont pas été abordés) sur lesquels il est urgent de débattre dans les années à venir, de manière, en lien avec une intervention dans la lutte des classes, à définir une orientation révolutionnaire et à donner corps à un projet émancipateur pour le XXIe siècle.