La réforme judiciaire vaudoise, discutée actuellement par une commission du Grand Conseil, prévoit de développer la juridiction du travail dans tout le canton. Les tribunaux de prud’hommes, intégrés aux quatre futurs tribunaux d’arrondissement, resteront cependant compétents pour des litiges inférieurs à 20 000 francs, comme c’est déjà le cas actuellement. Au-dessus et jusqu’à 100 000 francs, les causes seront traitées par le tribunal d’arrondissement et au-delà de 100 000 francs par la Cour civile. Contrairement à Genève, qui ne limite pas le seuil de compétence de ses prud’hommes, Vaud tient à garder la limite de 20 000 francs pour ne pas créer une nouvelle juridiction spécialisée. L’Union syndicale vaudoise est fâchée et juge cette réforme inacceptable.
- Le Temps : Pourquoi refusez-vous le maintien de la limite des compétences des prud’hommes ?
Jean-Michel Dolivo : Cette limite constitue une entrave financière à la possibilité pour les salariés de saisir la justice en cas de litige avec leur employeur. Au Tribunal des prud’hommes, le salarié peut se défendre seul ou se faire assister par un représentant syndical, ce qui n’est pas le cas au Tribunal d’arrondissement ou à la Cour civile. Or, beaucoup de litiges portent sur des sommes de plus de 20 000 francs, que ce soit des indemnités de licenciement, le paiement d’heures supplémentaires ou des indemnités portant sur des discriminations dans les rapports de travail. Dès lors qu’il faudra aller au Tribunal d’arrondissement pour faire valoir ses droits, un avocat sera nécessaire et le salarié devra engager des montants importants, sans être évidemment assuré de gagner. C’est une justice réservée aux riches. J’ajoute qu’il n’est pas prévu que des juges assesseurs représentant les milieux professionnels puissent siéger dans les tribunaux d’arrondissement.
- Vous pensez que le Conseil d’Etat a choisi cette solution pour des raisons d’économie.
C’est une des raisons avancées. Il coûterait plus cher, selon le Conseil d’Etat, de nommer des juges professionnels qui devraient remplacer les présidents de tribunaux de prud’hommes actuels si le seuil de compétence était augmenté. Mais, une fois de plus, ces économies se font au détriment des usagers, des salariés qui font valoir leurs droits. À l’instar de ce qui existe avec le Tribunal des baux, l’Union syndicale vaudoise défend une juridiction du travail qui devrait avoir une compétence illimitée du point de vue de la valeur litigieuse et qui puisse traiter tous les conflits relevant des rapports de travail.
- Si vous n’obtenez pas gain de cause au Grand Conseil, qu’allez-vous faire ?
Nous réfléchirons sérieusement à la possibilité de lancer un référendum si le projet devait passer le cap du parlement tel quel.