Sous son masque, le grippé reste un citoyen

, par EPSZTAJN Didier

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  • Gérard Chaouat et Patrick Silberstein, Petit manuel à l’usage de ceux qui vont attraper la grippe (et des autres), Éditions Syllepse, Paris 2009, 122 pages, 7 €.

Ni la crise financière, ni la grippe ne tombent du ciel, comme un surgissement incongru aux marges d’une production sans aspérité ou d’une santé de fer, norme espérée de la vie. Il faut s’interroger « précisément sur l’origine de l’émergence de ce H1N1 autant que sur les conditions de sa rapide dissémination planétaire » et se poser « la question de ce que l’on sait vraiment sur ce qui est fait pour la pandémie à venir dans notre pays, et que nous nous interrogions tant sur les traitements que sur la prévention et sur les mesures gouvernementales. »

Les auteurs présentent les grippes, maladies « banales » mais faisant des dizaines de milliers (500 000 morts par an dans le monde), des millions de morts en certaines séquences (30 à 50 millions de mort en 1918-19 avec la grippe dite espagnole, 3 millions avec la grippe dite asiatique en 1957-58, ou 1,5 millions avec la grippe dite de Hongkong en 1968-69). Ils analysent les mutations par recombinaison génétique, les nouveaux virus, les hôtes successifs et soulignent les conséquences des concentrations animales et humaines dans ces processus : « les grands élevages industriels de porcs et de volaille sont des “incubateurs/réplicateurs” idéaux pour ce processus, surtout quand ils sont à proximité des villes, grandes et petites, ou intriqués à celles-ci. »

Les auteurs soulignent la nouveauté du virus H1N1, « mélange exceptionnel et jamais rencontré » de séquences génétiques provenant de quatre types de virus, dont une de la grippe dite espagnole. Ils rappellent que « les termes d’épidémie (se distinguant des cas isolés par sa propagation à une large population) et de pandémie (touchant l’ensemble de l’espèce, la planète entière) impliquent donc une notion géographique sans considération de gravité. »

Puis, après avoir détaillé les scénarios plausibles, les protections, les vaccins, les médicaments, Gérard Chaouat et Patrick Silberstein présentent les remises en cause du droit à la santé et les mesures restreignant les droits des salarié-e-s dans les plans de continuation d’activité.

Deux éléments forts ressortent : « la compensation salariale complète des malades ou des personnes contacts qui seraient contraints de ne pas se rendre à leur travail » et la remise en cause des laboratoire pharmaceutiques « il faudra bien trouver les moyens et les forces pour les y contraindre car le brevetage privé des produits et le secret des procédés de fabrication de tout moyen médical de prévention ou de traitement constituent des obstacles à la santé publique. »

En médecins citoyens, ils mettent en avant la réappropriation collective des problèmes de santé. « Il ne faut pas abdiquer à cette occasion un droit d’investigation, d’expertise et de contre-expertise qui peut se manifester par la critique et l’enrichissement des mesures préconisées, par leur contrôle et par l’élaboration de matériels d’information propre » ou « Ce ne sont pas des citoyens que l’on mobilise contre un danger mais des “sujets” auxquels on inculque ce que des technocrates, des politiques et des “experts” décident ce qui est bien pour eux. »

Sous leur masque, la grippée et le grippé restent des citoyen-ne-s.

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