À l’enseigne du cygne noir, le groupe de Chicago, fondé à Paris en 1966, vient de publier le recueil de ses tracts de ses dix premières années : The forecast is hot ! Tracts and Other Collective Declarations of the Surrealist Movement in the United States, 1966-1976. Traduction approximative : température en hausse ! Richement illustré, cet exercice de météorologie poétique incendiaire s’ouvre par un hommage au « splendide soulèvement de Watts en 1965 », et démontre sa solidarité avec la cause des femmes, des Indiens, des Noirs, des résistants à la guerre du Vietnam. Mais on y trouve aussi des jeux, des textes sur le jazz, la poésie, la culture populaire, l’imagination, Marcuse, Malcolm X ou Thelonious Monk, signés par Lamantia, Joans, Jablonski, etc. C’est une vraie mine poétique et révolutionnaire.
Il y a peu, les surréalistes de Chicago ont aussi publié un numéro spécial de la revue Race Traitor (n° 9, été 1998) sur le thème : « le surréalisme : la révolution contre l’idéologie blanche » (le mot « whiteness » (blancheur ou blanchitude) est intraduisible !). Rosemont et ses amis y montrent que le surréalisme a été une véritable école de « traîtres à la race blanche », qui a choisi, d’emblée, le camp des peuples colonisés, contre la « suprématie blanche » des puissances européennes. Dans le combat contre l’euro-centrisme, la mappemonde surréaliste de 1929 a été, comme le montre Roediger, un moment important, de même que la visite de Breton en Martinique et la participation de Césaire au mouvement. Penelope Rosemont rappelle les liens de Nancy Cunard, l’organisatrice du recueil Negro anthology de 1934, avec le groupe parisien, tandis que M. B. Rochester présente un texte explosif de Crevel contre le patriarcat blanc, la Négresse au bordel – traduit par Samuel Beckett pour la même anthologie. Un autre document publié par Nancy Cunard et ré-édité ici est le tract de 1932 contre l’« humanisme » assassin de l’homme blanc dans les colonies. Bref, pour conclure avec Franklin Rosemont, en célébrant l’art, les mythes et la poésie des peuples de couleur, les révoltes des Nord-Africains (Riff, 1925) ou les soulèvements d’esclaves brésiliens (Péret), les surréalistes ont puissamment contribué à saboter l’idéologie de la supériorité blanche.