- Photographie de Guillaume Paumier
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- Marianne2.fr : Est-ce que vous comprenez que les tergiversations des différents partis autour de la constitution du Front de gauche pour les régionales, à commencer par celles du NPA, puissent désespérer l’électorat de gauche qui ne se reconnaît pas dans le PS ?
Olivier Besancenot : Ce qui est désespérant, ce sont les unités de circonstance qui explosent une fois tombés les résultats électoraux, c’est de voir alors certains retourner à la soupe. Nous, on est constant. C’est d’autant plus important d’être constant, que l’on voit très bien ce qui se dessine à terme : une coalition de centre-gauche PS-MoDem-Europe-écologie. On sait ce que ça a donné en Italie : Berlusconi et plus d’opposition.
- Mais cette « constance » peut aussi donner l’image d’une direction du NPA intransigeante ?
Intransigeante ? Non, exigeante. On veut vraiment tenter de trouver un accord. Mais il ne faut pas que ça tourne au marchandage : il faut que l’unité se fasse sur un contenu clairement anticapitaliste. On ne demande pas à Jean-Luc Mélenchon de devenir révolutionnaire. Mais les accords de circonstance, c’est la stratégie qui a été utilisée à gauche pendant vingt ans et ça n’a rien donné.
- Après votre refus de participer au Front pour les européennes, Jean-Luc Mélenchon confiait voir derrière vos arguments une sorte de résurgence des luttes historiques qui opposent les trotskystes au Parti communiste ?
C’est surtout que ça l’arrangeait de voir les choses comme ça. C’est du Mélenchon : il fait quand même beaucoup dans la com ! C’est comme lors de notre première rencontre pour les régionales. Il a convoqué la presse pour dire « Ça y est, c’est fait », alors que ce n’était qu’une première discussion. On n’est pas pour offrir aux médias de belles photos de famille avec toutes les têtes d’affiche dessus. Au NPA, on a l’habitude de dire qu’on est plus pratiquant que croyant. Après, pour ce qui est de notre refus de participer aux européennes avec le Front de gauche, c’est peut-être aussi qu’avant même que l’on se prononce, tout était plié : le matériel de campagne avait déjà été commandé ! Et pendant la campagne, on n’a pas taclé le Front de gauche. Eux, ils ne se sont pas retenus...
- Est-ce que dans la période que nous traversons, ce ne serait pas également une question de responsabilité que de ne pas entretenir une guerre ouverte comme celle qui vous oppose aux syndicats et, en particulier, à la CGT ?
Ce n’est pas nous qui rentrons en guerre contre la CGT. C’est eux qui ne viennent pas à notre université quand on les invite. On ne va pas nous faire ce procès-là en plus, histoire d’établir un cordon sanitaire autour du NPA et de le rendre infréquentable. Avec la CGT, il faut qu’on se voit, qu’on relance le débat, quitte à « clasher ». Mais il faut qu’on se parle.
- Il y a tout de même un différend qui vous oppose sur la manière d’aborder le mouvement social. Vous êtes partisan de la grève générale. Ce à quoi les syndicats répondent que la grève générale ne se décrète pas ?
Ce qui n’est pas faux. Mais ça ne doit pas être un alibi quand même. Entre dire « Ça ne se décrète pas » et faire des manifestations simplement tous les deux mois, il y a de la marge. Nous, quand on parle de grève générale, on n’a pas en tête le Grand soir. On cherche juste l’efficacité. On cherche à faire converger les luttes. On cherche à aider les luttes locales, qu’elles ne soient plus isolées. Ce qui est malsain dans cette histoire, c’est qu’on sent qu’une page du mouvement ouvrier est en train de se tourner...
- Du côté de la direction du NPA, on se refuse à dire qu’il y a eu une certaine désaffection dans les rangs des militants. Mais les militants, eux-mêmes, expliquent qu’il y a un important turn-over ?
La désaffection, c’est une rumeur, d’ailleurs relayée par Marianne... Je ne vais pas essayer de convaincre avec de la salive. On se permet juste de dire que non, on n’est pas mort. Pour ce qui est du turn-over, c’est un phénomène que nous connaissons mais qui n’est pas énorme. Après, on peut reconnaître qu’on a des petits problèmes de fonctionnement. C’est que c’est super compliqué de faire cohabiter des personnes issues de traditions politiques différentes : il y a des communistes, des socialistes, des éco-socialistes, des libertaires, etc. Ce n’est pas aussi compliqué que ce que j’imaginais avant de lancer le NPA mais on a parfois des débats de fou !
Mais le plus gros problème se pose au niveau générationnel : on n’appréhende pas le mouvement ouvrier de la même manière quand on est un cégétiste de 55 balais ou un jeune de quartier. Des fois, ça fait des étincelles, et il y a des clashs.
Mais on le revendique : on apprend en marchant. Maintenant, il nous faut passer à ce que j’appelle « l’acte II du NPA » : il faut nous consolider tout en continuant à nous ouvrir, être présent dans les luttes et, surtout, montrer que nous avons un projet politique global.