En cas de deuxième tour Hollande/Sarkozy, voterez-vous à gauche ?
Nous n’en sommes encore pas là. Il y a d’abord la barrière des 500 parrainages à franchir. Et si nous y arrivons, ce que nous espérons fortement, là il y aura un premier tour à faire. Ceci dit, nous sommes, comme beaucoup, pour dégager Sarkozy et toute sa bande. Ce qui ferait un bien fou. Mais en même temps, nous affirmons clairement que se débarrasser du gouvernement actuel ne réglera pas les problèmes de fond. Nous ne pouvons pas compter sur Hollande et le PS pour changer les choses car ils mèneront eux aussi une politique libérale. Pour stopper la politique anti-sociale, il faudra que la population s’en mêle directement, il faudra une mobilisation générale de millions de gens pour imposer une vraie politique de gauche, une politique qui réponde aux besoins sociaux.
Votre programme économique est-il vraiment viable ?
Oui notre programme est viable et même plus que ceux des autres candidats libéraux. C’est un programme d’urgence pour sortir de la crise. Un programme pour faire payer les responsables de la crise, les capitalistes, les spéculateurs. Il faut prendre l’argent là où il est : du côté des profits et des grosses fortunes. Depuis 25 ans, c’est la même politique en faveur des plus riches qui a été menée (gouvernements de droite comme de gauche), avec des cadeaux fiscaux, des exonérations de cotisations sociales pour les riches. Cela représente au moins 140 milliards d’euros qui ne rentrent plus dans les caisses de l’Etat (réformes fiscales, niches fiscales). Il faut faire le chemin inverse. Il faut reprendre les 10% de PIB qui sont partis des poches de la population vers les coffres forts des capitalistes. Cela signifie une révolution fiscale, la suppression des cadeaux aux plus riches et revenir à un impôt sur les sociétés à 50 %. Comme c’était avant, c’est un minimum. C’est une question de choix politique. Il y a urgence de reprendre cet argent pour les mettre à disposition de la population, pour répondre aux besoins urgent : il faut augmenter les salaires, embaucher, développer les services publics.
Des personnalités disent que le peuple grec n’a que ce qu’il mérite. Qu’en pensez-vous ?
C’est lamentable. Cela relève du mépris social. Le peuple grec n’y est pour rien et il a raison de se révolter. D’ailleurs c’est l’ensemble des peuples qui doit de révolter ensemble pour s’attaquer aux capitalistes européens : il faut annuler les dettes publiques, il faut exproprier les banques et en faire un véritable service public sous contrôle des populations. Il faut construire une Europe des peuples et harmoniser le droit social vers le haut.
Où en êtes-vous au niveau des parrainages ?
Nous en sommes à 450 parrainages officiels et nous sommes en train de reconvertir les promesses que nous avons. C’est serré, il nous reste une semaine pour réussir. C’est largement jouable mais cela demande encore beaucoup d’énergie militante. Nous essayons toujours de convaincre des maires hésitants.
M. Poutou, seriez-vous le candidat le plus populaire de ces élections ?
Je serai le seul ouvrier mais pas le seul salarié puisqu’il y aura Nathalie Arthaud. A travers ma candidature on veut faire passer l’idée qu’il faut que les gens d’en bas prennent leurs affaires en main, qu’il y en a marre d’être représenté par des politiciens professionnels qui ne s’intéressent à nous que le temps des élections. Il faut compter sur nous-mêmes, sur notre force collectives, sur la solidarité du camp des opprimés pour changer les choses. Nous espérons à travers la campagne redonner confiance et espoir dans nos capacités à défendre nos intérêts. Le progrès social, ça a toujours été grâce aux luttes des peuples. La révolte des peuples du monde arabes montre que cela peut arriver.
Pourquoi devrais-je voter pour vous plutôt que pour Mélenchon ?
Nous disons tous les deux qu’il faut dégager Sarkozy et toute sa bande. Mais nous défendons une indépendance totale vis à vis du PS et des institutions. Nous ne pouvons pas faire confiance dans un PS libéral, lié aux milieux patronaux et financiers. Un PS qui s’est attaqué aux services publics, aux chômeurs, aux salariés en général quand il a été au gouvernement. D’ailleurs Mélenchon a participé à un gouvernement Jospin qui s’est attaqué à France Télécom, à Air France… Le Front de Gauche est trop ambigu sur ce qui va se passer après le 6 mai. D’ailleurs aujourd’hui les élus FdG soutiennent la majorité PS dans toutes les Régions et pourtant, c’est une politique libérale qui est menée et que nous désapprouvons. Nous disons clairement qu’il faut une opposition à la gauche, qu’il faut préparer une riposte unitaire à la gauche de la gauche, avec les syndicats, les associations. C’est une bataille sociale qu’il faut mener dès la fin des élections pour stopper les attaques et imposer une vraie politique de gauche. Il n’y a rien à attendre d’une nouvelle gauche plurielle.
Je n’arrive pas à comprendre quels sont les électeurs du NPA ? Votre ami Besancenot a frôlé les 5 % et vous êtes à un peu plus de 1 %. Le NPA est-il passé de 9.000 adhérents à aujourd’hui 3.000. Est-ce à dire que certains de vos électeurs sont sensibles au marketing télévisuel et non à votre programme ?
C’est difficile à dire, à interpréter. Il y a plusieurs facteurs qui entrent en jeu. Aujourd’hui, il y a une situation économique et sociale très compliqué pour le camp des opprimés. Une crise brutale qui se traduit par une augmentation de la pauvreté, de la précarité, du chômage, un démantèlement des services publics, des millions de gens qui ne peuvent plus se soigner, se loger ou s’éduquer. C’est dramatique. Tout cela démoralise les gens, c’est la peur du lendemain qui domine et un sentiment d’impuissance. Il y a de la colère, de la révolte mais nous ne savons pas comment empêcher les reculs. Dans plein d‘endroit les gens résistent pour empêcher la fermeture d’un hôpital, d’une maternité (Les Lilas …), d’un centre IVG, d’une usine. Des postiers qui s’opposent à des suppressions de tournées de facteurs (Nanterre, Malakoff ...). Des gens qui luttent contre la mise en place de projets néfastes pour la population comme l’implantation d’un centre d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure, d’un nouvel aéroport inutile et nuisible comme à Notre Dame des Landes (44). Mais il faut qu’on réussisse à faire converger toutes ces luttes pour changer le rapport de force. Nous en avons la perspective. C’est la condition pour retrouver cet espoir qui nous manque tant.
Le monde compte 1.226 milliardaires combinant 4.600 milliards de dollars (source easybourse). Pour la situation d’Arcelormittal à Florange, Chérèque déclare : « Entre les 200 à 250 millions d’euros d’investissements nécessaires pour garantir l’avenir de Florange et les 17 millions proposés la semaine dernière par la direction, il faut trouver un modus vivendi acceptable par tout le monde ». La fortune personnelle de monsieur Mittal est estimée à 15.6 milliards d’euros (20.7 M$ source forbes) on voit bien que la sauvegarde de centaines d’emplois représente entre 0.1 et 2 % des avoirs de ce monsieur... La question qui se pose est de savoir si l’on souhaite ou non contraindre Mittal à payer et si oui comment ?
Bien sûr qu’il y a largement les moyens de maintenir les emplois et même d’embaucher. Les fortunes existent et il faut oser aller les chercher. C’est une question de choix politique. Il faut faire payer les capitalistes, prendre sur les profits. Il faut interdire les licenciements, les délocalisations. Il faut réquisitionner quand les patrons veulent fermer, il faut que les salariés prennent leurs affaires en main et leurs usines. Cela suppose un rapport de force en notre faveur. C’est l’enjeu de la période qui vient. Il faut s’affronter au capital. Il y a véritablement une guerre de classe, à nous de trouver les forces pour riposter et changer la donne.
Vous êtes crédité de 0,5 à 1,5% d’intentions de vote dans les sondages. Ne pensez-vous pas qu’il y ait aussi une certaine « méfiance »" des électeurs envers les idées de l’extrême gauche ?
Non, il ne s’agit pas d’une méfiance mais plutôt d’un manque de crédibilité. Nos idées suscitent la sympathie parmi les opprimés. Mais nous ne disons pas « Votez pour nous et on fera le reste » on dit « Prenons nos affaires en main, mobilisons-nous, résistons ensemble pour changer nous mêmes les choses ». Ce n’est pas facile car il faut le moral, il faut avoir confiance dans notre propre camp. Mais même si les sondages nous mettent très bas, on ne lâche rien.
Êtes-vous prêt à condamner avec fermeté les agissements du groupe Action Directe.
Non pas du tout. Nous ne défendons pas les méthodes terroristes. Par contre nous dénonçons la répression de l’Etat contre les anciens d’Action Directe. Nous dénonçons la politique répressive, notamment la répression policière actuelle notamment dans les quartiers populaires, une police qui tue des jeunes comme à Grasse ou Clermont Ferrant. Nous dénonçons la répression contre les militants anti-OGM ou contre les syndicalistes comme Xavier Mathieu. Nous dénonçons la violence des expulsions de ceux qui ne peuvent pas payer leur loyer. Nous dénonçons les expulsions de travailleurs sans-papiers. Nous dénonçons la violence sociale qui consiste à licencier pour sauvegarder les profits.
Vous avez visité une boucherie halal en dénonçant la récente polémique, « une affaire lamentable à connotation racist e », selon vous. Pourquoi serais-je raciste ? En tant que Chrétien, n’ai-je pas le droit de consommer non-halal ?
Franchement, je m’en fous que la viande soit halal ou pas. Ce qui importe c’est que les gens puissent se nourrir correctement. La question de la viande halal est un faux problème, c’est un sujet de diversion pour ne pas parler des vrais problèmes. Les racistes se sont ceux qui spéculent sur ces problèmes : les Guéant, les Le Pen...
Comme vous, j’habite à Blanquefort, et je vous ai déjà croisé quelques fois. J’aimerais savoir comment vous réagiriez en cas d’échec ? Continueriez-vous un parcours politique, ou vous concentreriez-vous sur votre carrière d’ouvrier ? Bonne chance pour la suite.
Je suis un ouvrier et je le resterai. En même temps je suis militants syndicaliste et politique depuis des années et je le resterai après. Je ne vais pas faire une carrière professionnelle. Nous sommes opposés à cette vision de la politique politicienne. Nous sommes pour la révocabilité à tout moment des élus, contre le cumul des mandats, pour fixer un maximum de mandats dans le temps, pour fixer un revenu qui corresponde au salaire moyen de la population. La politique doit être l’affaire de tous. C’est une question de démocratie qui est aujourd’hui volée par les capitalistes et les politiciens à leur service. Il faut partager les richesses et le pouvoir. Il faut que la population puisse décider directement des choix à faire.
La France est impliquée militairement en Afghanistan, en Libye et d’en d’autres pays d’Afrique, certains comme BHL appellent à intervenir en Syrie, diverses menaces de conflit armés perdurent au Moyen-Orient, sans parler de l’Irak... Ne craignez-vous pas que les pays occidentaux essayent de sortir de la crise en portant la guerre partout, comme ils l’on fait après la crise des années 30 ? Quelle est votre position ?
Nous sommes contre les interventions militaires des pays impérialistes. Car il ne s’agit pas de sauver ou d’aider les peuples mais bien de défendre des intérêts économiques ou politiques des grandes puissances et des capitalistes. Il s’agit en réalité d’interventions « colonialistes » ou néo-colonialistes. Nous sommes solidaires de tous les peuples qui luttent contre l’oppression, contre les dictatures. La solidarité doit passer par des mobilisations populaires dans les pays occidentaux. Il faut développer les réseaux d’aides internationales grâce notamment aux organisations ouvrières comme les syndicats, les associations humanitaires, les organisations d’extrêmes gauche. L’avenir c’est la révolte des peuples pour l’émancipation à l’échelle de la planète. Nous sommes internationalistes parce que, que nous soyons Africains, Asiatiques, Américains, Européens, nous avons tous le même ennemi, c’est le capitalisme mondial. Aux peuples de prendre le pouvoir partout alors vivent la solidarité mondiale.
Au revoir et à bientôt dans les mobilisations sociales.
Jusqu’au 6 mai 2012, date du second tour de la prochaine présidentielle, la rédaction de 20 Minutes en partenariat avec Yahoo ! reçoit plusieurs personnalités politiques pour un chat avec les internautes et une interview vidéo.
Philippe Poutou est à une semaine d’une première échéance importante. Le 16 mars, il devra, comme tous les autres candidats, déposer ses 500 parrainages au Conseil constitutionnel. Samedi dernier, Olivier Besancenot a révélé qu’il en possédait 478, tout en accusant le PS. « On a eu une dizaine de cas de maires qui avaient promis leur signature et qui ont ensuite été démarchés par le PS. C’est contradictoire avec le grand discours démocratique des primaire s », a expliqué l’ancien candidat.
>> Lire l’interview de Philippe Poutou pour 20minutes.fr ici
Cette récolte n’empêche pas Poutou de faire campagne. Réunions publiques, visites dans les usines, interviews dans les médias, le syndicaliste multiplie les interventions tout en gérant son travail à l’usine Ford près de Bordeaux. Mercredi, il a par exemple visité une boucherie halal dénonçant la récente polémique, « une affaire lamentable à connotation raciste », selon Poutou. « Elle est faite pour ne pas parler des choses importantes. Le vrai problème est plutôt d’avoir de la viande à manger pour de nombreuses familles », a-t-il analysé. Le candidat du NPA n’arrive pourtant toujours pas à décoller dans les sondages. Crédité de 0,5 à 1,5% des intentions de vote, Poutou doit affronter Jean-Luc Mélenchon qui siphonne de nombreuses voix de l’extrême gauche. Lui accuse le candidat du Front de gauche de rouler pour le système. « C’est loin d’être un adversaire parce qu’il représente aussi notre camp social. Mais c’est quand même un ancien ministre, c’est quelqu’un qui est complètement intégré au système, qui fait de la politique depuis trente ans », explique le candidat.