Une dette illégale et corrompue
La dette externe du Venezuela représente aujourd’hui 38, 2 milliards de dollars selon la Banque mondiale ; elle est la quatrième en importance en Amérique latine après celle du Brésil, de l’Argentine et du Mexique.
La dette initiale a déjà été remboursée plus de deux fois (en 1980, elle était de 29,3 milliards de dollars), mais le pays continue chaque année à payer entre 5 et 6 milliards de dollars en service de la dette, ce qui représente 25 à 30 % de son budget.
Comme ailleurs, le scénario d’origine est classique : les élites dominantes ont contracté des prêts importants pour des projets pharaoniques, des achats d’armes ou qui se sont perdus dans le trou noir de la corruption. Jamais les populations n’ont vu le bénéfice de ces sommes. Dans le cas du Venezuela, ces élites ont stupidement pensé que les revenus de la rente pétrolière allaient permettre de huiler éternellement la machine.
Mais en 1983, les prix du pétrole ont connu une chute considérable qui a plongé le pays dans la crise. Parallèlement à cela, les taux d’intérêts ont grimpé, parfois de 4 à 20 %, entraînant le pays dans le cycle infernal de la dette. A partir de 1989, le FMI a octroyé de nouveaux crédits en imposant ses traditionnelles réformes de libéralisation du marché, de privatisations, de coupures dans les budgets sociaux et de hausses des prix dans les services. Cela est assez peu connu, mais ces mesures ont provoqué l’un des premiers grands soulèvements populaires contre le néolibéralisme, appelé le « Caracazo ». En février 1989, suite à l’accord entre le FMI et le gouvernement de Carlos Andres Perez (du parti AD) et la hausse des prix du transport et de l’essence, la population pauvre et affamée de Caracas a occupé massivement la ville et s’est socialement réapproprié les richesses en pillant les magasins. Ce soulèvement fut réprimé dans le sang par Carlos Andres Perez qui envoya l’armée tirer sur une population sans défense. Le bilan officiel a fait état de 300 morts, mais il y eut sans doute 2 à 3 000 victimes.
Que fait Chávez ?
La politique de Chávez à l’encontre de la dette externe n’a pas toujours été exempte de contradictions. En 1996, Chávez se prononçait pour plusieurs options parmi lesquelles le moratoire pur et simple ou bien la fixation d’un plafond de payement afin de ne pas handicaper le développement économique du pays. Mais depuis son arrivée au pouvoir, même s’il refuse tout nouvel accord avec le FMI, Chávez a ponctuellement rempli les « obligations » de l’Etat vis-à-vis des créanciers.
Le comble dans la situation actuelle est que, depuis 1986, l’Etat vénézuélien a repris à son compte toutes les dettes privées. De sorte que le gouvernement Chávez actuel rembourse annuellement une dette contractée par les mêmes patrons des entreprises qui tentent aujourd’hui de le renverser par des coups d’Etat !
En août 2002, le gouvernement a déclaré qu’il avait l’intention de mener une enquête publique sur la dette. Au cours d’une conférence de presse donnée lors de sa visite au Forum social de Porto Alegre en janvier 2003, Chávez a déclaré : « C’est avec douleur que, dans les quatre dernières années, nous avons dû payer plus de 20 milliards de dollars pour une dette dont les fruits ne sont pas au Venezuela (...). Ce mécanisme est immoral ».
La solution qu’il préconise se situe à l’échelle internationale. Selon Chávez, dans les rapports de forces mondiaux aujourd’hui, un pays ne peut décider à lui seul de suspendre unilatéralement le payement de sa dette extérieure. C’est sur une réelle opportunité d’atteindre un début d’intégration latino-américaine qu’il semble avant tout miser avec l’élection de Lula au Brésil et de Gutiérrez en Equateur. Mais ces deux derniers ont fortement mis de l’eau dans leur vin sur la question de la dette.
Par ailleurs, lors de la Conférence internationale sur le financement du développement à Monterrey en mars 2002 ainsi que dans son discours au sommet de la FAO à Rome en octobre de la même année, Chavez a proposé de constituer un Fonds Humanitaire International (FHI). Ce Fonds, qui serait consacré à financer la satisfaction des besoins vitaux (eau potable, santé, éducation) dans le monde, serait alimenté par plusieurs sources : une taxe importante sur les transactions financières internationales ; une réduction des dépenses d’armements et le transfert d’une partie du payement des dettes des pays pauvres vers ce FHI.
Si ces propositions sont particulièrement « osées » dans le contexte actuel d’une mondialisation néolibérale hégémonique, elles restent toutefois en deçà des revendications avancées par les mouvements populaires vénézuéliens. Le Réseau vénézuélien contre la dette propose ainsi plusieurs mesures intermédiaires pour « nous libérer de la dette externe afin d’approfondir la révolution et vaincre le putschisme » : soutenir l’intention du gouvernement de mener une enquête sur la dette mais avec la participation et le contrôle des organisations populaires ; appel pour que Chávez constitue un Bloc des pays endettés ; demande pour que le gouvernement refuse de payer la dette contractée par les entreprises privées (et tout spécialement pour celles qui sont impliquées dans la conspiration putschiste), etc.
L’année 2003 sera une année décisive pour le Venezuela. La survie du processus populaire dépendra en bonne partie de la capacité du gouvernement à mener à bien et surtout à approfondir les réformes sociales et économiques qu’il a entamé. La question des ressources est donc cruciale et l’une des voies passe effectivement par l’arrêt du payement d’une dette largement illégitime.
Quelques acquis du gouvernement Chavez
— Le budget de l’éducation est passé de 3% du PIB en 1998 à 7 % en 2002.
— 3 000 écoles publiques bolivariennes ont été construites.
— La suppression des frais scolaires dans les écoles publiques et la constructions de nouvelles écoles à permi une augmentation de 40% de la scolarisation : 1 000 000 d’enfants supplémentaires ont été scolarisés depuis 1998 et recoivent 3 repas gratuits par jours.
— Le budget des universités à été triplé, passant de 575 000 bolivars en 1999 à 1 628 000 en 2002.
— 2 000 coopératives ouvrières et paysannes ont été créé suite à la loi sur les coopératives.
— Le budget de la santé est passé de 2,5 % du PIB à 5 %
— La malnutrution infantile a été réduite de 10 %
— La mortalité infantile est passée de 21 pour 1000 en 1998 à 17 pour 1000 en 2002.
— L’espérance de vie a commencé à augmenter en passant de 71 ans à 71,9
— L’accès à l’eau potable a augmenté de 15 % : 1,5 millions de personnes en plus ont aujourd’hui un tel accès.
— 150 000 logements sociaux de qualité ont été construits.
— Par ailleurs, le gouvernement octroie des soins de santé gratuits pour des milliers de malades atteints du cancer, de l’hémophilie et du SIDA. Des médicaments sont également distribués gratuitement.
— 16 000 crédits ont été octroyé par la Banque de la Femme pour des micro-projets productifs, 30 000 autres ont été octroyé par la Banque du Peuple.