Usine de Blanquefort : « Que l’Etat la rachète et la cède au repreneur », plaide Poutou

, par POUTOU Philippe

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Alors que le plan de sauvegarde de l’emploi de l’usine Ford, à Blanquefort, en Gironde, doit être examiné ce lundi, Philippe Poutou, délégué CGT et porte-parole de l’intersyndicale, veut mener le combat jusqu’au bout.

Pour Philippe Poutou, « l’Etat doit sortir de son impuissance et imposer d’autres solutions que la fermeture de l’usine »
AFP/Georges Gobet

C’est ce lundi que l’administration doit dire si elle avalise, ou non, le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) du constructeur automobile américain Ford, à Blanquefort, en Gironde. Cette usine, spécialisée dans les boîtes de vitesses, compte 850 salariés. Philippe Poutou, délégué CGT de Ford Blanquefort, et l’un des porte-parole de l’intersyndicale, souhaite que l’on se donne du temps. Le candidat NPA à la présidentielle de 2017 plaide pour des « solutions originales ».

Vous souhaitez que le PSE de Ford Blanquefort soit « retoqué » par l’administration, pourquoi ?

PHILIPPE POUTOU. Pour gagner du temps et nous donner une chance supplémentaire pour une éventuelle reprise. Depuis le début, Ford est allé trop vite et n’a pas voulu discuter, même pour le repreneur Punch. Si le PSE est refusé, nous gagnons environ un mois avant que l’entreprise n’en propose un autre. Pendant ce temps, le repreneur potentiel peut concrétiser son projet, en collaboration avec l’Etat.

En décembre, Ford a rejeté l’unique offre de reprise du groupe franco-belge Punch Powerglide qui préservait 400 emplois. Ce refus est-il définitif ?

Nous espérons que non. Il faut continuer à travailler sur ce projet de reprise. D’où l’idée de gagner du temps. Pour cela, il nous faut mener la bataille pour mettre la pression sur Ford, le repreneur, l’Etat. Jusqu’au bout.

Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a évoqué l’idée d’un « rachat provisoire » de l’usine par l’Etat. Où en est-on ?

C’est toujours d’actualité. Ce qui est terrible, dans toute cette histoire, c’est que l’Etat n’a pas les moyens d’empêcher Ford de fermer ou de refuser un projet de reprise. L’idée serait donc que l’Etat rachète l’usine avant de la céder au repreneur. En effet, actuellement, si un projet de reprise échoue, c’est le propriétaire d’avant qui est tenu pour responsable. Si l’Etat se place comme intermédiaire entre Ford et Punch, alors, c’est lui qui reprend cette responsabilité à son compte. Cela pourrait débloquer la situation. Parallèlement, l’Etat doit aussi vérifier que le repreneur est solide : il doit donner des garanties sur sa capacité à faire vivre l’entreprise, à la gérer. Il doit y avoir une vraie activité derrière.

Vous étiez à Bercy vendredi dernier. Sur quoi ont précisément porté les échanges ?

Sur l’urgence du moment. Car si l’administration homologue le PSE, c’est fichu pour la suite, on passera directement au plan de licenciements. En 5 mois, tout sera liquidé. L’Etat doit sortir de son impuissance et imposer d’autres solutions que la fermeture de l’usine.

Qu’en est-il des aides publiques touchées par Ford ?

Ford a trahi tout le monde. En mai 2013, cette entreprise américaine s’était engagée à maintenir au moins 1 000 emplois sur ce site, en échange de 49,7 millions d’euros d’aides publiques entre 2013 et 2018. Non seulement, ils n’ont pas maintenu ce chiffre de 1 000 emplois, mais en juin 2018, Ford a annoncé son plan de sauvegarde de l’emploi, en dépit de tous ses engagements !

Faut-il demander à Ford de rembourser ces aides ?

Malheureusement, il n’existe pas de loi qui impose cela. Tout est scandaleux dans cette histoire, d’autant que notre usine n’était pas en difficulté. La loi Florange demande à une multinationale de chercher un repreneur avant de fermer une usine. Il faut la changer pour imposer de réelles contraintes.

Après des mois de bataille, dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Colère, révolte contre des lois et des procédures qui se moquent des salariés. Un sentiment aussi de gâchis énorme. Blanquefort, c’est 850 salariés, mais aussi 2000 emplois induits dans la région. Sur place, il y a beaucoup de résignation, mais sur fond de mouvement des Gilets jaunes, on ne peut exclure que tout cela devienne explosif.