Tout à la fois, rencontrer en direct et en public François Bayrou et dialoguer avec lui, rendre hommage à la ténacité d’Arlette Laguiller et la faire applaudir dans un meeting (« J’ai cité son nom en meeting et elle a été acclamée. Les personnalités qui sont cohérentes, qui ont un idéal principal et ne lâchent pas, sont très attachantes. Je ne la voyais pas pour lui demander quoi que ce soit. Juste pour le plaisir de la rencontrer, de la remercier. »), saluer la justesse du slogan de la LCR (« Nos vies valent plus que leurs profits »), confier une mission à José Bové, et suggérer enfin que DSK ferait un excellent Premier ministre, il fallait oser. Ségolène Royal l’a fait.
Le grand écart ? Rassembler au-delà de son camp c’est un impératif pour elle. Je pourrais, moi qui ai voté Besancenot au 1er tour, m’en offusquer, m’insurger même. Je ne le fais pas. Nous verrons ça plus tard. Si la victoire est au bout, finalement nous lui devrons tous une fière chandelle. Et peu importe aujourd’hui les calculs politiciens de ceux qui en profiteront, si elle gagne, pour avancer leurs pions. De toute façon, tôt ou tard, la social-démocratisation du PS se fera, et peut-être pourrons nous en profiter pour rassembler enfin le camp anti-libéral. Mais l’a-t-elle voulu ainsi dès le début ?
Ce n’est certainement pas elle qui a poussé des centaines de milliers d’électeurs de gauche dans les bras de Bayrou. Ils s’y sont précipités malgré elle. Le terrain était préparé de longue date. Par absence de confiance dans les capacités de la dame à « diriger le pays » ou à cause d’un programme jugé encore trop à gauche (un comble quand l’on songe qu’elle fut taxée de « blairisme » au début de son parcours), ces électeurs lui ont forcé la main pour ainsi dire. Rocard, Kouchner et Cohen-Bendit en ont rajouté une louche. On connaît le résultat : un Bayrou à 18,5 %.
Si elle perd, faudra-t-il lui en vouloir ? Ce serait injuste. Avoir eu contre elle, les caciques de son propre parti, puis les trois droites (l’UMP, l’UDF et le FN), et s’en sortir s’en dommage, grandie même, c’est un exploit. Oubliée la nunuche, la Bécassine, la Pimprenelle du Poitou. Il ne lui reste plus qu’une marche à franchir : affronter celui qui voudrait « liquider » l’héritage de mai 1968. Un dernier combat à sa mesure – celui d’une femme libre, en héritière de la libération des femmes initiée par cette grande révolte de la jeunesse, contre le machisme réactionnaire personnifié – elle qui disait fort justement en 1996 : « Je n’ai que rarement observé, chez une femme, de réflexe d’assujettissement à un chef (ou « petit chef ») comme j’en ai vu chez les hommes. Certes, elles sont moins nombreuses, donc l’échantillon de comparaison est moins large, mais il est certain que l’instinct de troupe n’est pas leur fort. » (Ségolène Royal, La Vérité d’une femme, Stock).