« Renaissance africaine »

, par TOUSSAINT Éric

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Eric Toussaint est président du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM) et coauteur du Bateau ivre de la mondialisation publié aux Éditions Syllepse. À ce titre il a participé à Dakar 2000. Il répond aux questions de l’Humanité.

  • Quels ont été, selon vous, les apports de la conférence de Dakar à la lutte pour l’annulation de la dette du tiers-monde ?

On sent que le mouvement en faveur de l’annulation de la dette et de l’abandon des Plans d’ajustement structurel (PAS) s’enracine en profondeur dans les réalités nationales en Afrique subsaharienne. Dakar 2000 a été un carrefour entre les différentes régions du continent. Il y a déjà eu des rencontres de ce genre, mais c’était généralement à l’initiative des anglophones avec une dominante de cette zone. Les thème de la dette, du rejet de l’ajustement structurel, de la stratégie de la Banque mondiale et du FMI sont, en fin de compte, les premiers grands thèmes unificateurs des mouvements citoyens et sociaux en Afrique. On peut, ainsi affirmer, que Dakar a marqué le départ d’une véritable renaissance africaine.

  • Quelles seront les suites de la campagne Jubilé 2000 qui a recueilli près de 22 millions de signatures en faveur de l’élimination de la dette ?

Nous avons devant nous une série d’échéances qui vont permettre au mouvement de réellement prendre ses marques, son caractère définitif pour sa seconde génération. Nous nous situons dans le cadre d’un processus. Un consensus s’est dégagé sur le fait qu’il fallait prendre le temps nécessaire de consulter les différents mouvements des différents continents. Les décisions vont être prises à l’occasion des prochaines échéances : la réunion des campagnes européennes le 5 janvier à Paris ; le Forum social mondial de Porto Alegre du 25 au 30 janvier. Nous pensons pouvoir finaliser le processus à l’occasion du Sommet du G7 à Gênes cet été.

Personnellement, je pense que se formera un mouvement qui va élargir la revendication de l’annulation de la dette à l’ensemble des pays du tiers-monde, alors que Jubilé 2000 demandait l’annulation de la dette des seuls pays les plus pauvres (une cinquantaine sur les 150 endettés du Sud). Dans le même temps, on sera conduit à combiner la revendication de l’annulation de la dette avec le rejet tant des plans d’ajustement structurels que du Cadre stratégique de la lutte contre la pauvreté, la nouvelle stratégie de la Banque mondiale et du FMI. À cela s’ajoutera l’exigence de moyens alternatifs pour un financement du développement.

  • Quelles évolutions envisagez-vous au cours de la prochaine période ?

Je pense que ces campagnes interpelleront de manière systématique les partis politiques et la représentation politique, sans tomber dans le défaut de se substituer aux politiques. L’autre élément marquant, à mon avis, est la volonté de mettre en place au niveau mondial des liens étroits, des mécanismes de liaison, de concertation, d’élaboration incluant les organisations syndicales, les mouvements citoyens, une série d’ONG.

La troisième caractéristique concerne les acteurs du mouvement : on a souvent parlé, au cours de la dernière période, des ONG comme d’un élément clé. Je pense que surgit désormais un acteur plus important que les ONG : les mouvements sociaux classiques et notamment les organisations syndicales. Cela me semble très positif car, à la différence des ONG, les syndicats, dans leur grande majorité, ont un lien avec leur base et des mécanismes de fonctionnement plus démocratique que les ONG, dont les relations à leurs mandants sont beaucoup plus diffuses, quand elles ne sont pas inexistantes parfois.