« Mai 68 a été la plus grande explosion sociale que le monde ait connue »

, par KRIVINE Alain

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En mai 1968, Alain Krivine faisait partie des principaux animateurs du mythique mouvement de contestation. Alors âgé de 27 ans, le militant d’extrême-gauche, qui sera par la suite candidat à deux reprises à l’élection présidentielle, venait de fonder la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR, l’ancêtre du NPA). Cinquante ans après, Alain Krivine évoquera son expérience soixante-huitarde et les leçons qu’il en tire demain, vendredi 1er juin, à 19 heures, au Casal de Perpignan (avenue du Lycée). Petit entretien en guise d’avant-goût.

  • L’Indépendant . Que retenez-vous de Mai 68 ?

Alain Krivine. Ça reste la plus grande grève générale qu’on ait jamais connue en France. Dix millions de salariés ont arrêté le travail. Et tout ça était spontané. Ça peut se reproduire. En tout cas, je l’espère. Par contre, pour que ça fonctionne, il est nécessaire que des partis politiques donnent une perspective au mouvement, ce qui n’était pas le cas en 1968.

  • L’Indépendant. Mai 68, c’est une révolution manquée ?

Alain Krivine. Mai 68 n’a pas été une explosion révolutionnaire, mais la plus grande explosion sociale que le monde ait connue. En même temps, ça a aussi été un échec politique, même si socialement, on a obtenu beaucoup de choses (augmentations de salaires, acquis culturels…).

  • L’Indépendant. Vous pensez qu’une nouvelle explosion sociale de grande ampleur est possible ?

Alain Krivine. Aujourd’hui, la France recense 2 millions d’étudiants, alors qu’il n’y en avait que 60 000 en 1968. Le prolétariat est plus gros qu’à l’époque, mais également plus divisé. L’anticapitalisme est plus fort qu’en 1968, mais l’individualisme aussi. Et surtout, à l’époque, il y avait encore une droite et une gauche. Aujourd’hui, les gens sont perdus. Le gauche fait une politique de droite et la droite une politique d’extrême-droite. Un mouvement est malgré tout en train de naître. Mais je ne sais pas où il ira. Je ne veux pas faire de pronostics. Les syndicats sont plus divisés que jamais. Je reste cependant persuadé que la construction d’une véritable alternative ne passe pas par les bulletins de vote, mais par la grève générale et les mouvements sociaux.

  • L’Indépendant. Quels sont selon vous les grands combats actuels ?

Alain Krivine. Les luttes contre la politique de Macron et l’austérité. Il faut imposer une unité d’action politique et syndicale. Il faut que tout le monde soit ensemble. La marée populaire de samedi, c’était positif. Ce n’était pas une marée comme en 1968, mais c’était un pas en avant important.

  • L’Indépendant. Que reste-t-il de Mai 68 aujourd’hui ?

Alain Krivine. Un espoir fantastique qu’on peut changer les choses.

  • L’Indépendant. Toujours révolutionnaire ?

Alain Krivine. Plus que jamais ! Je ne fête pas Mai-68 sous forme d’enterrement comme certains…

P.-S.

Propos recueillis par Arnaud Andreu.

L’Indépendant, 31 mai 2018. URL : http://66.pcf.fr/106642

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