- Philippe Poutou, candidat du NPA à l’élection présidentielle, lors d’un meeting à Villeurbanne, près de Lyon, le 1er mars 2022.
- © Laurent Cipriani/AP/SIPA.
Le suspense aura duré jusqu’au bout : le candidat du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Philippe Poutou, a manqué de peu ne pas avoir les 500 signatures d’élus nécessaires pour se présenter à l’élection présidentielle. Notamment du fait de l’existence d’une candidature dissidente issue du NPA, celle d’Anasse Kazib, qui n’a pour sa part pas obtenu suffisamment de parrainages.
Nul doute que l’absence de Philippe Poutou aurait été remarquée, tant son franc-parler lui a souvent attiré la sympathie des réseaux sociaux lors des débats télévisés, bien que cette popularité ne se traduise pas dans les urnes (1,09 % des suffrages en 2017). Mais depuis la publication de la liste officielle des candidats par le Conseil constitutionnel, lundi 7 mars, c’est désormais certain : le Bordelais participera bien à la course à l’Elysée, pour la troisième fois consécutive. L’occasion de l’interroger sur ses combats.
- Vous avez failli ne pas obtenir vos 500 parrainages. N’est-ce pas lié à la division de votre parti, le NPA ?
La réalité, c’est que nous n’avons pas eu plus de difficultés que les fois précédentes. Cela s’est joué dans les derniers jours, avec la même courbe d’évolution, à quelques unités près. Et ce, alors que la situation politique nous semble moins favorable cette fois-ci, avec notamment la domination de courants réactionnaires dans le pays. D’ailleurs, nous avons plus de parrainages qu’en 2017, avec 596 signatures cette fois-ci contre 573 lors de la dernière présidentielle.
Notre division n’est pas une bonne chose mais, pour le coup, elle ne nous a pas compliqué la vie. En tout cas, elle pose clairement moins de problèmes que la division entre le Parti communiste et La France insoumise. Le NPA est un parti modeste, avec des forces militantes limitées, mais très connectées au mouvement social, impliqué dans de nombreuses luttes unitaires, avec d’autres organisations de gauche, associatives et syndicales. C’est cela qui nous a permis d’avoir du soutien et de l’entraide dans cette quête des parrainages. C’est aussi ce qui nous fait apparaître comme légitimes et utiles au débat politique.
- Quel va être votre rôle dans cette campagne ? Quels grands sujets voulez-vous porter, et de quelle manière ?
On voudrait dire tant de choses. D’abord rendre visible un camp social qui souffre, faire entendre les colères contre cette société injuste, relayer les luttes existantes, et défendre un programme de rupture anticapitaliste. On voudrait dire que l’on n’est pas obligé de se résigner, mais qu’on peut aussi relever la tête, préparer des révoltes pour changer les choses radicalement. Nous aimerions que notre campagne permette de redonner confiance parmi les opprimés.
On voudrait mener une campagne décomplexée, pour défendre des causes comme la solidarité, le refus de toutes les oppressions, l’ouverture des frontières, l’accueil de tous les réfugiés. Mais aussi une meilleure répartition des richesses, la réappropriation de tout ce qui a été accaparé et volé par les ultrariches, pour une société sans exploitation, avec des secteurs entiers de l’économie socialisés (les banques, l’industrie pharmaceutique, les énergies, l’alimentaire, les transports…). Et pour avoir davantage de services publics dans la santé, l’éducation, et le logement. On revendique notre utopie.
Enfin, on voudrait que cette campagne soit l’occasion d’un vrai débat pour la gauche au sens large, pour tous ceux qui se sentent orphelins de la gauche. Il s’agit de construire une gauche de combat anticapitaliste, internationaliste, anticolonialiste, écologiste radicale, féministe, LGBTI et antiraciste.
- Pensez-vous qu’Emmanuel Macron a peur de débattre avec vous ?
Je pense qu’il est difficile d’affirmer qu’Emmanuel Macron a peur de moi ou de nous. Son refus de débattre avec moi relève plutôt d’un mépris social, d’un déni démocratique, et d’un refus de rendre des comptes aux gens d’en bas. Les personnes de pouvoir peuvent débattre entre elles, entre gens du même monde, celui des riches. C’est tout autre chose pour elles quand il s’agit de se confronter avec l’autre monde, qu’elles ne connaissent pas, et dont elles craignent la liberté de parole.
Mais l’attitude d’Emmanuel Macron est en réalité semblable à celle de bien d’autres candidates et candidats, qui refusent tout autant de faire de vrais débats avec des petits candidats. Cela se fait d’ailleurs en accord avec les gros médias, qui appartiennent pour la plupart à des milliardaires. Ces derniers ne sont pas soucieux de laisser s’exprimer les petites candidatures, et encore moins des candidatures anticapitalistes.
- Quelle est votre position vis-à-vis de la guerre en Ukraine ?
Nous sommes anti-impérialistes et internationalistes. Nous sommes antimilitaristes, contre les guerres en général, et pour le retrait des troupes russes. Mais nous trouvons normal que la population ukrainienne se défende, et trouve les moyens pour le faire, y compris militairement. Le pacifisme a ses limites lorsque l’on est agressé.
Nous condamnons la guerre menée par la Russie mais nous n’avons aucune confiance dans les puissances occidentales, que ce soient les Etats-Unis, l’Europe, ou la France, car elles sont aussi des forces impérialistes, qui se soucient peu des populations. Pour en avoir la preuve, il suffit de se rappeler les interventions militaires occidentales en Irak, en Afghanistan ou au Mali. Les populations s’y sont retrouvées dans des situations encore plus dramatiques.
Par ailleurs, nous dénonçons les armes que vend la France aux dictatures que sont l’Arabie saoudite ou l’Egypte. Quelle hypocrisie de la part d’Emmanuel Macron et des autres ! Quel cynisme, aussi, lorsque nos dirigeants semblent découvrir la brutalité d’un Vladimir Poutine qui mène pourtant ses guerres contre les peuples depuis longtemps, en Tchétchénie, en Géorgie, en Bielorussie et en Crimée. Et avec qui ils ont malgré tout continué de faire des affaires, et avec qui la communauté internationale s’est accommodée, par exemple en organisant les jeux Olympiques à Sotchi, ou encore le Mondial de Football en Russie il y a quatre ans.
Face à ce monde capitaliste en crise, dont l’instabilité est dangereuse, nous défendons la perspective de mouvements populaires contre les guerres et les nationalismes, mais aussi contre les injustices sociales et l’accaparement des fortunes par les capitalistes. Nous voulons la démocratie, et la solidarité entre les peuples par-delà les frontières.