- Les chômeurs ne sont qu’une minorité à occuper les ASSEDIC. Peut-on, dans ce cas-là, parler de mouvement ?
On constate une dynamique dans l’action des chômeurs depuis maintenant une dizaine d’années. Au début des années quatre-vingt, des tentatives de mobilisation ont eu lieu, sans vraiment déboucher. Petit à petit se sont constituées des associations, dont l’APEIS et AC ! Parallèlement, on a assisté à la création de mouvements de lutte contre l’exclusion, des mouvements qui se complètent et se combinent. À chaque étape, il y a eu un saut qualitatif : une organisation plus importante, plus structurée. Mais quelle que soit la taille du mouvement actuel, il est important de noter que celui-ci est pluraliste : syndical et associatif, et qu’il exige que la voix des chômeurs soit entendue. Au-delà de la prime de fin d’année, la clé de l’affaire est la remise en cause de tout le système des allocations chômage et des minima sociaux. Un ciseau est en train de s’écarter entre, d’un côté, les demandeurs d’emploi de longue durée, de plus en plus nombreux, et, de l’autre, les allocations qui diminuent. Les gens se retrouvent très vite la tête dans l’eau.
- Quelle réflexion sur le plan politique tirez-vous de ce mouvement ?
Ce mouvement, c’est la chance de la gauche. En répondant aux demandes des plus pauvres, on redonne confiance à tout le monde. Ce mouvement révèle un problème majeur que l’on pourrait prendre de deux manières. D’abord, il s’agit d’une question morale : il n’est pas supportable de voir toute cette misère. Ensuite, le chômage atteint une telle proportion que personne ne se sent plus protégé. Et ses conséquences touchent les conditions de vie des salariés. Aujourd’hui, l’intensité du travail s’accentue partout. Les conditions de travail se dégradent. On touche là au coeur des problèmes de la société. C’est pour cette raison que, au-delà de sa force réelle, le mouvement des chômeurs rencontre une telle répercussion. Il appartient au gouvernement de saisir la balle au bond.
- Justement, que vous inspire l’attitude de Martine Aubry, la ministre de l’Emploi et de la Solidarité ?
À mon avis, elle apporte des réponses technocrates classiques du style : « Laissez-nous faire, nous savons gérer. C’est notre métier. »
- Vous dites qu’il existe une réelle sympathie de la part des citoyens. Mais comment comptez-vous élargir le mouvement ?
Le plus difficile, effectivement, est de passer à une sympathie active. La mobilisation réelle n’est pas encore acquise. Il est donc important que le plus de jeunes, de salariés et de retraités, de citoyens se rendent dans les manifestations organisées aujourd’hui dans toute la France.
- Comment expliquez-vous le silence des intellectuels, notamment de ceux qui se sont beaucoup investis auprès des sans-papiers ?
Le mouvement a démarré en pleines fêtes de fin d’année. Nous réfléchissons à présent aux meilleurs moyens de rendre explicite la solidarité et le soutien de diverses couches sociales.