- Bonjour, peux-tu te présenter ainsi que ton parcours militant ?
Retraité de l’Éducation Nationale, j’ai été, du temps de mon activité professionnelle, syndicaliste, occupant à un certain moment des responsabilités départementales et académiques, à la FEN, puis à la FSU. J’ai aussi été en responsabilités diverses à la FCPE sur le 34. Aujourd’hui je suis de près la situation dans l’État espagnol et plus particulièrement en Catalogne-Sud qui condense dramatiquement la crise démocratique et sociale de cette partie de l’Europe. Laïque de toujours, j’ai cependant été amené à me pencher plus au fond sur l’appropriation réactionnaire que la loi de 1905 a subie et subit depuis les affaires dites « du voile ».
- La loi dite sur le séparatisme va passer à l’Assemblée nationale, quelle en est ta lecture ?
C’est une loi de circonstance, dans le sens le plus péjoratif du mot, qui, paradoxalement, a une portée structurelle de long terme visant à peser sur les rapports de force politiques et sociaux. En effet elle vise à cliver plus qu’il n’a été réussi jusqu’à présent le corps social sur des bases racistes afin de brouiller les repères des mouvements contestataires qui se sont récemment affirmés : mobilisation contre la réforme des retraites, mouvement des Gilets Jaunes, des jeunes (et moins jeunes) en soutien aux mobilisations contre l’assassinat de George Floyd mais aussi pour sauver la planète… Cette loi, si elle passe, intronisera l’islamophobie comme l’un des principaux leviers liberticides du gouvernement accentuant l’extrêmedroitisation/lepénisation de l’échiquier politique et son verrouillage électoral : le tout visant à ne laisser comme alternative « crédible » que le lepénisme tendanciel sans Le Pen du macronisme ou absolu avec Le Pen !
En ciblant l’ensemble des musulman.e.s au nom d’un supposé communautarisme, devenu séparatisme, et en profitant de l’émoi légitime suscité par les attentats djihadistes, le gouvernement travaille à développer le poison de la division raciste revisitée civilisationnelle, choc des civilisations, en instrumentalisant et dénaturant la loi laïque de 1905. Par où il cherche à reconstituer l’hégémonie perdue par les classes dominantes, de façon accélérée depuis la présidence de François Hollande. Le vrai sens de cette loi séparatiste réside dans la volonté de ses promoteurs d’organiser les séparations brisant et affaiblissant sur des bases de conflits de « civilisations » les fronts de luttes et fracturant les regroupements se constituant sur des bases sociales (et/ou sociétales), d’unité de classe, à visée de rupture avec l’ordre/désordre capitaliste en place.
- Sur quels points particuliers le NPA va-t-il insister ?
Pour le NPA, il est essentiel que le centre de gravité de l’opposition à ce projet de loi soit la mobilisation sociale, en particulier dans la défense du droit des migrant·e·s à être régularisé·e·s sans conditions. En effet la question des migrant·e·s (qu’ils/elles soient ou non musulman·e·s, le racisme ne fait pas dans la nuance) et celle des musulman.e.s non migrant·e·s se rejoignent, sans se confondre, car elles sont quasi subliminalement mobilisées, en interaction l’une avec l’autre, par le pouvoir et les divers politiciens réactionnaires et/ou modernistes ultralibéraux (parfois de gauche !) pour susciter le fantasme de l’invasion musulmane totalitaire-terroriste, fantasme qui fait plus de dégâts dans les esprits qu’on ne l’imagine ! Ce n’est pas en biaisant de façon électoraliste sur cette « équation » que l’on parviendra à bloquer l’offensive liberticide mais en reconstituant au plus haut niveau la mobilisation sociale en faveur des droits des plus opprimé.e.s qui est la condition essentielle pour que les droits de tous et toutes soient préservés et renforcés. L’objectif ne peut être que le retrait de ce projet de loi ou, le cas échéant, son abrogation s’il était voté.
- Le débat parlementaire suffira-t-il face à une majorité qui semblent ne pas être perméable à grand-chose ?
Comme induit par la réponse précédente, toute action parlementaire en soi, décrochée des revendications portées par une mobilisation de rue, relève de l’efficacité d’un couteau sans lame. Si l’on veut bien considérer que, sans surprise, le gouvernement et l’Assemblée Nationale, qui lui est acquise, ne fonctionnent qu’au rapport de force, il est illusoire de penser que le débat parlementaire, qui plus est dans le contexte d’une crise sanitaire qui rend difficile la reprise des mobilisations de rue, modifiera sur le fond les intentions liberticides du gouvernement. Cela permet de mesurer le défi politique du moment : organiser le retour des mobilisations en conscience que, vu les difficultés liées à la crise pandémique, l’on doive se préparer, mais dès maintenant, à devoir batailler dans la rue pour le retrait d’une loi appelée quasi inéluctablement à être votée plus qu’à penser pouvoir en bloquer le vote !
- La question de la laicité n’est pas toujours bien comprise, faut-il également expliquer ou ré expliquer la loi de 1905 ?
La question de la laïcité est devenue centrale face à l’offensive des tenants du choc des civilisations qui cherchent à la monopoliser pour la dévoyer : c’est en faisant basculer toujours plus la loi de 1905 vers une loi à géométrie variable, punitive et d’exclusion, ciblant les musulman.e.s que le gouvernement parvient à se trouver des alliés très à droite mais aussi jusque dans la gauche dans ses attaques contre les libertés et par là contre les droits à le contester. Les municipalités, en particulier et sans surprise, socialistes, qui sont en flèche pour imposer un « contrat d’engagement républicain », présenté en contresens assumé comme la quintessence de la laïcité, sont l’exemple même de la dévastatrice transversalité politique antilaïque en cours.
La « laïcité 1905 », devenu un verrou à faire sauter à tout prix par la nouvelle bourgeoisie républicaine libérale-autoritaire, subit un coup d’État rampant, commencé dans les années 90 (sans parler des entailles diverses perpétrées sous le gaullisme ni de la situation d’exception concordataire d’Alsace-Moselle validée par la loi de 1905 elle-même), qui cherche à détruire l’acquis qu’est l’équilibre qu’elle consacre entre, d’une part, la séparation de l’État et des « Églises » et, d’autre part, le droit de celles-ci et des croyant·e·s à vivre comme ils/elles l’entendent leur croyance, y compris dans l’espace public, sans aucune intromission dudit État ! Ce qu’à gauche certain.e.s se refusent parfois à voir c’est que le retour de l’État gallican (s’ingérant dans le religieux) à l’œuvre aujourd’hui avec Macron contre les musulman.e.s signifie d’un même mouvement l’instauration du droit de l’État capitaliste à s’immiscer de façon invasive, pour le contrôler au plus près de ses désirs totalitaires, dans l’ensemble du corps social. Bien au-delà, à terme, des mosquées et des « quartiers ». Combinée à la policiarisation sauvage de l’espace public, comme elle s’est manifestée contre les Gilets Jaunes, cette dynamique antilaïque-étatiste accélérerait, si elle n’était pas bloquée, la mise en route d’un État d’exception où ce ne seraient pas que les musulman.e.s qui en subiraient les conséquences délétères.
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