Le Grand Conseil vaudois vient d’adopter une loi sur l’intégration des étrangers et la prévention du racisme. Ses objectifs, définis dans son article premier, sont triples : « favoriser l’intégration des étrangers, la prévention de toutes formes de racisme et de xénophobie ainsi que des relations harmonieuses et la compréhension mutuelle entre les ressortissants suisses et étrangers ». La loi distingue les dispositions relatives à l’intégration qui ne s’adressent qu’aux étrangers titulaires d’un permis de séjour et celles relatives à la prévention du racisme qui concernent toute personne vivant sur le territoire du canton, quelle que soit sa nationalité et indépendamment de l’existence d’un permis de séjour. Cette loi est un premier pas important. Pour la première fois, une loi cantonale établit que la lutte contre le racisme ne se réduit pas à la répression, mais qu’elle doit inclure des moyens de prévenir le racisme. Elle s’inscrit ainsi à contre-courant de la Blitzkrieg idéologique conduite, ces derniers mois, par le conseiller fédéral Christoph Blocher qui s’engage à rejeter de Suisse les cultures « nocives », préconisant la dénationalisation des étrangers délinquants et la suppression de toutes les actions contre le racisme !
C’est ainsi que, dans une conférence de presse, l’UDC revendiquait le 16 novembre 2006, l’abrogation de l’article 261bis du Code pénal interdisant la discrimination raciale, la dissolution de la Commission fédérale contre le racisme, la résiliation de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ainsi que l’interruption de tout soutien aux associations de lutte contre le racisme. La nouvelle législation vaudoise donne une perspective très différente. Encore faut-il que des moyens matériels soient mis en œuvre ! Le rejet, par une majorité du Grand Conseil, de la proposition de mettre en place un observatoire contre le racisme est, de ce point de vue, de très mauvais augure ! Encore faut-il surtout que les politiques menées par le gouvernement, en particulier les autorités de police, ne continuent pas à accréditer l’idée qu’il existerait une délinquance ethnique ! Les opérations de police médiatisées, comme celle menée récemment à Bex sous l’égide du conseiller d’Etat UDC Jean-Claude Mermoud, contre les (trafiquants de drogue requérants d’asile africains) Noirs contribuent à stigmatiser certaines catégories d’étrangers, selon la couleur de leur peau ou leur origine nationale !
La mise en scène d’une prétendue délinquance ethnique complète le fantasme du risque d’invasion et celui du péril musulman. Elle renforce les préjugés racistes : les identités et les cultures différentes menaceraient la nôtre… et c’est le clash des civilisations, si cher au président des Etats-Unis ! Ces opérations vont de pair avec une « politique d’asile » désastreuse, menée par le Conseil d’Etat ces dernières années : refus du canton de se battre pour défendre le droit d’asile, fin de « l’exception vaudoise », renvois forcés, parcage des requérant-e-s, concentration dans des espaces restreints et dans de petites localités, oisiveté forcée et absence totale de politique d’intégration.
Contre toutes les formes de discrimination, pour l’égalité des droits !
La distinction faite dans la loi en matière d’intégration entre, d’une part, étrangers et étrangères sans statut légal, et, d’autre part, celles et ceux qui ont un statut, n’est absolument pas acceptable. Selon le gouvernement vaudois, ce sont quelque dix à quinze mille sans-papiers qui vivent et travaillent dans le canton. Ils y séjournent souvent depuis de nombreuses années. Leurs enfants vont à l’école. Pourquoi ne pourraient-ils pas être également au bénéfice de mesure d’intégration ? En fait, le Conseil d’Etat vaudois a adopté à l’égard des sans-papiers une politique d’intimidation, par des menaces répétées de renvoi, ainsi que de déni de droit, se refusant de s’engager sur la voie de la régularisation collective, comme l’a fait pourtant le canton de Genève. Or, il ne saurait y avoir d’intégration sans reconnaissance de l’égalité des droits politiques et sociaux pour toutes celles et tous ceux qui vivent et travaillent ici.
Ces droits, avec une citoyenneté pleine et entière, doivent être liés au choix des personnes concernées de s’établir durablement dans le canton, et non à la couleur de leur passeport. C’est dès lors dans une voie diamétralement opposée à celle prônée par Christophe Blocher et le Conseil fédéral qu’il est nécessaire de s’engager ! Une politique migratoire respectueuse des droits des étrangers et étrangères qui vivent dans le « Pays de Vaud », refusant d’exclure les ressortissant-e-s des pays non membres de l’Union européenne de toute possibilité de migration légale en Suisse. Faute de quoi toute politique d’intégration n’est que de la poudre aux yeux…