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« Il existe un mouvement mondial capable de défendre les identités de chacun » Entretien avec Christophe Aguiton, cofondateur d’ATTAC

, par AGUITON Christophe

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L’engagement de Christophe Aguiton, cofondateur du mouvement antimondialisation ATTAC et militant pour la paix dans le monde, commencera en 1989 au Syndicat solidaire unitaire démocratique en France, avant de se battre aux côtés des chômeurs français dans le mouvement Agir contre le chômage. Il organise la marche européenne contre le chômage et cofonde en 1998 le mouvement altermondialiste ATTAC, qui est à l’origine de tous les forums sociaux mondiaux. Il pense que le mouvement altermondialiste est l’alternative aux extrémismes.

  • L’Économiste : On reproche souvent au mouvement altermondialiste de ne pas présenter une alternative à la mondialisation acharnée qu’ils critiquent beaucoup...

Christophe Aguiton : Ce mouvement sert à montrer qu’il y a des forces résistantes, que les néolibéraux ne sont pas soutenus par une majorité de l’opinion publique. Puis, dans ce mouvement, il y a beaucoup d’ONG, de syndicats, de mouvements pour les droits de la femme. Nous avons déjà marqué quelques points, notamment en travaillant avec plusieurs ONG dont Médecins sans Frontières pour que les pays en développement obtiennent des médicaments sans avoir à payer le prix des brevets de majors américaines. Nous sommes dans un processus d’annulation de la dette du Tiers-Monde, bien qu’aujourd’hui cela reste très insuffisant. Nous avons obtenu que certaines multinationales contrôlent toute la chaîne de sous-traitance avec laquelle elles travaillent dans les pays en développement pour veiller au final que ce ne soit pas le petit enfant d’un village qui fabrique des produits comme Nike ou encore GAP. Dans le forum social, nous avons décidé d’une date de mobilisation contre la guerre en Irak. Le 15 février 2003, 15 millions de personnes dans le monde se sont mobilisées et grâce à cela, Chirac et Shroeder se sont engagés à ne pas s’impliquer dans cette guerre. Cette mobilisation aura aussi un impact lors des prochaines élections américaines et italiennes.

  • Quels sont vos prochains rendez-vous ?

À l’automne, nous organiserons le Forum social européen. Il sera suivi en janvier 2005 par le Forum social mondial à Porto Alegre et en septembre, par une rencontre antimondialisation à Beyrouth.

  • Mais cette mobilisation dont vous parlez est beaucoup plus présente dans les pays qui ne sont pas directement impliqués par ce qui se passe aujourd’hui, et pas assez dans ceux qui sont directement touchés par ces guerres.

C’est vrai que la mobilisation existe plus en Amérique latine, en Asie et en Europe. Toutefois, il existe des militants arabes, comme en Egypte, capables de mobiliser. C’est justement pour cette raison que nous tenons un forum à Beyrouth. Dans le monde arabe, il y a un rejet de la politique américaine et israélienne et cela engendre le risque terroriste. Mais la seule réponse ne réside pas que dans la répression. Notre message est qu’il existe un mouvement mondial puissant capable de défendre les identités de chacun et en même temps les valeurs universelles.

  • Le mouvement altermondialiste attaque vivement l’OMC. Le multilatéralisme ne vous semble-t-il pas une alternative au foisonnement des relations bilatérales qui contraignent beaucoup plus les pays en voie de développement ?

Le multilatéralisme cherche à organiser des Etats-nations sans espace public international de contre-pouvoir. Quand il n’y a pas d’espace public, c’est le pouvoir absolu des grands qui prévaut. Les années 90 ont été dominées par l’UE et les Etats-Unis qui ont imposé les règles du jeu de l’OMC. Aujourd’hui, il y a une division entre les deux puissances et le G20 est apparu, bien qu’il soit dominé par les grands du Sud. Nous essayons de construire un espace public, mais il ne se fait que de manière éphémère, comme à Porto Alegre. Il faut donc construire un vrai contre-pouvoir. Le multilatéralisme risque d’obliger les pays en voie de développement à entrer dans un cadre contraignant. Il faut d’abord construire un rapport de force et discuter avec les pays du Sud. C’est une chance historique pour que les sociétés civiles se construisent en créant des liens internationaux afin de peser sur ces grandes questions. Tant sur le plan économique que politique, comme pour l’accès aux médicaments antisida ou pour la lutte contre l’intervention américaine en Irak et israélienne en Palestine. Sur ces points, un vaste mouvement altermondialiste et antiguerre commence à voir le jour et à tisser des liens avec le monde arabe.

Aujourd’hui, estime Christophe Aguiton, « il faut construire un vrai contrepouvoir ».