L’Humanité des débats. Intervention des salariés

« Il est crucial que les salariés continuent de se bagarrer » Entreprise : quels pouvoirs d’intervention des salariés ?

, par POT Basile

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  • Le 28 mai, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche déposeront un projet de loi pour l’interdiction des licenciements boursiers. Toutes les forces de gauche ne devraient-elles pas soutenir cette initiative ?

Basile Pot. Nous ne sommes pas contre cette proposition de loi visant à interdire les licenciements dans les entreprises qui continuent à verser des dividendes. Ce serait déjà un premier point de marqué. Mais il faut aussi tenir compte du fait qu’avec la crise, il est parfois difficile de savoir quelle entreprise fait vraiment faillite. Certaines grandes entreprises utilisent la crise comme un écran de fumée. Il faudrait donc ouvrir les livres de comptes, obtenir la levée du secret bancaire et commercial pour savoir où en sont réellement ces entreprises. Et là, on verrait que nombre de celles qui licencient ne sont rien d’autre que des sous-traitants, souvent à 100 %, de grands groupes capitalistes qui, eux, continuent à bien se porter. 60 % des PME aujourd’hui en France dépendent directement d’un groupe. Donc, presque tous les licenciements sont boursiers. Nous sommes favorables à une action coordonnée de toute la gauche syndicale et politique contre les licenciements, et, pour notre part, sur l’objectif de l’interdiction des licenciements.

  • Quelle utilité reconnaissez-vous aux élus de gauche ? Une lutte victorieuse, comme par exemple celle des Nestlé de Saint-Menet, en 2005, aurait-elle été possible sans élus locaux engagés aux côtés des salariés et de la population ?

Basile Pot. Ce qui s’est passé à Saint-Menet était assez exemplaire. Il y a eu un plan de relance de la production avec reprise par Net Cacao, contre le projet de fermeture. Ce plan a été élaboré et porté par un large comité de soutien aux salariés de Nestlé en lutte, associant les élus, les syndicalistes, la population autour du site... La LCR avait participé à cette démarche. Les élus, cela peut aider. Mais ce qui est crucial, c’est que les salariés continuent de se bagarrer. Que la lutte se propage à l’extérieur de l’entreprise par le biais des élus ou par celui de l’union locale syndicale, ou d’un comité de soutien des habitants du secteur, peu importe... Tout est bon à prendre dans ces cas-là.

  • Faut-il nationaliser un certain nombre d’entreprises ?

Basile Pot. Oui, la nationalisation est nécessaire, comme par exemple dans la filière automobile, frappée de plein fouet par la crise. C’est la condition pour que les travailleurs n’aient pas à payer les pots cassés à la place des actionnaires. Mais la nationalisation doit s’imposer comme le prolongement de luttes durant lesquelles les salariés s’approprient réellement leur outil de travail. Dans ce cas-là, par exemple, nous sommes favorables à une nationalisation et fusion de PSA-Renault et de toute la filière automobile, sous contrôle populaire, sur la base d’un plan de reconversion de l’industrie automobile. La nationalisation doit se faire sans rachat, ni indemnisation des actionnaires.

  • Le thème de l’autogestion, populaire dans les années 1970 avec des expériences comme celle de l’horlogerie Lip, peut-il de nouveau inspirer ?

Basile Pot. Les expériences comme Lip sont extrêmement enrichissantes. Elles sont la démonstration que les salariés sont les mieux à même de gérer une entreprise. « Le patron a besoin de toi, mais tu n’as pas besoin de lui », ce slogan est toujours d’actualité. Mais il faut réfléchir encore à ses implications. Le capitalisme, avec sa concurrence et la prédominance qu’il donne au marché, ne permet pas la coexistence de deux modes de production. Il détruit ce qui lui fait obstacle. La création d’un autre mode de production ne peut se faire de façon linéaire, par extension progressive d’une expérience locale. C’est aussi la leçon de l’expérience Lip, qui a fini par échouer. Pour qu’une expérience autogestionnaire ait une chance d’aboutir, il faut qu’elle soit d’emblée coordonnée au niveau de plusieurs entreprises, et qu’elle se place dans une montée des luttes, dans une perspective socialiste, de renversement du capitalisme.

P.-S.

Propos recueillis par Laurent Etre.

Source

L’Humanité des débats, 25 avril 2009.

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