<media2060|left|taille=moyen> La principale thèse, développée de manière convaincante par Gilbert Achcar, est que la stratégie et les choix militaires des Etats-Unis sont fondés sur l’éventualité d’un conflit avec la Russie ou avec la Chine, les seuls « deux contestataires déclarés de l’hégémonie américaine qui soient à la fois imprévisibles quant à leur comportement à moyen ou long terme et d’une échelle physique comparable à celle des Etats-Unis, ou avec les deux en même temps ». C’est ce qui permet de comprendre le niveau actuel du budget militaire américain qui, s’il est inférieur à ceux de l’ère Reagan et de la « Guerre des étoiles », reste, contrairement aux idées reçues, supérieur à celui de la plupart des années de la Guerre froide d’avant 1980, y compris pendant la guerre du Viêt-nam. Un budget qui est, ces dernières années, égal ou légèrement supérieur aux dépenses militaires additionnées de la Russie, du Japon, de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni et de la Chine.
L’augmentation des coûts, liée à la sophistication accrue des armements, nécessite, certes à budget constant, de réduire quantitativement les forces armées et le matériel militaire, mais cette réduction est compensée par l’efficacité des nouvelles armes.
Les Etats-Unis considèrent la Russie comme un danger potentiel, d’autant qu’ils n’ont pas les moyens économiques de mener un plan Marshall pour la Russie et l’Europe orientale. C’est ce pronostic qui a conduit les Etats-Unis à élargir l’OTAN à certains pays d’Europe orientale, quitte à tendre les relations avec la Russie. Et c’est aussi ce qui peut entraîner un changement de la politique diplomatique des Etats-Unis, vis-à-vis de l’Azerbaïdjan et de l’Iran notamment, la politique américaine actuelle confortant les relations de la Russie avec ces deux pays.
G. Achcar analyse le développement des tensions entre la Chine et la zone sous protection américaine en Asie-Pacifique, en tirant comme conclusion que c’est autour « de l’opposition Chine-Etats-Unis, et non pas d’un éventuel conflit avec la Corée du Nord, que s’ordonne la nouvelle donne stratégique régionale, y compris la révision des termes de l’alliance nippo-américaine ». Le potentiel économique considérable que représente le marché chinois conduit également une partie de la classe politique américaine à préconiser une politique de conciliation.
G. Achcar termine cette première partie en abordant la modification des rapports économiques et militaires de la Russie et de la Chine après l’effondrement de l’URSS. Ces relations se sont renforcées, tout en restant en deçà des relations économiques marquées d’une forte dépendance que ces deux puissances entretiennent avec les Etats-Unis. Mais cet équilibre est instable de par « l’aspiration des Etats-Unis à l’expansion impériale et à l’hégémonie mondiale exclusive », ce qui peut amener la Chine et l’URSS à s’allier face à l’unique superpuissance du moment.
L’éclatement de l’URSS allait susciter un débat au sein de l’establishment américain et de l’administration Clinton quant à l’attitude à adopter à l’égard de la Russie. C’est à l’analyse de ce débat, des options choisies, qu’est consacrée la deuxième partie de ce livre. Les « faucons », dont l’un des objectifs était de mettre à genoux la Russie, l’emporteront, ce qui aura comme conséquences une modification du rôle de l’Otan, son élargissement à des pays d’Europe de l’Est et enfin la guerre du Kosovo.
Ces choix stratégiques, qui ont des conséquences majeures à l’échelle de la planète, ont été pris aux Etats-Unis par un état-major restreint, et ont été ratifiés par les gouvernements européens sans le moindre débat démocratique. Des choix pourtant vitaux, débouchant sur une nouvelle ère de guerre froide selon l’auteur, qui conclut en faisant référence à un ouvrage de C. Wright Mills dont « le titre comme le livre ont malheureusement acquis une nouvelle actualité : les Causes de la Troisième guerre mondiale ».