Europe : « un cap ouvert »

, par BENSAÏD Daniel

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« Quand on parle d’Europe, le "chez soi" cher à François Mitterrand n’a aucune évidence : ni historique, ni géographique, ni culturelle. Moi, je me sens plus Méditerranéen qu’Européen, et je préfère la musique andalouse à Wagner : c’est ainsi, et c’est autrement pour d’autres. Si l’Europe est "ce cap ouvert sur autre chose" dont parle Jacques Derrida, elle peut être une médiation vers l’universel. Après tout, les premiers congrès de l’Internationale communiste prônaient "les États-Unis socialistes d’Europe" et c’est un drame qu’à partir de 1928 le mouvement ouvrier ait renoncé à son propre projet alternatif de caractère européen. Après 1945, l’Europe s’est surtout bâti contre l’Est, et je crois qu’elle est aujourd’hui prise à contre-pied par la politique des multinationales. Il y a une panne du projet européen lui-même : on l’a vu à Lisbonne, avec l’impasse de la politique dite "sociale". Or, une Europe construite par le haut, dont on nous dit qu’elle serait "née à Pristina", sans légitimité populaire, sociale ou démocratique, est une véritable bombe à retardement. Il s’agit aujourd’hui de promouvoir à la fois une convergence sociale à la hausse, une subsidiarité intelligente et un espace ouvert, de résistances à la mondialisation libérale. »

P.-S.

Article paru dans l’édition du 9 mai 2000 du journal L’Humanité.

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