- La Haute cour palestinienne a ordonné votre remise en liberté il y a plusieurs mois, pourquoi êtes vous toujours en prison ?
Ahmed Saadat : Ce n’est pas la première fois qu’une décision de la Haute cour n’est pas appliquée, il y a des dizaines d’autres décisions qui n’ont jamais été appliquées. Une partie des obligations « sécuritaires » de l’Autorité palestinienne est de se plier aux exigences des Américains et des Israéliens. C’est pour cela que nous restons ici, détenus en otages, comme gages de la bonne volonté de l’Autorité palestinienne.
- Yasser Arafat était décrit par les Israéliens et les Américains comme un « obstacle à la paix ». Est ce que sa disparition va changer quelque chose ?
Ahmed Saadat : Il faut d’abord définir ce qu’est un obstacle. Pour Israël tout dirigeant palestinien qui n’accepte pas l’intégralité de ses exigences est un obstacle. Si Abu Mazen et le prochain gouvernement défendent les droits fondamentaux des Palestiniens, ils seront eux aussi considérés comme des obstacles. D’ailleurs Olmert vient de déclarer qu’il serait impossible de signer un accord de paix avec Abu Mazen à cause de son soutien à la revendication du droit au retour des réfugiés !
- Le FPLP ne présente pas de candidat aux élections du 9 janvier, alors que le PPP, le FDLP ont chacun leur candidat, n’était pas possible de présenter une candidature unique de la gauche ?
Ahmed Saadat : Nous ne présentons pas de candidat d’abord parce que nous refusons de cautionner l’Autorité palestinienne issue des accords d’Oslo. Il est déjà inacceptable de participer à des élections sous l’occupation mais nous pensons en plus que ces élections auraient dû être globales, avec le renouvellement de toutes les institutions de l’Autorité palestinienne, le Conseil législatif palestinien, les municipalités. La séparation dans le temps des élections présidentielles et des législatives nous fait douter qu’il s’agisse d’un pas vers la démocratie. Ces élections devraient être aussi un moyen de lutter contre l’occupation, un mécanisme pour le droit à l’auto détermination. Israël et les USA prétendent nous imposer un changement démocratique qui correspond à leurs besoins et nous refusent le droit à l’autodétermination.
Nous avons quand même essayé d’initier une candidature commune de la gauche. Nous avons eu des rencontres avec d’autres groupes, avec le parti du peuple palestinien (PPP, ex Parti communiste palestinien), avec le FDLP (Front démocratique de libération du peuple) et même avec la FIDAH, dont une partie soutient les accords de Genève.
- Militants du FPLP
- En tenue avec le logo de l’organisation.
Nous avons entrepris les discussions autour d’un programme, ce qui était le principal enjeu pour nous, plus que les questions de personne. Nous voulions un programme qui soit réellement de gauche. Nous avions des divergences avec le FDLP, qui inclut la « Feuille de route » dans son programme, et le PPP qui accepte les principes de « l’initiative arabe » sur le droit au retour des réfugiés, une conception qui détruit le principe même du droit au retour puisqu’elle introduit des quotas, et qu’elle donne à Israël le pouvoir d’accepter ou non le retour des réfugiés.
Malgré ces divergences, nous avons continué les discussions.
Et puis nous avons eu la désagréable surprise d’apprendre que le PPP et le FDLP avaient déjà désigné leur candidat, Bassam Sahali pour le PPP et Tayser Khaled pour le FDLP.
- Le FPLP a décidé de soutenir la candidature de Mustafa Barghouti dans cette élection. Est ce que vous pensez qu’il est un candidat vraiment à gauche ?
Ahmed Saadat : Nous aurions préféré une candidature nettement anticapitaliste, c’est vrai que Mustafa Barghouti n’est pas un révolutionnaire. Mais il a été clair et honnête avec nous, il a accepté les points de notre programme qui étaient essentiels pour nous, comme le droit au retour et le soutien à la résistance du peuple palestinien sous toutes ses formes.
Mustafa Barghouti est un symbole, en tant que président du PMRS (la plus grande ONG médicale palestinienne) au niveau national et international. Ses positions n’ont peut être pas toujours été très claires, notre rôle est de l’aider à évoluer. Si nous n’y arrivons pas, nous n’avons rien à perdre. Nous avons nos propres positions politiques, notre propre programme.
- Si Marwan Barghouti s’était finalement présenté, auriez-vous soutenu sa candidature ?
Ahmed Saadat : Marwan Barghouti est un dirigeant du Fatah, il a été formé par le Fatah et se pliera toujours à la ligne du parti. Bien sûr nous faisons la distinction entre Abu Mazen et lui, mais au bout du compte, ils représentent tous les deux la même idéologie, le même programme au service de la bourgeoisie palestinienne.
- Pensez-vous que la solution des deux États est viable ?
Ahmed Saadat : La solution des deux états est un point de départ qui créera le climat nécessaire à une solution pacifique. Bien sûr, la lutte pour un seul état, démocratique, sans aucune forme de discrimination ethnique ou religieuse ne doit jamais cesser, car c’est la seule solution possible pour résoudre les problèmes, celui des Palestiniens de 48 et celui du droit au retour. Dans ce combat nous avons besoin de la solidarité internationale et de l’unité de ceux qui se battent à nos côtés. En tant que Palestiniens et aussi en tant que FPLP, nous sommes fiers de toutes ces actions de solidarité avec le peuple palestinien.