Chat politique - « Campagne présidentielle » avec Alain Krivine

, par KRIVINE Alain

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Alors que le candidat de la LCR est à 3,5% des intentions de vote dans notre sondage quotidien, le porte-parole historique de la Ligue a répondu à vos question.

Question d’Erick le R
Ta campagne avait bien commencé avec des affiches partout et maintenant, plus rien. Problèmes de fonds, camarade ?

Alain Krivine : Non, peut-être qu’il y a un problème d’approvisionnement dans la région où tu es, mais la campagne d’affiches, de brochures, elle continue avec la même vigueur qu’avant et jusqu’au vendredi soir.

Question de yumy
Pourquoi attaquez-vous régulièrement Ségolène, alors que vous savez qu’il nous faut un(e) de gauche au deuxième tour ?

Alain Krivine : D’abord, ce n’est pas le premier tour, mais le deuxième, et on ne fait pas de Ségolène notre cible essentielle ; quand on écoute bien les messages de Besancenot on s’aperçoit que l’adversaire, c’est Sarkozy, dont on souhaite absolument la défaite. Mais au 1er tour si on est amené à faire des critiques au PS et aux anciens de la gauche plurielle, c’est justement parce que leur programme ne se distingue pas assez de celui de Sarkozy sur le plan social, ce qui aboutit à ce que pour la majorité des gens, la gauche et la droite, c’est devenu pareil, ils n’y croient plus, et ça permet à Bayrou de surfer sur ce sentiment, alors qu’il est resté totalement à droite. Donc, pour nous, la seule façon de battre réellement Sarkozy, c’est de proposer une gauche qui soit radicalement différente, notamment sur le plan social.

Question d’emile95
Êtes-vous conscient que vous favorisez un second tour Bayrou/Sarko ?

Alain Krivine : Non, je crois justement, sans répéter ce que je viens de dire au précédent interlocuteur, que si Bayrou a pu prendre une telle ampleur, en tout cas pour le moment, c’est parce que les gens ne voient plus la différence entre la gauche dirigée par le PS et la droite, et que du coup, ils voient encore moins la différence entre Bayrou et Ségolène Royal, et comme les sondages donnent Bayrou vainqueur au second tour, les gens mélangent le 1er tour et le 2e tour.

Question de Michel
C’est quoi, les raisons de la non-entente avec le PC pour ces élections ?

Alain Krivine : La différence essentielle porte sur les rapports aux institutions, et surtout sur ce qu’on fera si par bonheur la droite est battue. Autant nous sommes prêts demain à soutenir, au cas par cas, les quelques mesures positives que prendrait la gauche unie, nouvelle mouture, autant nous ne sommes pas prêts à participer à une nouvelle expérience de la gauche plurielle en allant dans une majorité parlementaire et gouvernementale avec Ségolène Royal, dont on sait qu’elle mènera une politique libérale qui va discréditer encore plus la gauche, ce qui ce fut le cas du PC et des Verts lorsqu’ils furent au gouvernement en avalant des couleuvres sociales et des boas écologistes.

Question de Galilo
Et si le PC vous offre de prendre la partie, accepterez-vous ce cadeau ?

Alain Krivine : Le problème ne se pose pas comme ça… Nous, nous sommes favorables, chaque fois qu’il y a possibilité dans l’action et de débat, à prolonger les rapports fraternels avec les militants communistes, mais le problème actuel pour la direction de ce parti en crise, ce n’est pas de donner à la LCR, mais c’est de tout faire pour sauver l’essentiel de ce qu’il lui reste, à savoir ses 12 000 élus.

Question de GHilles
Il y a de plus en plus d’anciens trotskistes au sein des pouvoirs politiques, médiatiques et universitaires. Donnent-ils des coups de main à la LCR ?

Alain Krivine : Non, ce qui est vrai, c’est qu’on retrouve beaucoup d’anciens dans beaucoup de cercles dirigeants, notamment au PS, ça prouve peut-être qu’on avait donné une éducation politique, ils le reconnaissent eux-mêmes, approfondie. Certains d’entre eux en gardent de bons souvenirs et nous téléphonent de temps en temps. Mais ça ne va pas plus loin : Julien Dray, par exemple, des noms on en connaît beaucoup : Henry Weber, Sophie Petersen…

Question de Lenine
Besancenot est jeune. N’avez-vous pas peur qu’il veuille prendre ses distances avec la rhétorique trotskiste pour les prochaines élections ?

Alain Krivine : J’espère qu’aux prochaines élections, il continuera, si jamais il est candidat, ce qu’il ne veut pas, à faire comme aujourd’hui, à ne pas parler avec de la rhétorique trotskiste, que je laisse aux sectes, mais à parler normalement des vrais problèmes qui se posent à des millions de gens, avec le vocabulaire de tout le monde, donnant ainsi le vrai visage d’un militant anticapitaliste.

Question de Samir
N’avez-vous pas peur d’un effet de boboïsation de votre candidat ?

Alain Krivine : Je ne crois pas… Je pense que justement, si on l’a choisi collectivement, c’est parce qu’on savait que c’était avant tout un militant qui a toujours voulu conserver son métier de facteur, pour ne pas être coupé de la réalité, et après avoir été pendant un an mon assistant parlementaire au Parlement européen, où il a fait connaissance d’une autre expérience bien sûr, sa première volonté a été de retourner à La Poste et de ne pas prendre son pied dans les délices du parlementarisme.

Question de Marlyse
Que répondez-vous à ceux qui vous accusent d’avoir choisi Olivier Besancenot parce qu’il est un bon produit marketing ?

Alain Krivine : D’abord, quand on l’a choisi, on ne savait pas qu’il aurait une telle popularité. J’avais décidé de ne plus être candidat pour mettre en pratique notre volonté de rajeunissement des directions et des porte-parole. Et on cherchait bien sûr quelqu’un de jeune, de salarié, et même si possible une femme, ce que j’espère on trouvera par la suite, mais justement, la force d’Olivier, c’est de n’avoir reçu aucune formation d’un Séguéla quelconque, de se comporter exactement de la même façon à la radio, à la télé, dans les réunions de la Ligue ou dans son bureau de poste.

Question de Claire
Quel rôle vous jouez, vous, auprès de Besancenot ? Celui de conseiller ou celui de commissaire politique ?

Alain Krivine : Y’a pas de commissaire politique chez nous, sinon je fuirais ! Conseiller, comme des dizaines de camarades qui ont formé des commissions pour cette campagne. Et qui aident Olivier en fournissant des dossiers, des conseils, et participent ainsi d’une vraie direction collective.

Question de Parme
Pensez-vous que la LCR a de l’avenir ? Si oui, comment le voyez-vous ?

Alain Krivine : D’une part, c’est vrai que la popularité d’Olivier, on en est conscient, est bien supérieure à celle de la LCR, ça, ce sont les effets de la personnalisation de la vie politique qu’on déplore, parce que ça dépolitise les personnes, mais on l’utilise aussi, c’est vrai, et ça rejaillit sur la Ligue, qui se développe, notamment chez les jeunes. Maintenant, à terme, on est conscient qu’en France, il y a place pour un grand parti anticapitaliste, à la gauche du PS, qui sera le résultat d’un rassemblement de plusieurs sensibilités, traditions, et qui ne sera pas uniquement le renforcement de la LCR.

Question de Liamone
Vous croyez que nous pensons réellement que le communisme a de l’avenir ?

Alain Krivine : Si on entend par « communisme » sa caricature sanglante, qui a existé pendant des dizaines d’années dans les pays de l’Est, ou qui existe encore dans des pays comme la Chine ou la Corée du Nord, je répondrai : heureusement, non. S’il s’agit d’une société telle qu’elle était envisagée par les promoteurs du marxisme, du communisme, débarrassée de l’exploitation, de l’oppression, aboutissant à un partage juste des richesses et à une vraie démocratie, où la population est informée, décide et contrôle, j’y crois plus que jamais, face à une société capitaliste qui apparaît de plus en plus barbare…

Question d’artiste
Referiez-vous Mai 68, ou bien pensez-vous que cela n’a servi à rien pour les travailleurs ?

Alain Krivine : ça a été une expérience exemplaire, formidable pour ceux qui l’ont vécue, qui montre que quand des millions de gens se mobilisent, ils deviennent méconnaissables, n’apparaissent plus comme des individualistes se battant chacun pour soi, mais ouvrent une page de solidarité, d’intelligence, de culture, et l’enseignement que je tirerai, c’est qu’il faut arriver à préparer un nouveau Mai 68 mais qui, cette fois-ci, tenant compte des faiblesses de ce qui s’est passé, réussisse pleinement.

Question d’Yvan
Quelle est la différence dans les programmes entre Olivier Besancenot et Arlette Laguiller ?

Alain Krivine : Dans les programmes, au niveau des élections, quasiment aucun, si ce n’est sur certains problèmes spécifiques comme l’environnement où, par exemple, nous, nous sommes pour la sortie du nucléaire. Je crois qu’il y a deux divergences avec LO : l’une sur l’analyse de la situation mondiale, où je pense qu’ils restent assez dogmatiques ; l’autre, sur la pratique politique qui fait que LO n’accepte des pratiques unitaires qu’avec les révolutionnaires, c’est-à-dire la Ligue, alors que nous, nous sommes partisans d’actions communes, ponctuelles, quand il y a accord, rassemblant, si c’est possible, toute la gauche, du PS à l’extrême gauche, comme on l’a fait pour le « non » au référendum, contre le CPE, ou pour défendre les immigrés, contre Le Pen ou Sarkozy.

Question de Kastor
Elle est où, Arlette, on ne l’entend pas, on ne la voit pas ? Et surtout pourquoi elle ne change rien à ses discours ? C’est toujours pareil.

Alain Krivine : D’abord, si on l’entend peut-être moins qu’avant, parce qu’elle était avant la seule porte-parole, disons, très populaire, de l’extrême gauche, maintenant il y en a deux, avec Olivier, mais je crois qu’elle reste très populaire à juste titre, parce qu’elle n’a jamais trahi ; dans la rue, c’est la seule dirigeante politique, quand vous l’appelez par son prénom : Arlette, tout le monde sait de qui vous parlez. Le fait de dire toujours la même chose, c’est aussi la preuve qu’elle n’a pas retourné sa veste, même si parfois on pourrait souhaiter une certaine actualisation du discours, qui fondamentalement reste, à notre avis, juste.

Question d’Olive
Que pensez-vous du combat de Nicolas Hulot ?

Alain Krivine : Il a le mérite, par sa notoriété, de poser à des millions de gens le problème de l’environnement ; il a le défaut d’avoir présenté une charte dans laquelle il n’y a rien à part des formules générales, ce qui a permis à tout le monde - sauf nous - de la signer, sans que ça ne coûte quoi que ce soit et notamment, ça a permis à des anti-écolos comme Sarkozy, et d’autres, de se donner une bonne conscience.

Question de Stéphane L.
Confirmez-vous votre intention de débattre avec Alain Soral sur I-Télévision, contrairement à Olivier Besancenot qui, au dernier moment, avait refusé de l’affronter dans l’émission Ripostes sur la 5 ?

Alain Krivine : Non, cet individu ne nous intéresse pas, un ancien communiste passé à l’extrême droite et qui aujourd’hui ne représente rien, ou quasiment rien…

Question de Véro
Regrettez-vous de ne pas avoir réussi à proposer un candidat unique à l’élection présidentielle ?

Alain Krivine : C’est une déception, si on avait pu, on l’aurait fait, on était pour… mais la coalition qui avait appelé à un « non » de gauche à la constitution européenne a volé en éclats, comme on pouvait le prévoir, les socialistes du « non » rejoignant le camp de Ségolène Royal, car c’est différent de dire « non » à une constitution et « oui » à un programme anticapitaliste. Les désaccords réels, notamment avec le PC, ont empêché, pour ces élections, d’arriver à une candidature commune.

Question de Juju
Pourquoi refusez-vous si catégoriquement de participer à un gouvernement ?

Alain Krivine : Ce n’est pas un refus de principe, mais c’est l’idée qu’on ne va pas au gouvernement pour aller au gouvernement ; le PC, les Verts ont payé très cher leur présence dans un gouvernement libéral dirigé par le PS, et on ne veut pas servir de caution de gauche et nous discréditer en allant dans ce type de gouvernement.

Question de Karis
Cher camarade, quels souvenirs gardes-tu de ta candidature, il y a plus de trente ans ?

Alain Krivine : J’ai essuyé les plâtres ! Je pense que c’est utile comme tribune, bien sûr, pour faire connaître ses idées à des millions de gens, ce qu’un petit parti ne peut pas faire en règle générale ; je pense aussi que c’est une école qui m’a beaucoup appris, et quand on regarde mes discours d’il y a trente ans et ceux d’Olivier, on dit peut-être la même chose, mais de façon totalement différente. Moi, je m’adressais à quelques milliers d’étudiants politisés, et ce que je disais était incompréhensible pour des millions de gens ; lui s’adresse à des millions de gens, et il est compris, et c’est un acquis énorme…

Question de Myria
Tu trouves qu’Olivier est un révolutionnaire ?

Alain Krivine : Bien sûr, mais pour moi, un révolutionnaire, ce n’est pas quelqu’un qui lit la bible tous les jours de la révolution… C’est quelqu’un qui est capable de défendre, au quotidien, la population, et de proposer des mobilisations, et aussi des explications qui donnent envie de changer de société, qui font rêver parce que sans rêve, il n’y a aucune perspective progressiste, aucune perspective de changement.

Question de Noémie
Quel est le livre que vous relisez régulièrement ?

Alain Krivine : Je lis très peu, sauf l’été, je ne relis pas en général les livres… Je viens de lire un livre qui vient de sortir : celui d’un prof qui raconte son expérience dans un LEP du XI-Xe arrondissement. Intéressant et instructif !

P.-S.

Modérateur Nidam ABDI, saisi par Françoise VERNAT.
Chat paru dans Le Point, édition du 17 avril 2007.

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