Éditorial

Ce n’est qu’un début !

, par MALIFAUD Jean

Recommander cette page

On sait que la France est un beau pays, qui côtoie 4 mers, ce qui n’est pas si mal pour un hexagone et suggère que l’on ne s’attarde point à un si petit écart pour en tirer des conclusions hâtives et inutiles. Aussi doit-on s’étonner de l’importance qui est très médiatiquement accordée à la différence entre 53 et 55, qui semble également de 2 points, de surcroît quand le déficit est inversé. Explication : Nous savons tous — et si nous avions la moindre velléité de l’oublier, cela nous est seriné tous les jours — qu’avec 53 % des suffrages, Nicolas Sarkozy est non seulement élu, mais encore légitime, que tout ce qui peut lui passer par la tête l’est pareillement et ne souffre en conséquence aucun retard pour être appliqué quelque soit le déplaisir que nous en avons et, enfin, que penser autrement ne peut qu’être le fait d’ennemis patentés de la démocratie...
À l’inverse, que les Françaises et les Français aient rejeté, 2 (décidemment) ans plus tôt, le Traité constitutionnel européen, par 55 % de NON au référendum, ne saurait être considéré comme un fait de quelque importance. Pour preuve : Sarkozy peut tranquillement s’asseoir sur ce résultat qui prouve seulement que ses sujets n’avaient pas compris. Et comme il lui serait difficile de leur expliquer que le nouveau traité, par lui concocté et approuvé à Lisbonne, est différent du précédent TCE, une mission impossible bien que les excès de langage dus à Giscard sur « la concurrence libre et non faussée » aient promptement disparu, et malgré sa pédagogie à toute épreuve — descend là que j’t’explique ! — il paraît plus prudent de se contenter de convoquer le Parlement... Même pas peur des socialos, ils sont consentants !
Étrange opposition : qu’ils gardent leurs conceptions social-libérales, c’est un sujet de dispute qui n’est pas prêt de disparaître, c’est dans le désordre de la gauche à défaut de l’ordre des choses... mais qu’ils acceptent qu’une assemblée Versaillaise aille contre la volonté Commune !
Puisque (presque) tous ces élus qui d’habitude n’ont que le peuple à la bouche veulent nous voler notre 29 mai, il nous faut les empêcher de déglutir... et repartir en campagne pour une autre Europe !
Restons, une phrase encore, en Europe pour un sourire anti-clérical : un tabou vient de tomber en Italie, le mot « préservatif » pourra être prononcé à la télévision dans les campagnes de prévention du sida ! Mais que fait Joseph (Ratzinger) ?

Au-delà des frontières dramatiquement gardées de cette Europe forteresse, le monde est sang dessus dessous...

La guerre reste le passage obligé pour le maintien de l’ordre des puissants. En contrepoint à celle qui continue, barils et obstination de Bush obligent, à ravager l’Irak, il y a la croisade que mène le nouveau Tsar Poutine, avec persévérance, dans un Caucase dévasté. Il y a les conflits récurrents, qui ne semblent pas pouvoir s’arrêter, le proche Orient, si proche, qui explose. Il y a celle à venir, en Iran, qui pourrait bien tout embraser ! Et toutes ces guerres qui ne font plus la Une, presque oubliées parce qu’on ne sait à quoi elles riment, sinon à tuer des hommes, des femmes, à mettre la colère parfois, la terreur souvent, le désarrois toujours, dans les yeux des enfants...
Les marchands d’armes ont de sales beaux jours devant eux ! Et nous la rage face au non-sens que représente, décidemment, le système économique, politique, qui enserre le monde...
Et la planète ? Elle va mal, merci, et ce ne sera pas un Grenelle qui pourra y changer !

Alors, notre hexagone malmené, dans tout cela ?
Il y a les scandales politiques : les valises du père Denis trimballées pour le Medef, dont on sait maintenant que Bercy et Bauveau — et donc notre omniprésident — n’ignoraient rien, sauf peut-être le montant des coupures ; les meilleurs ennemis de Kärcher 1er qui ne trouveront pas grâce devant Rachida. La justice, justement, qui se révolte pour rester indépendante... C’est le moment de crier : police partout, justice nulle part !
Et le social : puisque la gauche s’est repliée dans sa coquille d’escargot, c’est par la grève et dans la rue que l’opposition à Sarkozy manifeste. Les cheminots ont mis le feu... Le 20 novembre fut pour nous une magnifique entrée en matière. Reste à la prolonger ! Les étudiants — en attendant les lycéens — nous incitent à construire dans la durée. Les personnels de l’ANPE veulent rester sur le terrain de l’emploi, refusent la délation et l’encadrement du chômage... Sans oublier aucune des questions en ligne de mire de la casse du modèle social français qui continue par le piétinement du code du travail.

Victor Hugo disait : quand on ouvre une école, on ferme une prison. Fillon prend le strict contre-pied : il supprime des emplois dans l’éducation et propose de relancer la croissance, par le bâtiment... en construisant des prisons ! Tout un programme !

Jean Malifaud, le 25 novembre 2007.

Source

L’École émancipée, n° 8, novembre-décembre 2007.

Pas de licence spécifique (droits par défaut)

Mots-clés