Tentatives de coups d’État en cascade

, par DIAGO Édouard

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Hugo Chavez en plein meeting
© Venezuelanalysis.com.

Après avoir été balayée par les élections de 1998 à 2000, l’opposition a repris espoir à partir de 2001 lorsque le gouvernement a fait connaître ses lois les plus importantes : lois sur la pêche qui protègent les petits pêcheurs contre la pêche industrielle, lois sur les terres qui met en œuvre une timide mais nécessaire réforme agraire, nouvelles lois fiscales qui introduisent le concept d’impôt dans un pays ou personne n’était habitué à ceux prévus par les lois.
À partir de là, l’opposition va se doter d’une stratégie de déstabilisation permanente : déstabilisation économique par les dirigeants de l’industrie pétrolière et le patronat local et international, manifestations permanentes des classes moyennes et supérieures relayées et amplifiées par une politique médiatique digne des plus grandes dictatures, stratégie militaire.
Le sabotage économique a pris une ampleur gigantesque au moment du lock-out des mois de décembre 2002 et janvier 2003. La principale industrie du pays a été arrêtée par ses dirigeants qui, en raison de la haute automatisation de l’industrie pétrolière, n’avaient qu’à enlever les clés électroniques pour bloquer la production. Mais pour être sûr de la réussite, certaines usines et puits ont tout simplement été sabotés, certains oléoducs ont été coupés, les valves soudées… Parallèlement, les grandes entreprises alimentaires ont arrêté de produire, créant de graves pénuries pour les plus démunis du Venezuela. Dans les bidonvilles qui n’ont pas accès au gaz de ville, les familles ont dû cuisiner au charbon de bois pour faire face à l’absence d’approvisionnement en bouteilles de gaz. Parallèlement, les réserves internationales ont fondu suite à la fuite massive des capitaux (50 milliards de dollars à l’été 2002).
Depuis décembre 2001, le Venezuela a connu une année entière de manifestations de l’opposition appelant à la démission du chef de l’État. Certaines ont pu réunir des centaines de milliers de participants. Une telle mobilisation a pu être obtenue par la politique absolument surréaliste des grands moyens de communication. Ainsi, les télévisions privées ne transmettent aucune image des manifestations pro-Chavez alors que celles de l’opposition sont convoquées et retransmises en direct par les chaînes privées. L’assistance à ces manifestations est présentée par les faiseurs d’opinion comme une « attitude héroïque » face à « la dictature castro-communiste » de Chavez. Le mot d’ordre depuis plus d’un an c’est : Chavez n’a plus de soutien dans le pays, il va bientôt tomber. Entre les programmes, des publicités en faveur de l’opposition sont diffusées en boucle. Certains journalistes fidèles à leur profession décrivent la situation comme un coup d’État médiatique.
In fine, l’opposition parie depuis plus d’un an sur le renversement de Chavez par la force. En décembre 2001, les premiers militaires entrés en dissidence ont accompagné les protestations contre les premières grandes lois. En avril 2002, une partie de l’État-major a exigé la démission de Chavez et face à son refus l’a fait prisonnier. On connaît la réaction du peuple vénézuélien et des troupes loyalistes. En octobre 2002, les principaux acteurs militaire du coup d’État d’Avril 2002 ont déclaré la place Altamira, dans les quartiers chics de Caracas, « territoire libéré de la dictature ». Ils l’ont fait au moment où les leaders de l’opposition faisaient appel à l’armée. Ils n’ont toujours pas été délogés de cette place sur laquelle ils appellent à une réaction des forces armées. En décembre 2002, le pari de l’opposition était que face au blocage de l’économie, l’armée sortirait des casernes en moins de 10 jours pour renverser le gouvernement.
Depuis l’échec du lock-out, l’opposition continue de parier sur un soulèvement militaire. La propagande de l’opposition est tournée vers la dénonciation de la protection des FARC colombiennes par le Venezuela. Des bombes ont explosé à Caracas que l’opposition a vite fait de mettre en lien avec les FARC, qui entraîneraient, selon l’opposition, des troupes irrégulières vénézuéliennes. Le but recherché est de mettre le Venezuela sur la liste des « États-voyous » et de provoquer une tension extrême avec la Colombie voisine, meilleure alliée des États-Unis dans la région (seul pays latino-américain à avoir appuyé la guerre en Irak).
L’opposition bénéficie de la majorité de la commission de législation mise en place avant la défection de secteurs élus dans le bloc Chavez. Cette commission bloque 40 projets de lois de la majorité parlementaire. La majorité a décidé de modifier le règlement de l’assemblée nationale pour que les projets de lois bloqués trop longtemps passent automatiquement devant l’assemblée. Pour empêcher le vote de cette modification, l’opposition a décidé d’empêcher physiquement la tenue des sessions parlementaires. La majorité a donc décidé d’organiser les sessions parlementaires dans la rue, « avec le peuple ».
Si on devait mesurer le degré de radicalité de la « révolution bolivarienne » à l’aune de la radicalité de son opposition, pas de doute le Venezuela est à l’avant-garde du mouvement anti-impérialiste en Amérique latine !

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