Corse

Retour des mouvements sociaux

, par VANDEPOORTE Serge

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Au beau milieu de la partie de ping-pong entre le gouvernement et certains nationalistes, des salariés et des chômeurs se débattent dans les difficultés d’un quotidien marqué par l’accélération de la précarité et la dégradation des conditions de vie et de travail.

Chaque camp campe sur ses positions. Le gouvernement tente de redorer le blason quelque peu terni d’un Etat mis à mal par les tribulations encore très obscures d’un ex-super préfet, et la majorité des mouvements nationalistes publics sont à la remorque d’une clandestinité fractionnée mais omniprésente. À l’Assemblée régionale, aucune majorité ne s’est dégagée autour de la question du budget et il incombe désormais à la préfecture d’en tracer les grandes orientations. Il y aurait de quoi désespérer au regard de ces imbroglios, et pourtant les mobilisations des salariés se multiplient avec, en pointe du mouvement, ceux de la fonction publique.
Depuis 3 semaines, le travail a cessé dans les centres de tri postal et l’onde a gagné les secteurs de la distribution, les recettes, avec un taux moyen de 60 % de grévistes. Les revendications portent sur l’instauration des 35 heures et l’embauche de personnel, et sur des problèmes locaux. Depuis des mois, les syndicats se sont rencontrés régulièrement et avancent dans une relative unité. Les travailleurs des télécoms ont voté la grève, globalement sur d’identiques revendications et les syndicats des transports urbains ajacciens ont déposé un préavis. Menacés par la déréglementation et la mise en concurrence, les marins de la SNCM se mobilisent en insistant sur le fait qu’ils s’opposeront à toute tentative de privatisation, à l’instar des cheminots qui se préparent au conflit. Dans le privé, ce sont les salariés d’une entreprise d’électricité générale qui luttent pour obtenir la réintégration de 70 de leurs collègues licenciés pour avoir créé un syndicat afin de faire aboutir des revendications sur la question des salaires et la RTT.
Au niveau des transports aériens ce sont plus de 467 personnes dont l’emploi est mis en péril, car la Compagnie Corse Méditerranée, financée à plus de 80 % par des fonds publics, risque de perdre les concessions au profit d’une filiale de la Swissair.
Cette résurgence du mouvement social atteste que toutes les questions soulevées par le monde du travail étaient jusqu’à présent masquées, mais bien présentes. Jusqu’à présent les syndicats tentent de cantonner le mouvement aux strictes revendications sociales. Il est trop tôt pour affirmer que les travailleurs de Corse reprennent l’initiative ; présents sur le terrain, c’est à cette perspective que travaillent des militants de A Manca Naziunale et les premiers signes sont encourageants.

P.-S.

Ne cherchez pas dans les colonnes de la presse des informations sur les conflits en cours, des travailleurs en grève médiatiquement ce n’est pas porteur, et puis la Corse c’est avant tout une affaire de terroristes et de gangsters.

Source

Rouge, 28 octobre 1999.

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