À l’issue des élections fédérales du 22 septembre 2002, le PDS a perdu sa fraction parlementaire. Dans le Bundestag — mis à part les deux candidates du PDS qui ont remporté la majorité dans leurs circonscriptions (Gesine Lötzsch et Petra Pau, toutes deux à Berlin) — les partis alignés sur les dogmes néolibéraux restent désormais entre eux.
Un échec conjoncturel ?
Le résultat du PDS est décevant. Perdant 600 000 voix, il tombe de 5,1 % en 1998 à 4 %, ne parvenant à convaincre cette fois-ci que moins de 1,9 million des électrices et des électeurs. Les pertes les plus spectaculaires ont été encaissées là où le PDS co-gouverne en tant que partenaire junior avec le SPD, à Mecklenburg Vorpommern (passant d’environ 24 % à environ 16 % !) et à Berlin. Sa base électorale historiquement forte dans les nouveaux Länder de l’Est est en pleine érosion. Et à l’Ouest, c’est pratiquement la stagnation autour de 1 % des voix.
L’explication par une addition de circonstances désavantageuses et conjoncturelles est trop facile.
Certes, la démission de Gregor Gysi en tant que sénateur (ministre) de l’Economie du Land Berlin (à cause de l’affaire des « bonus kilométriques » de ses voyages officiels, parce que comme bon nombre d’autres politiciens il avait fait profiter sa famille d’avantages financiers offerts par les compagnies aériennes) avait eu un effet négatif, vu que Gysi avait été, pendant de longues années, le porte-parole le plus populaire du parti. Mais il ne faut pas oublier que dans sa fonction de ministre du gouvernement SPD/PDS à Berlin, il ne pouvait déjà plus jouer le rôle d’un orateur/tribun capable d’enthousiasmer un public ayant des aspirations sociales et émancipatrices.
Les inondations catastrophique dans le bassin de l’Elbe ont joué un rôle, mais certainement pas décisif : le PDS a manqué d’initiative et la direction du parti n’a pas tenu compte des revendications radicales élaborées quelques étages plus bas (par exemple de doubler l’apport financier des grosses fortunes et des gros revenus à l’aide aux victimes, etc.).
Le style de sa propagande électorale était certes aisément perfectible : certains des slogans étaient assez flous et ambivalents (« Que le travail gouverne le pays ! »), et il n’est pas digne d’un parti à vocation socialiste de se payer des professionnels de la publicité au lieu de stimuler la créativité de ses membres et sympathisants. Mais la politique et l’orientation réelle d’une formation politique sont, à la longue, plus importantes que la façon de les expliquer.
Enfin, il est vrai que le « vote utile » à joué contre le PDS, même si sa direction a fortement souligné sa volonté, au Bundestag, d’élire Schröder contre Stoiber en cas de nécessité, et même de le soutenir politiquement tout en sacrifiant le gros de son identité programmatique. Pour sa part la direction du SPD a toujours juré qu’elle ne voulait pas, au niveau fédéral, dépendre du PDS.
Certes, la polarisation entre Schröder et Stoiber a coûté des voix. Il y en a qui ont préféré voter pour les Grünen (Verts) ou, en nombre plus réduit, carrément pour le SPD, pour faire barrage à Stoiber. Mais d’après les instituts de sondages, le PDS a perdu à peu près 300 000 voix au profit de la couche croissante de celles et ceux qui, écoeurés, boudent les urnes. Au lieu de capter de nouvelles voix contestataires, le PDS a donc déçu un bon nombre de ses propres électrices et électeurs — certainement aussi une partie de celles et de ceux qui ont préféré voter pour le SPD ou les Grünen, et qui auraient peut-être voté pour le PDS si la politique de celui-ci avait été plus crédible et plus démarquée de celle des partis gouvernementaux.
Il faut expliquer pourquoi les partis gouvernementaux ont réussi, avec un tournant à gauche et « anti-guerre » très superficiel effectué quelques semaines à peine avant le scrutin, à priver le PDS du rôle d’un parti pouvant capter un nombre croissant de voix contestataires, et ceci dans un climat de mécontentement grandissant devant l’adaptation social-démocrate/verte au néolibéralisme et aux croisades impérialistes, douze ans après la réunification de l’Allemagne.
Principale raison de la défaite
Après douze ans d’expériences d’un capitalisme en crise structurelle — c’est-à-dire d’une politique d’austérité et du développement des tendances à la désolidarisation et même à la décivilisation caractéristiques de la politique néolibérale —, après quatre ans d’expériences d’un gouvernement fédéral « rouge-vert » qui a mené sur le plan social, sur le plan des privatisations et aussi sur plan de la politique extérieure et des droits démocratiques (notamment dans le domaine du droit d’asile) une politique en continuité avec celle de Helmut Kohl, le PDS n’est pas capable de rassembler les voix des victimes, des mécontents, des nouveaux radicalisés et politisés qui aspirent à un changement profond de la société, un changement dans l’intérêt des salariés et des exclus, un changement dans le sens de la solidarité. Voilà la raison principale de la défaite.
Le PDS n’a pas pu rassembler ces voix, parce qu’il n’a pas présenté et appliqué dans l’action concrète une alternative claire, cohérente et crédible à la politique néolibérale. Il ne l’a fait ni dans les institutions, ni au Parlement, ni dans les gouvernements. Et il ne l’a pas fait non plus au niveau extraparlementaire, dans les syndicats, dans les mouvements sociaux, dans les mouvements écologique, féministe, antifasciste et antiraciste. Il y a, à l’Est comme à l’Ouest de l’Allemagne, un potentiel électoral bien plus important que les 4 % qui se sont portés sur le PDS. Un potentiel prêt à voter pour une force politique luttant avec conséquence pour la justice sociale, pour la paix et la démilitarisation, pour un renouveau écologique radical de l’activité économique, pour l’égalité des conditions de vie à l’Ouest et à l’Est, pour une démocratisation radicale de la vie politique et sociale. Il est déplorable que les Grünen, dont l’actif mesuré aux objectifs proclamés lors de leur fondation en 1980 est lamentable, soient encore et toujours reconnus par l’électorat (d’après les sondages) comme plus « compétents » en matière d’écologie que le PDS.
Bilan gestionnaire peu glorieux
En matière sociale les faits sont encore plus criants. D’abord avec sa pratique de tolérance d’un gouvernement SPD à Saxe-Anhalt, puis avec la participation en tant que partenaire junior du SPD à Mecklenburg-Vorpommern et à Berlin, le PDS a pris la coresponsabilité d’une politique de gestion loyale du système capitaliste en acceptant les critères de stabilité et de discipline budgétaire. A Berlin il a accepté le cadre d’un déficit public record et a soutenu des mesures de privatisation et d’austérité antisociales inspirées par une politique néolibérale particulièrement féroce. Il est entré ainsi en conflit direct avec un bon nombre de couches sociales susceptibles de lui apporter des voix : les salariés du service public luttant pour leur emploi, le personnel des hôpitaux luttant pour ses conditions de travail, les parents se révoltant à cause de la fermeture de crèches, la population mal rémunérée en général. Bref, tous ceux qui ne peuvent accepter que les piscines publiques et les lieux de rencontres et d’activités culturelles soient fermés pour financer les actionnaires privés d’une banque « publique » (la Berliner Bankgesellschaft) qui avait été misérablement gérée ; que ce soit la population qui paye la facture d’une mauvaise gestion des finances publiques, soulignée par les scandales de corruption du gouvernement CDU/SPD qui avait précédé celui formé par le SPD avec le PDS. Et, cerise sur le gâteau, « il allait de soi » pour le PDS de voter un budget qui prévoyait en particulier le financement d’une police secrète – Verfassungsschutz – dont la fonction consiste, entre autres, à espionner... les membres du PDS !
En se comportant ainsi, comment ne pas créer la désillusion et la déception, la démobilisation et la confusion ? Comment espérer alors gagner politiquement une jeunesse qui, pour dénoncer les 70 000 nouveaux actionnaires de la Berliner Bankgesellschaft susceptibles de s’enrichir aux dépens des démunis, défilait dans les rues d’un quartier « riche » aux cris de « Nous voulons 70 000 têtes – moins que Marat ! » ? L’intellectuel de gauche dissident de l’ex-RDA, Manfred Behrend, a mille fois raison quand il écrit dans SoZ que la démission de Gysi – présentée par celui-ci comme une attitude autocritique moralisante – ne redonne nullement du crédit politico-moral au PDS : « Gysi a dit également qu’après le dévoilement de l’affaire il ne pouvait plus défendre avec crédibilité "certaines choses". Quoi donc ? Justement les mesures antisociales. La moralité revendiquée est donc celle du politicien se comportant de façon impeccable pour mieux faire passer des mesures d’austérité antisociales. » C’est même l’argument de certains dirigeants du PDS pour persuader la direction du parti social-démocrate d’accepter le PDS comme partenaire de coalition : ils prétendent pouvoir « faire passer » des mesures « dures », c’est-à-dire décourager les réactions de protestation et de résistance.
Pacifisme flageolant
En matière de militarisme, le PDS était resté le seul parti qui, au Bundestag, avait toujours voté contre la participation de l’Allemagne et de sa Bundeswehr aux guerres contre la Yougoslavie, aux interventions en Afghanistan et à l’agression annoncée contre l’Irak. Comment se fait-il que le SPD de Schröder, avec un revirement rhétorique et superficiel, ait pu réussir à prendre des voix « pacifistes » au PDS (pas au profit du SPD, il est vrai, mais au profit de son partenaire de coalition, les Grünen, perçu comme un peu plus crédible et comme un moyen de pression sur le SPD en la matière) ? La raison en est, d’une part, que bon nombre des dirigeants de « l’aile réformatrice » (comme disent les médias pour désigner celles et ceux qui veulent plus ou moins le retour à la social-démocratie) font tout, depuis des années, pour venir à bout du « non ». Au congrès de Münster ils avaient tenté de remplacer le « non » par un « au cas par cas », ce qui aurait donné le champ libre à la « conscience » des députés et surtout de leur direction. En plus, ils essayent d’en arriver à un « oui, si le Conseil de sécurité de l’ONU approuve ». S’ajoute à cela que le « non » du PDS lui-même était déjà assez superficiel. Il ne s’opposait pas au fait que l’Allemagne était déjà partie prenante du conflit au Moyen-Orient, non seulement en apportant aux Etats-Unis le soutien logistique en Allemagne, mais aussi avec des forces spéciales qui opèrent déjà dans le golfe Arabo-persique. Pour un profil antimilitariste clair, il faut aussi parler de la structure de la Bundeswehr, qui a été de plus en plus transformée en une armée capable d’intervenir dans les guerres d’intervention impérialistes modernes. Ceci, le PDS ne l’a pas fait. Et donc le « non » de Schröder à une participation à la guerre contre l’Irak l’a pris au dépourvu.
Une défaite qui secoue toute la gauche
Il ne faut pas pour autant penser que la défaite électorale du PDS n’affecte pas la gauche dans son ensemble, y compris la gauche anticapitaliste et les mouvements sociaux. Il s’agit bel et bien d’un événement négatif au-delà des intérêts spécifiques de ce parti. Il est décourageant pour les mouvements sociaux que ce parti, qui traduit un bon nombre de revendications progressistes, ne puisse presque plus élever la voix au Parlement fédéral. Ses critiques et la pression qu’il avait pu exercer sur la politique « établie » étaient un facteur positif dans le rapport de force politique général. Sa défaite a donc un effet décourageant et renforce l’hégémonie social-démocrate. Certains de ses députés, notamment Ulla Jelkpe et Winfried Wolf, avaient articulé une position anticapitaliste claire et travaillé systématiquement au service des mouvements extraparlementaires, antifascistes, anti-répression, internationalistes, antimilitaristes et en matière des droits démocratiques, des droits des immigrés, de l’écologie et des droits sociaux. Ces ressources politiques, morales et matérielles nous manqueront jusqu’à nouvel ordre.
Avant le congrès du PDS à Gera les 12 et 13 octobre 2002, on ne pouvait pas savoir comment le parti allait réagir à sa défaite électorale. A Mecklenburg-Vorpommern, le gouvernement régional avec le SPD a tout de suite été renouvelé après les élections. La présidente du PDS, Gabriele Zimmer, qui n’avait jamais fait partie de la gauche du parti, était vite devenue la cible préférée des attaques de la clique qui veut le social-démocratiser à fond : Dietmar Bartsch, Petra Pau, André Brie et compagnie. Cette droite du parti représente l’idée du co-gouvernement avec le SPD à tout prix et l’adaptation complète au système capitaliste. Pour eux, Gabriele Zimmer était devenue une représentante de l’esprit « conservateur », de l’esprit de secte, de l’opposition dogmatique à l’ouverture, un obstacle à l’objectif de faire reconnaître le PDS comme un parti « comme tous les autres » par la classe politique dans son ensemble et par les médias. Petra Pau et Gesine Lötzsch, seules députées au Bundestag, ont été jusqu’à menacer de ne pas coopérer avec une direction du parti menée par Gabriele Zimmer (et elles le répètent aujourd’hui) et lui préférer un travail en commun avec les fractions parlementaires régionales.
Cuisante défaite de la droite au congrès du PDS
Cette droite de la direction du parti a essuyé une cuisante défaite au congrès de Gera. Ses protagonistes n’avaient aucune chance de persuader une majorité des délégués, le niveau de leur argumentation étant trop bas et leur crédibilité quasiment nulle. En réponse aux questions des délégués, les députés du PDS au parlement régional de Berlin ne pouvaient pas argumenter en quoi les salariés et les démunis auraient profité de quelque manière que ce soit de la participation du PDS au gouvernement - tandis que l’aggravations de leur sort par des mesures d’austérité de ce même gouvernement était clairement visible. Dietmar Bartsch, chef de file des droitiers, parlait d’ailleurs beaucoup aux médias, mais seulement quelques minutes aux délégués pour annoncer qu’il retirait sa motion au profit d’une motion dite « de compromis » de Roland Claus, ex-président de la fraction du PDS au Bundestag. Ce même Claus qui avait fait ses excuses au président Bush pour la banderole des trois députés du PDS avec le slogan : « Bush and Schröder, stop your wars ! » Pour ne pas être du bon anglais, c’était quand même une bonne action, et la réaction de Claus traduisait fidèlement la volonté de l’aile droitière du parti de faire perdre tout aspect oppositionnel et rebelle au parti. Ce Roland Claus n’était donc aucunement crédible comme candidat à une position « de compromis ».
La motion de principe (Leitantrag) de Gabriele Zimmer l’emporta très confortablement. La position adoptée par la majorité des délégués signifie une ouverture vers la gauche et vers les mouvements sociaux. Elle contient une critique assez conséquente du cours néolibéral du SPD et appelle le parti à s’engager plus dans le travail extraparlementaire et dans la participation aux activités des syndicats et des mouvements sociaux. Dans l’actualité, le PDS annonce sa participation au mouvement contre la menace de guerre contre l’Irak, même si une telle guerre était soutenue par un mandat du Conseil de sécurité de l’ONU. Le PDS se prépare aussi à la résistance contre le « plan Hartz » que le gouvernement Schröder/Fischer veut mettre en application au printemps 2003. Ce plan, qui prétend lutter contre le chômage, représente en vérité une attaque contre les chômeurs : il renforcera la précarité et rendra encore plus pauvres un grand nombre de démunis. De même, d’après cette motion Zimmer adoptée, le PDS s’engagera dans le mouvement contre les privatisations, surtout dans le secteur de la santé.
Dans le domaine du bilan des participations gouvernementales du PDS, la motion adoptée est beaucoup moins claire. Elle ne condamne pas le cours coalitionniste, mais appelle à réfléchir sur le prix à payer. Cette réflexion pourrait aboutir à quelques corrections cosmétiques, mais elle pourrait aussi conduire à l’élaboration de critères sérieux tirés du programme du parti pour définir les limites à ne pas dépasser sans mettre en cause la crédibilité et l’identité du parti en tant que force se réclamant du socialisme démocratique et des revendications de la partie de la population exclue de la possession des moyens de production et du capital.
Notons cependant que le PDS, sous la direction de Gabriele Zimmer et avec son consentement, avait ignoré tous les signaux d’alarme annonçant la défaite électorale. En particulier une étude du sociologue Chrapa de l’institut Focus (proche du PDS), réalisée après les mauvais résultats des élections régionales de Saxe-Anhalt au printemps 2002, annonçant l’érosion de l’électorat du PDS à l’Est du fait des désillusions provoquées par sa participation aux gouvernements régionaux. Ce n’est qu’après la défaite aux élections fédérales que l’équipe de Gabriele Zimmer a commencé à en tirer des conséquences...
Quand la motion de Zimmer avait été adoptée, les députés berlinois avaient demandé une interruption de séance pour discuter entre eux. Il y a d’autre signes que l’aile droitière, qui a perdu un bon nombre de ses appuis dans les sommets de l’appareil, veut s’organiser plus fermement en minorité pour mener sa bataille... Des rumeurs existent toujours et encore qu’ils planifient une scission du parti, en phase avec certaines déclarations dès avant les élections fédérales envisageant un « nouveau parti avec Oskar Lafontaine » ou même une entrée dans le SPD. Ce dernier a d’ailleurs largement ouvert ses portes après Gera, déclarant être prêt à accueillir toutes les forces « réalistes et responsables » défaites par la majorité des délégués. Quelques jours après le congrès, Gregor Gysi, jugeant « gauchiste » et « politiquement stérile » la nouvelle ligne du parti, s’est prononcé en faveur de la création d’un « nouveau parti de gauche » (bien entendu à la droite du PDS).
Une gauche du PDS morcelée
Et la gauche du parti elle-même ? Au congrès à Gera, elle se présentait de façon divisée et mal préparée. La Kommunistische Plattform, représentée en premier lieu par Sarah Wagenknecht, se contentait de soutenir Gabriele Zimmer et sa motion de principe contre la droite du parti. Winfried Wolf aussi, mais il présentait en plus une motion contenant une critique claire du cours coalitionniste en tant qu’amendement à la résolution de Zimmer ; à peu près un quart des délégués ont voté pour cette motion. Mais le courant Ratschlag qui était, il y a quelques mois, intervenu dans le débat sur le programme avec une position de gauche et un projet de texte coélaboré par Winfried Wolf, ne s’est pas réuni pour préparer le congrès. Pas plus qu’il n’y eut de consultation commune avec les autres courants de gauche comme le Marxistisches Forum (dirigé entre autres par Wolfgang Lieberam). Il n’y eut même pas de rencontre de ces forces au congrès lui-même. Ainsi, une chance a été manquée. La gauche anticapitaliste conséquente du parti a donc tout intérêt, dans l’avenir, à s’organiser davantage. Dorothée Menzner, faisant partie de la gauche du parti et de la sensibilité « ouest » de la Basse-Saxe a été élue à la direction (Winfried Wolf a obtenu environ un tiers des voix, mais n’a pas été élu) comme Sarah Wagenknecht, ce qui pourrait être un nouveau point d’appui, surtout que la droite du parti est beaucoup moins représentée dans la direction.
En fin de compte, on peut parler d’une ouverture du parti vers la gauche et vers la base sociale, mais il n’est absolument pas acquis d’avance que cette ouverture signifiera un vrai tournant. Toute la lutte pour approfondir cette ouverture est donc devant nous, et cette lutte peut être menée simultanément à l’intérieur du parti et ensemble avec des courants et des militants anticapitalistes et internationalistes en dehors du parti.
À notre avis, il faut organiser un vrai débat programmatique avec l’objectif d’élaborer un programme socialiste de gauche moderne et clairement anticapitaliste. Il n’est pas acceptable de réviser l’analyse élémentaire de l’économie et de la société capitalistes et de ses contradictions insurmontables. On ne peut pas revendiquer une identité socialiste sans articuler une critique de fond du capitalisme et sans lutter pour une société sans classes, sans exploitation ni oppression, une société qui développe la solidarité et aspire à une émancipation universelle. Le problème central du débat programmatique, c’est d’éviter à la fois le piège du propagandisme stérile et de l’adaptation réformiste. Il faut donc élaborer des propositions, des revendications sociales et démocratiques et des formes d’action qui peuvent servir de « pont » entre les objectifs immédiats et la finalité d’un changement radical de la société.
En même temps il faut lutter pour approfondir l’internationalisme politique du parti, par exemple en faisant connaître plus largement les élaborations et les activités de la gauche anticapitaliste européenne ainsi que les expériences de courants anticapitalistes dans d’autres pays, de Rifondazione Comunista, du Bloc de gauche portugais, des Alliances socialistes, de la Ligue communiste révolutionnaire de France, etc.
Bien entendu, les décisions du congrès en matière de renforcement du travail extraparlementaire vont dans la bonne direction. Mais il faut encore les mettre en pratique. Cela signifierait d’autres formes d’organisation et de vie du parti dans bien des endroits. Il faudrait en particulier mettre une fin à la concentration du parti autour des « porteurs de mandats ». Il faudrait un travail orienté vers les usines, les universités, les écoles, les quartiers, et vers la participation active aux mouvements sociaux. Il faudrait rétablir des systèmes de formation politique pour les membres et les sympathisants à la base, dans l’esprit d’un marxisme ouvert et critique, discutant également des expériences historiques en même temps riches et tragiques, du mouvement ouvrier socialiste et communiste.
Mais avant tout, il faudrait réviser les critères pour la participation gouvernementale. On ne peut porter la responsabilité pour un gouvernement que si sa politique apporte des améliorations substantielles pour les salariés, les démunis et les exclus. Il est impossible de co-gouverner pour participer à des guerres et interventions impérialistes au lieu de transformer la Bundeswehr de façon qu’elle ne puisse plus servir ni à des guerres d’intervention ni à des interventions contre « l’ennemi intérieur ». Il n’est pas acceptable non plus de porter la responsabilité pour des polices secrètes qui servent à lutter contre les forces anticapitalistes et à construire des partis d’extrême droite (comme le montre le cas du NPD, dont les structures ne fonctionneraient pas sans ses membres dirigeants qui sont en même temps des agents du Verfassungsschutz). Il faut clairement établir le rôle oppositionnel du parti, qui doit se situer en opposition au néolibéralisme, à la domination du capital avec son critère du profit et à la société de classes.
Enfin, l’ouverture du parti à gauche doit aussi se traduire par des mesures politico-organisationelles. Il faut retourner à la priorité de la collaboration avec des forces anticapitalistes en dehors du parti (par exemple en constituant des listes ouvertes aux élections communales et régionales), même si celles-ci sont faibles. Car toutes les spécificités historiques et sociales du PDS portent à croire que ce parti ne peut pas être le « dernier mot » de la recomposition d’une nouvelle force politique anticapitaliste crédible.