- Lors des élections au Bundestag, le PDS a essuyé une cuisante défaite. Pourquoi ?
Winfried Wolf : Je vois trois raisons essentielles. La première, c’est que le PDS a été perçu comme un parti fortement adapté à la politique établie. Cela a été d’autant plus clair là où le PDS a co-gouverné. Sa politique en tant que parti gouvernemental n’est pas très différente de celle du SPD et des Grünen. C’est pourquoi les pertes sont particulièrement importantes à Mecklenburg-Vorpommern et à Berlin. Le PDS s’est présenté en parti « responsable », cogérant de l’État. Le secrétaire fédéral du parti, Dietmar Bartsch, cité par la Süddeutsche Zeitung du 28 août, disait : « Le PDS n’a jamais été un simple parti contestataire. Le SED [1], dans le temps, était quand même le pilier de l’État. Ainsi, nos origines deviennent peut-être même un avantage. » Deuxièmement, le PDS a partiellement perdu son image de « parti de l’Est » avec la catastrophe du déluge fluvial. Troisièmement, le PDS n’a articulé son opposition à la guerre que d’une manière très générale. Ainsi, le SPD et les Verts pouvaient subitement se saisir du thème de l’Irak. Beaucoup de gens à sensibilité de gauche se rappelaient aussi trop bien des excuses de Roland Claus au président des Etats-Unis lors des protestations dans le Bundestag [2].
- L’objectif sur lequel le PDS s’est concentré était de maintenir sa présence comme fraction dans le Bundestag par le biais de mandats directs [3]...
Winfried Wolf : C’était une faute. La chance principale, c’était de gagner plus de voix à l’Ouest. Du fait du remaniement des circonscriptions à l’Est et à Berlin (réalisé avec le consentement du PDS) et à cause de la participation du parti à des gouvernements régionaux, un succès au niveau de ces mandats directs était très difficile à réaliser.
- Au cours de la campagne électorale, certains dirigeants du PDS ont présenté le parti comme faisant partie d’un camp anti-Stoiber [4]. Est-ce que le PDS ne s’est pas assez démarqué du SPD et des Grünen ?
Winfried Wolf : La direction du PDS a léché les bottes du SPD et des Grünen. Sans même consulter les députés, elle a déclaré que, le cas échéant, les députés du PDS voteraient sans conditions en faveur de Schröder pour aider à faire élire un gouvernement SPD/Grünen. Qu’il fallait se prononcer pour voter contre Stoiber, là il n’y a pas de doute. Mais que l’on dise qu’on votera pour Schröder et que l’on fasse en plus des allusions à la possibilité d’une fusion du PDS et du SPD, cela a été une catastrophe. Dans ces conditions, les gens préfèrent voter pour l’original, pour le SPD et les Grünen, et non pour la copie.
- L’expansion du parti à l’Ouest a-t-elle échoué définitivement maintenant ?
Winfried Wolf : Il ne s’agit pas seulement d’une défaite pour le PDS, mais pour la gauche en Allemagne dans son ensemble, à l’Ouest comme à l’Est. Le PDS a perdu des voix principalement à l’Est. Mais cela ne change en rien le fait que nous n’avons pas atteint nos objectifs à l’Ouest. Le danger que le PDS disparaisse à l’Ouest est maintenant beaucoup plus grand qu’à l’Est. Mise à part une présence dans à peu près deux douzaines de conseils municipaux, l’enracinement du PDS à l’Ouest est faible. Il sera très difficile ici de conserver l’infrastructure du parti.
- Cela signifie donc que l’avenir du PDS est celui d’un parti régional de l’Est ?
Winfried Wolf : Georg Fülberth [5] a dit dans les colonnes de Junge Welt que justement « la menace [c’est] que le PDS ne devienne un parti régional-oriental inoffensif et sans aucun intérêt ». Et il est vrai qu’un positionnement renforcé à droite menace actuellement le PDS. Il est tout à fait possible qu’il y aura, d’une manière ou d’une autre, une démarche commune avec le SPD. Cela signifierait la fin du PDS en tant que projet de gauche.
- Pour vous, l’échec du PDS constitue une défaite pour la gauche dans son ensemble. Or, dans les deux dernières années il y a eu des progressions indéniables avec l’essor d’ATTAC et du mouvement contre la globalisation néolibérale. Est-ce que cela est mis en question maintenant ?
Winfried Wolf : Non. Au Parlement, il n’y a plus de parti qui vote contre la guerre et qui traduise sérieusement la critique du mouvement antiglobalisation. Mais ATTAC reste certainement prometteur.
- Quelles conclusions envisagez-vous au niveau personnel ?
Winfried Wolf : Il faudra davantage diriger l’attention vers d’autres courants, par exemple ATTAC. Dans le cadre de la critique de la globalisation néolibérale, je travaille en son sein depuis quelque temps. Mais beaucoup d’espérances, qui pour moi étaient liées au PDS, sont certainement minimisées.