Les Russes font preuve d’une très grande solidarité à l’égard de la Serbie. S’exprime aussi une amertume de grande puissance. La Russie a été complètement écartée de la gestion de la crise. L’intervention de l’OTAN a non seulement contourné l’ONU dans laquelle la Russie avait son mot à dire, mais également le groupe de contact supposé gérer la crise. Grandissent la révolte et le rejet radical de l’OTAN qui se surajoutent à un sentiment très anti-américain, anti-FMI, anti-Occident, par suite du désastre de la « transition », comme on dit en Russie, désastre très largement attribué à l’Occident et à ses recettes.
En Bosnie Herzégovine, les forces favorables à un pays multi-ethnique sont très inquiètes craignant d’éventuels marchandages consistant à échanger une partie du Kosovo contre l’éclatement de la Bosnie... La présence d’un « protectorat » étranger n’a pas réussi à stabiliser la situation économique et, sur le plan politique, les candidats trop visiblement soutenus par l’Occident ont été rejetés aux dernières élections, au profit de candidats nationalistes. Si l’hypothèse d’un protectorat au Kosovo analogue à Dayton est retenue, elle est tout aussi problématique... Il faut à la fois élargir l’espace balkanique pour une reconstruction économique générale et ne pas tout conditionner aux privatisations, ce qui serait aberrant, mais bien à des accords réciproques entre les nationalités, permettant de maintenir poreuses les frontières de la région. Il faut mettre le centre de gravité sur les sociétés civiles même si, provisoirement, une présence internationale, sous mandat de l’ONU, peut être nécessaire pour assurer le retour des réfugiés et protéger la population.
Les forces indépendantes et anti-nationalistes ont besoin de solidarité
Les frappes de l’OTAN ont écrasé en quelques heures tous les efforts de développement des sociétés civiles qui existaient depuis dix ans. Tous ceux qui, comme moi, militent contre la guerre et pour le développement des syndicats, des associations de femmes, des associations anti-guerre, savent que ces forces existent. En Bosnie-Herzégovine, elles existent, derrière un gouvernement parallèle, dans des forums civiques comme à Tuzla, à Sarajevo, et même à Banja Luka... Elles existent en Serbie, où une dizaine d’associations ont pris position en expliquant que les bombardements étaient contre-productifs pour elles. Existent aussi des syndicats indépendants qui ont du mal à contrer les syndicats officiels, puissamment soutenus, une presse qui a su prendre ses distances avec le nationalisme. Ces forces indépendantes et anti-nationalistes ont besoin de notre solidarité. Pour l’expression libre des points de vue, contre tous les terrorismes.