GazetteINFO.fr : Pourquoi l’extrême-gauche, et notamment le NPA et Lutte Ouvrière, ont-ils obtenu des résultats si faibles lors de la dernière élection présidentielle ?
Alain KRIVINE : Des petits partis comme LO ou le NPA font surtout parler d’eux lors de l’élection présidentielle, une élection qui mise beaucoup – et je le regrette – sur la personnalité du candidat. Arlette Laguiller et Olivier Besancenot ont pu réaliser des scores assez convenables, notamment en 2007. Mais le problème de l’extrême-gauche, c’est qu’elle n’est pas assez crédible. Je sais qu’il y a parfois un courant de sympathie à gauche pour nos candidats, mais au moment de voter, les gens vont préférer le PS ou le Front de gauche. Quand, par exemple, à propos du chômage, certains disent qu’expulser des millions d’étrangers pour créer des emplois, ils sont plus entendus que nous, qui prônons le partage du travail et la semaine de 32 heures.
La classe ouvrière a-t-elle été abandonnée par la gauche, et notamment le PS et le PC ?
Oui. Il y a encore vingt ou trente ans, ces deux partis trouvaient leur électorat majoritairement dans la classe ouvrière. Cela n’est plus le cas. Dans les cités rouges, la gauche a perdu une grande partie de sa capacité d’implantation dans les milieux populaires. Et il ne faut pas cacher que l’extrême-droite perce beaucoup dans ces milieux. Marine Le Pen a un discours qui s’adresse non pas aux partisans de l’Algérie française, comme le faisait son père, mais à un éventail plus large.
Que pensez-vous de l’exil fiscal, qui semble de développer depuis le retour de la gauche au pouvoir ?
Il y a beaucoup de gens qui ont fait fortune non pas grâce à leur talent – même si des patrons peuvent en avoir, mais c’est rare, comme les artistes ou les sportifs – mais parce qu’ils ont profité du travail des autres. J’appelle cela du vol. Car l’argent n’est pas redistribué comme il devrait l’être. On dit que des gens fortunés partent à l’étranger. C’est possible. Mais il y en a aussi beaucoup qui restent, font des affaires, et vont planquer leur argent dans les paradis fiscaux. Nous ne voulons plus de ces patrons, qui montrent à quel point le capitalisme est pourri. Nous souhaitons non seulement les nationalisations – pas de petites entreprises, bien sûr – mais aussi les expropriations. Une société sans grands patrons.
Vous croyez toujours à la révolution ?
Oui. Mais en France, s’il y a des phénomènes locaux, par exemple pour lutter contre la fermeture d’une usine, cela a du mal à prendre. Il y a eu des mouvements d’importance en Grèce ou en Espagne, qui hélas n’ont pas abouti. En France, les gens ne veulent pas faire grève trop longtemps, car cela est pénalisant pour eux, alors que la situation économique est difficile. Il y a bien eu la mobilisation pour protester contre la réforme des retraites, c’est vrai…
François Hollande veut mettre fin au cumul des mandats, ce qu’une partie de son camp conteste…
Je suis favorable à la fin du cumul des mandats. Et au fait que les élus rendent des comptes. Quand j’étais député européen, je voyais des députés seulement venir pour les votes et toucher leur fric. Par contre, ils n’étaient jamais présents dans les commissions. Il faut lutter contre cette caste de droite et de gauche, qui est souvent complètement coupée des réalités.
La semaine dernière, des accords ont été signés entre certains syndicats et le Medef, à propos de la réforme du marché du travail. Des accords que vous ne saluez pas…
Déjà, des syndicats comme la CGT et FO ne les ont pas signés, alors que ce sont les plus représentatifs ! Soyons honnêtes, ces accords sont scandaleux ! Je ne pense pas une seule seconde qu’ils puissent constituer une avancée pour les salariés. Ces accords sont une aubaine pour le patronat, et le gouvernement socialiste qui semble avoir clairement choisi son camp, est ravi. Il y aura plus de flexibilité, il sera plus difficile pour les salariés de saisir les tribunaux des prud’hommes, etc. C’est une véritable atteinte au droit du travail. Ces accords remettent clairement en cause certains acquis. Je comprends que les patrons aient affiché leur satisfaction !
La flexibilité de l’emploi, qui peut éviter des licenciements ou, pire, la fermeture d’une entreprise, a obtenu, selon ses défenseurs, des résultats plutôt positifs dans certains pays…
Oui, et ils citent souvent l’exemple de l’Allemagne. Mais la flexibilité, c’est surtout une occasion de faire du chantage ! On n’augmente pas les salaires, parfois même on les baisse, on augmente la durée du temps de travail, mais au final, ça ne marche pas. Et si les patrons veulent licencier, délocaliser ou fermer l’entreprise, ils le feront. Sans rendre de comptes, ni justifier de l’utilisation des subventions publiques !