Les importantes évolutions qui interviennent au niveau international depuis 1990 créent un nouvel environnement favorable au développement mondial du mouvement ouvrier et à la perspective de construction de partis ouvriers révolutionnaires de masse.
Dans un cadre où s’exercent continuels repositionnements sur la scène politique et influence des réformistes, reculs et avancées du mouvement, succès et erreurs de la gauche révolutionnaire, les facteurs qui sont à la base de ces développements au niveau mondial depuis une quinzaine d’années continuent à déterminer les positions politiques générales.
- l’écroulement des États staliniens en Europe de l’Est et dans l’ex-URSS, la crise amenant à la dissolution du réformisme stalinien et la social-démocratisation des Partis communistes, la crise stratégique de la social-démocratie et son incorporation au social-libéralisme font se lever un secteur de militants du mouvement ouvrier déçus des partis réformistes et qui, se retrouvant sans répondant en termes de politique et d’organisation, sont ouverts à des discussions en vue d’une nouvelle politique de gauche et de sa représentation organisationnelle.
- une nouvelle génération de militants apparaît dans la jeunesse, qui n’ont pas connu les lourdes défaites du passé, se radicalisent et qui, en se radicalisant, souhaite discuter de propositions politiques alternatives qui dépassent le cadre du système capitaliste, et cela après que la déformation stalinienne a enterré les idées socialistes sous des tonnes de boue.
- les dures attaques libérales de la classe au pouvoir se poursuivent, parallèlement à d’importantes résistances et à des luttes ouvrière, à l’action du mouvement qui se bat dans le monde en faveur de la justice sociale, et aux explosions de colère populaires qui ont surgi ces dernières années, principalement en Amérique Latine.
Tous ces facteurs posent comme indispensable et urgente la question de l’unité du mouvement ouvrier, pour lequel l’objectif est de développer une résistance efficace au libéralisme. De plus, ces facteurs nourrissent la discussion autour de la recomposition anticapitaliste.
La recomposition anticapitaliste
Par son existence, la recomposition anticapitaliste [1] peut constituer un moyen efficace de voir les marxistes révolutionnaires développer une politique commune et une activité dans les mouvements avec des militants qui en viennent (quand bien même ce n’est que partiel) à rompre avec le réformisme, qui souhaitent l’affrontement avec le système ou même son renversement, sans cependant voir clairement comment cela pourrait se faire. Former un courant politique anticapitaliste fait d’organisations, de partis, de mouvements politiques et de militants sans appartenance, qui affrontera la politique de la classe dominante de manière résolue et globale, qui organisera les luttes à partir de la base et qui ouvrira la perspective du renversement du capitalisme : une telle formation peut exercer de fortes pressions sur le réformisme et fonctionner comme terrain d’accueil des militants qui se détachent de celui-ci...
Mais pour que puisse se concrétiser une telle perspective, il faut que soient réunies 2 préconditions :
- La recomposition anticapitaliste doit se mesurer au réformisme et ne pas être une initiative qui transforme la gauche révolutionnaire en satellite du réformisme et qui amène à revitaliser ce dernier ! Voilà la raison précise qui fait que des projets du type de SYRIZA [2] sont l’envers d’une tentative de recomposition anticapitaliste.
- Mais ce qu’il faut absolument, c’est que de fortes organisations de la gauche révolutionnaire se trouvent au coeur de ce courant politique. Et cela pour que ce courant prenne bien les caractéristiques décrites plus haut, mais tout autant pour que toute cette démarche débouche sur la recréation de partis ouvriers de masse ayant comme référence le marxisme révolutionnaire de Lénine et de Trotsky.
Dans cette optique, la construction d’une organisation forte ayant comme référence le marxisme révolutionnaire constitue aujourd’hui la priorité des priorités. Une organisation qui applique de manière conséquente le front unique, en rejetant aussi bien l’erreur qu’est le sectarisme que celle qu’est la satellisation autour d’un parti réformiste. Une organisation qui se bat pour la formation d’un courant anticapitaliste à même d’accueillir ceux et celles qui rompent avec le réformisme. Une organisation propagandiste et d’intervention qui ne se limite pas au commentaire politique, mais qui investira ses forces dans toutes les luttes du mouvement de masse. Une organisation qui impulse le soutien à une issue victorieuse des luttes.
OKDE SPARTAKOS ET DSP
Le groupe DSP provient du courant Tendance Socialiste Internationale (IST) et continue à se référer aux conceptions théoriques fondatrices de ce courant, parmi lesquelles une des principales positions est que les États staliniens étaient des capitalismes bureaucratiques d’État.
La IVe Internationale et l’IST constituent aujourd’hui deux courants fondamentaux du marxisme révolutionnaire. Ces deux courants ont en commun une référence à la théorie et à la pratique du bolchévisme, aux quatre premiers congrès de l’Internationale Communiste, à la critique et aux combats de Trotsky contre le stalinisme, à l’action développée par l’opposition de gauche des années 1920 aux années 30.
L’IST s’est séparée en 1950 de la IVe Internationale, en opposition avec la conception selon laquelle les États staliniens constituent des États ouvriers dégénérés, et la Tendance a développé la théorie du capitalisme bureaucratique d’État afin d’expliquer la nature de classe des dictatures staliniennes. Il est pour nous très satisfaisant que cette divergence, quoiqu’elle garde son importance, ne constitue plus aujourd’hui une cause pour l’existence d’organisations séparées au sein des marxistes révolutionnaires, et cela grâce aux développements historiques que nous avons mentionnés. Nous constatons plus particulièrement que :
- l’écroulement des dictatures staliniennes a comme résultat que la manière d’envisager ces régimes ne se pose pas aujourd’hui la manière d’envisager ces régimes ne se pose pas en termes de questions urgentes et de tâches
- les deux courants, malgré leurs divergences, ont toujours activement soutenu les résistances ouvrières et populaires ainsi que les mouvements de révolte contre les pouvoirs staliniens.
- comme le mentionne Daniel Bensaïd dans son article « Marxism : these of resistance » (International Viewpoint n° 362), la théorie de l’État ouvrier dégénéré, celle du capitalisme d’État et celle des nouvelles classes exploiteuses sont toutes trois conformes à la thèse centrale du marxisme révolutionnaire selon laquelle le stalinisme constitue une rupture contre-révolutionnaire et non pas un prolongement du pouvoir révolutionnaire issu de la révolution d’Octobre.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que dans l’initiative pour construire une organisation révolutionnaire, ce qui joue aujourd’hui un rôle clé, c’est d’être d’accord sur les principales caractéristiques du capitalisme dans sa phase actuelle, être d’accord sur notre position par rapport à la crise du réformisme, sur l’application du front unique, être d’accord sur la démarche et les modes de construction organisationnelle et sur la référence commune aux principes essentiels du marxisme révolutionnaire.
C’est dans une telle optique qu’il convient d’observer notre cheminement en tant que groupe, après notre départ de DEA [3]. Notre rapprochement avec OKDE s’est opéré :
- sur la base d’une estimation commune de la période et des priorités pour le mouvement de masse
- sur l’accord quant à la nécessité d’agir en commun au sein des espaces où interviennent toutes les forces disponibles de la gauche de mouvement
- sur la logique de pratique de fronts uniques et sur l’opposition au sectarisme vis à vis de la base réformiste
- sur l’accord quant au rôle que peuvent jouer, en dépit de leurs faiblesses, les regroupements ouvriers existant dans la gauche anticapitaliste
- sur l’orientation de la recomposition anticapitaliste comme étant un mode de construction d’un parti révolutionnaire de masse dans les circonstances actuelles
- sur la participation au mouvement contre la mondialisation capitaliste néo-libérale, la participation au Forum Social Européen (FSE) et au FS grec (FSG)
- Notre point de départ, c’est la coïncidence de points de vues par rapport à ce qui était entrepris avec le regroupement SYRIZA et au danger de satellisation autour du Synaspismos des organisations de la gauche révolutionnaire qui participaient à ce projet. Notre contre-proposition a été celle du nécessaire regroupement du courant anticapitaliste. Le fait de traiter en commun la question de la recomposition anticapitaliste nous a unis sur celle de la perspective pour la période.
# Nous nous sommes retrouvés ensemble dans la bataille pour que le FSG ne soit pas transformé en correspondant « mouvement social » de SYRIZA , ce qui aurait signifié la bureaucratisation et donc la mort du FSG. Nous proposons que le FSG se lie aux actuelles luttes sociales afin qu’il se transforme en authentique instrument anti-libéral. D’avoir travaillé les questions d’intervention au sein du FSG, aussi bien sur le plan tactique que pour nous coordonner centralement, tout cela nous a permis de concrétiser et d’homogénéiser notre orientation commune.
- Nous nous sommes retrouvés ensemble pour essayer de construire des regroupements anticapitalistes dans des secteurs ouvriers. Ces regroupements valoriseront la dynamique de la gauche radicale et ils viseront à donner une autre perspective que celle de la bureaucratie syndicale. Nous avons eu une forte activité de soutien au mouvement de grève dans les banques [4]. Cette action constitue un futur atout pour le mode d’intervention de l’organisation dans la prochaine période. Il s’agit là d’une concrétisation de nos efforts pour que la tactique de front unique ne se cantonne pas au seul cadre du FSG, mais qu’elle opère dans des coopérations plus larges, sur la base des regroupements de la gauche anticapitaliste qui existent ou se créent dans des secteurs de la classe ouvrière.
- Un aspect fondamental est celui du fonctionnement démocratique de l’organisation : la démocratie interne au sein d’une organisation est un précieux avantage. Et de fait, elle constitue le seul moyen pour que les expériences vécues dans l’action militante au sein du mouvement de masse puissent donner une forme concrète à la stratégie et à la tactique des organisations politiques. Il ne serait pas exagéré de dire que la démocratie constitue une précondition à une estimation politique correcte de la période. Pour nous, il est très important qu’OKDE Spartakos soit une organisation dotée par ses statuts d’une forte démocratie interne.
En tant qu’OKDE et DSP, nous avons travaillé et agi ensemble pendant un an. Au cours de cette démarche, nous avons mené avec succès une importante homogénéisation quant aux orientations politiques et à notre mode d’intervention. Nous considérons qu’aujourd’hui, l’organisation qui a une estimation correcte de la période et un projet politique donnant une perspective à la gauche anticapitaliste pour qu’elle soit au premier plan dans le mouvement de masse, c’est OKDE Spartakos. La construction de l’organisation, son action et son développement, avec comme organe un instrument tactique (un journal), voilà qui peut donner à OKDE Spartakos la possibilité d’exercer une influence sur les évolutions à venir, face à d’autres points de vue dominant dans la gauche anticapitaliste qui ont déjà mené à des impasses.
Sur la base de ces orientations, l’Initiative socialiste internationaliste (DSP) a décidé de fusionner avec OKDE Spartakos. Nous appelons toutes celles et tous ceux qui sont en accord avec nos positions et notre action à s’unir à nous dans cette démarche pour renforcer la perspective alternative aux impasses connues jusqu’alors par la gauche anticapitaliste, et pour s’orienter vers la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire de masse.
Athènes, juillet 2005.
Initiative socialiste internationaliste (DSP)