- Existe-t-il une mondialisation des revendications ?
Je ne parlerais pas de revendications mais de racines communes, liées à une multiplicité de systèmes qui reproduisent les mêmes effets et les mêmes victimes : jeunes privés d’emploi, de débouchés, d’avenir. Autre point commun, issu des révolutions arabes, la méthode revendicative : l’occupation de longue durée de l’espace public. La place Tahrir hier, Wall Street aujourd’hui. Et à chaque fois, le mouvement est pacifique dans ses méthodes mais radical dans ses revendications.
- C’est aussi en rupture avec les organisations traditionnelles, politiques ou syndicales.
Cela varie d’un pays à l’autre, mais globalement, on y parle du moi, du je, mais jamais au nom des autres. Dans les cas grec ou américain, on trouve ponctuellement des passerelles avec le mouvement syndical et les banderoles qui vont avec. Mais les Indignés n’ont pas de véritables revendications, du type retraite à 60 ans ou revalorisation du Smic. Le mouvement renvoie à l’individualité tout en mettant en avant des demandes fédératrices, comme un toit et un travail pour tous en Espagne. Au Mexique, il a été initié par un poète pointant la police et les trafiquants de drogue sur le thème : ras-le-bol de la corruption. Qui pourrait être contre ?
- Frustration individuelle ou collective ?
Le point de vue est davantage moral que politique. Dès lors, il déclenche plus facilement l’unanimité. Personne ne s’oppose au contrôle accru des banques, ce qui va de soi. Mais il y a derrière un bruit de fond très antisystème. Derrière l’aspect consensuel, voire Bisounours, le discours est beaucoup plus radical.
- Au risque de débordements ?
Finalement, cela nous ramène aux révolutions arabes. Un mouvement non-violent mais basant le rapport de force par la masse et la force de l’occupation de l’espace public. Après, la police peut toujours essayer d’évacuer une place, au Caire ou à New York...
- Le gouverneur de la banque centrale d’Italie, Mario Draghi, ex de chez Goldman Sachs, vient d’apporter son soutien aux Indignés...
C’est le signe que le système est à bout de souffle. Des responsables comme Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, disent comprendre les Indignés sans pour autant les soutenir. Le mouvement, qui se caractérisait par la vitesse de diffusion entre ses membres, va devoir gérer sa relation aux autres, où l’on retrouvera les ONG, les partis politiques et les syndicats. Reste à savoir comment gérer ces alliances sans transformer l’âme et l’originalité du mouvement. Il a démarré le 15 mai et nous sommes le 15 octobre : en cinq mois, la mobilisation a traversé le monde ! Mais quand un mouvement s’inscrit dans la durée, il ne peut pas se contenter de vivre sur lui-même.