La commune... Le mouvement ouvrier s’y réfère à deux occasions opposées, mais complémentaires. Elle est le moment historique où le prolétariat de Paris vit son premier grand moment d’émancipation et prit en charge l’organisation d’une société. Elle est en même temps cette commune de la vie quotidienne, où l’on vit, se repose, se bat.
La ville est lieu du lien social, le deuxième système de socialisation de la classe ouvrière avec le lieu de travail. Elle en devient d’autant plus
importante quand ce lien du travail s’effiloche pour les millions de salariés
précaires, se réduit quand le lieu de travail devient une PME de 50 personnes (presque 6 millions de salariés sont concernés en France), voire disparaît quand on est au chômage... Sans parler des retraités bien sûr, pour qui ce lien quotidien est si important. L’enjeu est donc considérable : construire la classe ouvrière à partir de cet autre versant qui la constitue, le lieu de reproduction de la classe ouvrière. Lieu non moins important que le travail, parce que s’y détermine, à partir d’un mode de vie en commun et de ces liens sociaux, l’existence objective d’une classe sociale.
La ville est lieu de mobilisation. Deuxième creuset, à côté de l’entreprise,
pour la prise de conscience collective ouvrière. Conscience qu’on
appartient à un ensemble, dont le mode de vie rassemble autant que la
situation d’exploité. Un milieu qui n’a que sa force de travail à vendre pour
vivre, parce qu’il n’y a pas de patrimoine, ou si peu. Les débats des
conseils municipaux ne peuvent être qu’un reflet de ces luttes, mais ils
doivent leur offrir un prolongement en terme de choix politiques.
La ville est lieu par excellence des services publics. Leur présence
dans ce dossier le prouve. Premier âge (article de Birgit Hilpert), troisième
âge (Marie-Pierre Lesur), eau (Claude Danglot), transports (Lucien
Sanchez), les âges de la vie, tous les moments de la vie quotidienne sont
concernés. Sans oublier le traitement des déchets (Gérard Bohner et
Alain Laffont). Et à travers ces services publics, se construit une contre-société basée sur les besoins sociaux et la solidarité. Une présentation de la Convergence pour les Services publics (article de Bernard Defaix) s’imposait donc ici, elle montre aussi que les petites communes sont un élément important de la vie sociale française.
Enfin, la ville est lieu de démocratie. Image contradictoire sans doute :
la ville se présente comme un lieu qui dépasse les classes, où tout le monde vit ensemble. Le vote aux élections communales donne une voix identique à chacun, qu’il soit grand bourgeois ou retraité cheminot. Mais on sait que dans ce lieu interclassiste, on ne se croise pas. Les bourgeois ont leur propre quartier, où ils vivent entre eux. Les cités regroupent les
classes populaires. La ville est un espace ségrégué, et si les articles présentés dans ce dossier abordent peu ces problèmes, c’est que les racines de celui-ci sont profondes, et une politique du logement recouvre des questions difficiles à résoudre au niveau de la seule commune. La commune est aussi un lieu d’expérimentation démocratique, tant il est vrai que dans ce domaine il reste à découvrir, et à construire en avançant. Les expériences récentes de démocratie participative – même si elles restent marginales, et de surcroît ne concernent qu’une partie elle aussi marginale des budgets municipaux –, sont importantes à suivre de ce point de vue (article de Jean-Blaise Picheral).
Ce dossier marie donc deux dimensions, qui représentent la vie municipale : d’un côté les campagnes de mobilisation de la population,
à partir des éléments de la vie quotidienne et des choix politiques
afférents ; de l’autre, la défense d’une politique anticapitaliste dans
les conseils municipaux, en lien avec ces axes de mobilisation (articles de
Michelle Ernis et Bernard Galin, tous deux conseillers municipaux élus
LCR). Un regret par rapport à ce dossier, l’absence d’une réaction des
personnels des communes, dont la gestion représente une partie délicate
de la politique municipale.
La politique municipale est à la jonction des deux dimensions : à la
fois action sur l’immédiateté de la vie quotidienne, et action en fonction
de principes politiques. Notre immédiateté, ce sera une campagne
large, ouverte à tous ceux qui veulent se battre pour construire une
alternative anticapitaliste (article de Guillaume Liégard).
L-M. B.