Décidés à faire passer par tous les moyens leur contre-réforme de l’Assurance Maladie, Chirac et Raffarin manœuvrent. Tandis que Douste-Blazy reçoit les « partenaires sociaux », Raffarin, lui, consulte les partis politiques et affiche sa volonté d’une « réforme » consensuelle.
Chirac a fait semblant de reculer en abandonnant la procédure des « ordonnances », mais le calendrier de la contre-réforme est intégralement maintenu : le gouvernement ne devrait annoncer ses projets que fin mai/début juin, et le Parlement serait convoqué en session extraordinaire en Juillet.
Le gouvernement compte bien ainsi, en retardant le plus tard possible l’annonce de ses projets, éviter une mobilisation de grande envergure, comme celle du printemps dernier. Il ne veut laisser place qu’à un baroud d’honneur des syndicats, vite interrompu par les départs en congés.
Le renoncement aux ordonnances aurait ainsi pour seule conséquence de priver les députés de quelques jours de vacances. La bataille d’amendements prévisible ne pourrait empêcher l’issue inexorable : le vote des textes gouvernementaux, dans l’apathie estivale.
Pour mettre tous les atouts de son coté, la droite tente de jouer sur deux tableaux :
— saucissonner son projet, pour le faire accepter plus facilement.
— poursuivre ce qui a été commencé avec succès avec le Haut Conseil de l’Assurance maladie et amener l’opposition parlementaire, les organisations syndicales et les mutuelles à une négociation « responsable » débouchant sur une « unité nationale ».
En juillet il s’agira de faire voter la réforme de la « gouvernance », c’est à dire de casser l’assurance maladie, pour mettre en place une structure de gestion ou entreraient non seulement le patronat et les syndicats mais aussi les mutuelles et les assureurs privés (voir le dossier d’A. Nazier dans Rouge la semaine dernière).
Les sujets qui fâchent, et notamment les problèmes de financement seraient reportés au vote de la loi de financement de la sécurité sociale à l’automne. Mais la mécanique libérale serait alors bien en place.
Le calendrier arrange finalement bien le PS qui pourrait à la fois faire des effets de manches dans un débat parlementaire sans conséquences, sans être mis sous la pression du mouvement social.
Les déclarations des responsables du PS en charge du dossier ne laissent aucun doute sur ses intentions.
Reprenant à son compte la dramatisation, de la situation de l’assurance maladie « aujourd’hui extrêmement grave, plus grave encore que ne le décrivait le rapport du Haut Conseil, en particulier en matière de déficit » J.M. Le Guen [1] poursuit : « Le PS a toujours eu une attitude responsable. Nous avons approuvé le rapport Couano sur la gouvernance de l’Hôpital (commandé par Mattei ndlr) j’ai été l’un des principaux animateurs de la rédaction du rapport du Haut Conseil [...] nous souhaitons plus que jamais ne pas nous limiter à une posture critique... nous allons faire des propositions cohérentes concrètes crédibles ».
Ces propositions centrées sur la réduction des dépenses, au nom de la prétendue « qualité », rejoignent celles de la CFDT, de la FNMF (majorité de la mutualité), sont de plus en plus en phase avec celles de la direction Thibaut/Le Duigou de la CGT. En fait pour le PS, le problème est moins un désaccord de fond sur les projets gouvernementaux, que le souci de ne pas apparaître comme la bouée de sauvetage d’un gouvernement en perdition.
Le scénario « consensuel » du gouvernement reste pourtant, dans le contexte qui suit le 28 Mars extrêmement fragile. L’extrême sensibilité des salariés aux questions de santé, l’attachement toujours très fort à la « Sécu », laisse entière la possibilité d’une mobilisation sociale bousculant les projets gouvernementaux et l’apathie des confédérations syndicales.
Tout dépend des capacités d’initiative autonome des forces opposées au « diagnostic partagé » et au « consensus » dans le mouvement ouvrier, de leur capacité à préparer cette mobilisation, à construire des comités unitaires de défense de l’assurance maladie, à proposer au plus tôt une gigantesque manifestation nationale pour la défense de la Sécu et le droit à la santé, à l’inscrire dans la perspective d’une grève générale du public et du privé.