Hôpital

Sarkozy et Bachelot s’embourbent

, par DELAVIGNE Jean-Claude

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« Travailler plus pour gagner plus » à l’hôpital est un véritable casse-tête pour le gouvernement. La grève des médecins hospitaliers vient, de nouveau, de placer cette question sous les feux de l’actualité. Elle sera également présente lors de la journée de grève du 24 janvier.

Depuis plusieurs années, médecins et personnels hospitaliers cumulent un nombre astronomique d’heures supplémentaires, pour une somme évaluée à 2 milliards d’euros, qui ne peuvent leur être ni accordées (faute de personnel suffisant) ni payées (faute de crédits). Elles viennent gonfler les comptes épargne temps. Depuis des années, les budgets des hôpitaux ne permettent plus de financer la simple reconduction des effectifs en poste. Parallèlement, la charge de travail ne cesse de s’accroître.

L’hôpital doit accueillir et soigner les patients 24h/24, 365 jours par an. Il fonctionne aujourd’hui à « flux tendu ». Il devient habituel que les personnels censés avoir terminé leur service soient contraints de le prolonger, les soins n’étant pas terminés. Ce temps n’est en général pas reconnu, les agents étant accusés de « mal s’organiser ». La moindre absence oblige à supprimer des repos ou des congés, qui ne peuvent ensuite être accordés… faute de personnel.

Il faut ajouter aux problèmes budgétaires la pénurie organisée de médecins et d’infirmières. Cette situation existait déjà avant la mise en place des 35 heures, en 2002. À l’époque, les fédérations syndicales estimaient à 40 000 le nombre de postes manquants. Les 35 heures auraient dû donner lieu à la création de 120 000 emplois supplémentaires et à leur financement pour compenser la RTT. Ce ne fut pas le cas.

Depuis, avec le plan Hôpital 2007 et le blocage des budgets en dessous de la « reconduction des moyens », la situation budgétaire des établissements n’a cessé de se dégrader. 60% des hôpitaux (dont les plus importants) sont aujourd’hui en déficit, et le personnel (+ de 70% des dépenses hospitalières) devient, pour les directions, la seule « variable d’ajustement ». En conséquence, les établissements sont dans l’impossibilité de payer les 2 milliards d’euros d’heures supplémentaires accumulées. Les personnels hospitaliers doivent donc, en permanence, « travailler plus », mais sans « gagner plus », en faisant crédit à leur employeur de ce travail supplémentaire.

Les « négociations » ouvertes par la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, avec une enveloppe annoncée de 672,5 millions d’euros, ne permettront pas de régler le problème. Cette somme dérisoire relève d’un effet d’annonce plus que d’une réalité. La moitié de ces crédits, provisionnés pour financer les comptes épargne temps, n’existent plus dans bon nombre d’établissements : ils ont déjà été utilisés pour réduire le déficit. Dans la réalité, il ne reste donc qu’une enveloppe de 348,5 millions d’euros du fonds pour l’emploi hospitalier de la Caisse des dépôts et consignations, une goutte d’eau dans la mer ! Enfin, les mêmes causes produisant les mêmes effets, les heures supplémentaires imposées vont continuer à augmenter du fait de la pénurie.

Pour autant, le pouvoir ne se trouve pas dans une situation sans issue. Il peut, au contraire, utiliser la crise pour accélérer une restructuration/privatisation du système hospitalier, en fermant massivement services et établissements (ce que Sarkozy appelle « redéfinir les missions de l’hôpital »). L’hôpital public serait ramené à un rôle d’assistance « aux plus démunis », les soins de qualité étant réservés à ceux qui pourraient payer... dans le secteur privé.

Le Dr Patrick Pelloux, au nom des médecins urgentistes, a donc raison d’affirmer la nécessité d’un « mouvement d’ensemble » des hôpitaux. Il faut malheureusement compter avec l’extraordinaire inertie des fédérations syndicales des personnels hospitaliers qui, malgré la très forte participation aux grèves du 18 octobre et du 20 novembre, ont déployé toute leur énergie à ne leur donner aucune suite. C’est cet obstacle qu’il appartient aujourd’hui aux équipes syndicales combatives de lever. Il y a urgence !

Source

Rouge, n° 2235, 17 janvier 2008.

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