Redonner sans attendre sa force et sa dynamique au projet du NPA

, par LEMAÎTRE Yvan

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Le développement de la crise, le scandale de la dette publique, la montée du chômage, la détérioration des conditions de travail et de vie du plus grand nombre, les tensions qui en résultent, l’offensive politique réactionnaire de la droite et du gouvernement, les nouvelles attaques contre les retraites créent une situation politique difficile. Le mécontentement croissant se combine à un sentiment, sinon de résignation ou de fatalité, du moins d’impuissance qui laisse le champ libre à la passivité des directions syndicales. Le NPA n’échappe pas à la pression ambiante, aux difficultés des mobilisations. L’espoir de voir émerger de ce contexte une nouvelle force politique susceptible de porter les aspirations du monde du travail, sa révolte, de leur ouvrir une nouvelle perspective politique se confronte aux pressions que la crise exerce sur toute la société. Pouvait-il en être autrement ? Un parti pour la transformation révolutionnaire de la société peut-il se construire hors de ces confrontations, des doutes voire des crises qu’elles provoquent ? Certainement non, ce serait pure illusion de le croire. C’est à travers ces confrontations que peuvent se forger une nouvelle volonté, une nouvelle conscience, une capacité collective d’action supérieure, des liens de solidarité plus forts, une cohésion politique plus grande. C’est bien cette maturation qui a commencé au sein du NPA à travers les discussions qui s’ouvrent tant sur le bilan de notre première année d’existence, de la campagne des élections régionales que dans le cadre de la préparation de notre premier congrès.

Nous avons toutes les raisons d’avoir confiance pour deux raisons essentielles. D’abord parce que nous ne craignons aucune discussion, que notre parti connaît, malgré bien des défauts, une démocratie large et vivante. Ensuite parce que le projet qui nous a réunis garde toute son actualité, répond à une nécessité, un besoin. La crise elle-même argumente dans le sens de l’impérieuse nécessité de travailler au regroupement au sein du monde du travail et de la jeunesse de toutes celles et de tous ceux qui prennent conscience de la faillite des classes dominantes et qu’il n’y a pas d’issue à la crise sans l’intervention directe des classes populaires pour imposer leurs droits sociaux mais aussi démocratiques, c’est-à-dire leur droit à contrôler la marche de la société.

Pas de sortie de crise sans rupture avec le capitalisme

La crise conditionne toute la vie politique, les réponses que l’on y apporte définissent les forces et les courants politiques. Il n’y a plus d’échappatoire possible. Les discours sur la sortie de crise qu’il suffirait d’attendre en laissant faire les États ont fait long feu. La crise ouverte en 2008 et le tournant qu’elle connaît avec la crise des déficits, marque la fin de la période de développement capitaliste et d’offensive libérale qui a suivi l’effondrement du mur de Berlin et la fin de l’URSS. Le monde est entré dans une crise chronique, une régression sociale, écologique globalisée et le parasitisme de la finance devient un fait social, politique, difficilement contestable. Plus personne ne peut imaginer une sortie de crise progressive et indolore dont il suffirait de tirer les leçons... Il est clair que sortir de la crise implique des mesures drastiques contre la propriété privée financière.

Sans cela, il n’y a pas de réponse à la question des déficits et de la dette de l’État, au scandale de la rente que versent les États à la nouvelle aristocratie financière, de l’abandon par les États du monopole de l’émission monétaire privatisée et livrée aux banques qui, en prime, spéculent sur les finances publiques. C’est pour la survie de ce système que l’on demande aux populations des sacrifices inacceptables.

L’impuissance des gouvernements à maîtriser la situation, leur évidente soumission aux banques alors que les conditions de vie se dégradent mûrissent les crise sociale et politique. Confrontés aux réalités de la crise, les partis institutionnels sont discrédités. Les dernières élections régionales en témoignent dans le même temps que la déconfiture de Sarkozy crée la possibilité d’un éclatement de la droite et ouvre à la gauche libérale la perspective de revenir aux affaires dans le cadre de l’alternance.

Ce contexte où le parasitisme des classes dominantes éclate au grand jour plongeant le monde dans la crise alors que le mouvement ouvrier est comme tétanisé, pris au piège des routines, de l’adaptation passive au dialogue social, légitime le défi que nous avons relevé en fondant le NPA pour contribuer à apporter une réponse à cette crise du mouvement ouvrier seul pourtant capable de sortir le monde de la crise dans laquelle les classes capitalistes l’ont plongé.

La gauche libérale n’apporte pas de réponse

Le projet du PS pour un autre « modèle économique, social et écologique » se voudrait audacieux se refusant à se contenter de « poser une rustine ici ou un pansement » pour« proposer un autre modèle » que le libéralisme... Certes, mais on ne change pas de modèle de société comme on change de marque de voiture et si l’on en juge par les propos d’un des candidats possibles du PS pour la présidentielle, DSK, sur la crise grecque il est évident que le PS ne pourra au mieux que changer les mots pour mener une politique qui se pliera aux contraintes du marché et de la dette.

Sauf de s’opposer aux intérêts des classes dominantes, il n’y a pas de réponse à la crise si ce n’est une fuite en avant. Il n’y a plus de rustine efficace, il faut des mesures radicales qui impliquent un changement tout aussi radical des rapports de force.

C’est bien pourquoi, si nous sommes en pleine solidarité avec toutes les mobilisations sociales et politiques qui veulent en finir avec la droite et sa politique, cette même solidarité nous place en rupture avec la gauche gouvernementale et libérale. Nous n’avons pas une politique à proposer à celle-ci, nous avons une politique pour les travailleurs et toutes les forces qui refusent de payer les frais de la crise et, a fortiori, de la gérer.

Notre programme n’est pas un programme pour une bonne gauche gouvernementale mais un programme pour sortir de la crise en s’attaquant à la racine du mal, la politique des classes dominantes et de leur État.

Et, en conséquence, nous ne militons par pour une unité avec le Front de gauche qui vise à intégrer cette « gauche solidaire », pour un « front populaire du XXIe siècle » et nous ne pouvons nous laisser prendre dans le piège des discussions unitaires pour la présidentielle de 2012.

Il y a une autre voie que l’impasse antilibérale, une voie large et profonde, la voie vers le monde du travail et la jeunesse. Notre problème n’est pas de crier plus fort que la gauche notre hostilité à Sarkozy. Notre programme n’est pas une série de propositions mais un programme pour les luttes et les mobilisations tant sur le terrain économique, social que politique. Nous menons le débat partout pour mieux nous adresser au monde du travail.

C’est autour d’une telle orientation que le NPA veut regrouper, rassembler à partir de l’analyse de la crise, de la rupture croissante du monde du travail et de la jeunesse avec les partis institutionnels, pour nous faire les porte parole de leur révolte et de leur colère comme de leurs exigences en posant la question du pouvoir. Face à l’alternance possible de la gauche revenant au gouvernement, nous formulons la perspective d’un gouvernement des travailleurs et de leurs organisations s’attaquant aux racines mêmes de la crise, la domination des financiers, des riches, des gros actionnaires sur la société. Notre programme est un programme pour les luttes et les mobilisations posant la question du contrôle de la population sur l’économie et la finance contre la droite mais aussi en rupture avec la gauche libérale.

Un programme pour les luttes posant la question du pouvoir

Ce programme définit notre parti en associant dans une même démarche objectifs pour les luttes et programme politique à travers une démarche transitoire partant des besoins immédiats des classes populaires pour poser la question du pouvoir. Nous le défendons sur le terrain social et politique, dans les luttes comme dans les élections et c’est bien la faiblesse de notre campagne des élections régionales que de n’avoir su avec suffisamment de cohérence garder ce cap.

Notre programme n’est pas un modèle — fut-il anticapitaliste — mais la critique de la politique des classes dominantes et de leur État, de la propagande qui la justifie et vise à l’imposer, des conséquences dramatiques de cette politique pour la population, pour formuler les exigences simples qui pourraient protéger les travailleurs et la population de la régression sociale, l’enrayer en expliquant que ces revendications peuvent être satisfaites, qu’elles sont légitimes mais qu’elles nécessitent une remise en cause du pouvoir des banques et des patrons.

Notre démarche pose la question du pouvoir car la satisfaction des exigences élémentaires des travailleurs, la garantie d’un travail et d’un revenu décent, passe par une remise en cause profonde du pouvoir économique et politique des classes dominantes. Inscrire les luttes dans cette perspective prend, aujourd’hui, nécessairement un sens propagandiste mais c’est indispensable si nous voulons donner à la rupture avec les politiques d’alternance parlementaire un contenu politique pour souligner la nécessaire intervention des travailleurs et des classes populaires pour exercer leur contrôle, c’est-à-dire conquérir la démocratie, le pouvoir.

Souvent la perspective de la grève générale est opposée à une perspective politique, à un débouché politique aux luttes, ce débouché n’étant conçu que dans le cadre parlementaire, institutionnel. En fait la grève générale est en elle-même une perspective politique au sens où elle pose la question d’un affrontement politique central avec le pouvoir. Il est évident que virer la droite à l’issue ou au décours d’une grève générale ne pose pas le problème des réponses politiques dans les mêmes termes que son remplacement dans le cadre de l’alternance institutionnelle par la gauche libérale. Loin d’opposer grève générale et lutte politique, nous définissons notre perspective dans le cadre d’un affrontement global avec le pouvoir, l’État. Cela ne signifie nullement que nous ignorons la lutte sur le terrain électoral, l’importance de gagner des positions sur le terrain des institutions mais que nous subordonnons ces batailles à la construction d’un rapport de force entre les classes dans la perspective de cet affrontement.

La lutte politique n’est pas subordonnée à la lutte sociale, mais la lutte politique est subordonnée ou plutôt déterminée par l’objectif de modifier les rapports de force entre les classes. Et la lutte politique ne se limite pas ni ne s’identifie à la lutte électorale ou dans le cadre des institutions. La politique des militants du NPA dans les grèves est conçue dans une perspective politique globale, elle ne se limite pas à une politique syndicale.

Nous n’avons qu’une politique sur tous les terrains, celle qui vise à construire un rapport de force pour préparer l’intervention des masses sur le terrain où se décide leur propre sort.

Nous ne sommes pas en mesure de discuter concrètement comment se combineront demain luttes institutionnelles et luttes extra-parlementaires mais nous savons que la transformation révolutionnaire de la société passe par une rupture et la mise en œuvre d’une démocratie vivante, directe, populaire. Dès aujourd’hui cela s’exprime dans notre activité quotidienne qui n’oppose pas d’un côté lutte sociale et syndicale de l’autre lutte politique, institutionnelle, mais cherche à unifier notre intervention quel que soit le cadre.

Construire un parti d’opposition ouvrière et populaire

Un peu plus d’un an après notre congrès fondateur, le NPA est en train de se constituer réellement en parti pour, à la lumière de nos premières batailles, définir sa personnalité, son orientation par rapport aux autres forces politiques en particulier de la gauche antilibérale, des directions syndicales, voire aussi des préjugés qui existent au sein des classes opprimées. Cela ne veut pas dire être sectaire, bien au contraire. En règle générale les tendances sectaires se nourrissent des tendances opportunistes et réciproquement, c’est-à-dire d’un manque de personnalité qui soit cède aux sollicitations et pressions soit s’en protège... Seule notre cohésion collective construite à travers la vie démocratique du parti et ses expériences, son intervention politique au sein du monde du travail peut nous éviter ces écueils.

Pour être un facteur de démocratie au sein du mouvement ouvrier, pour contribuer aux évolutions des courants qui le traversent, pour agir sur les contradictions au sein de la gauche, gauche antilibérale voire gauche libérale, au sein du mouvement syndical, en un mot pour jouer pleinement notre rôle de parti pour la transformation révolutionnaire de la société, pour aider aux évolutions des consciences, nous avons besoin de clarifier nos propres orientations, d’homogénéiser le capital collectif qui nous réunit.

Ce travail ne se déroule pas à huis clos, c’est un débat public. Dans le même temps que notre débat démocratique nous rassemblera, il contribuera à rassembler autour de nous, à relancer la dynamique un moment freinée par nos contradictions et ambigüités. C’est là la force de notre parti, si nous savons la préserver, un parti vivant, démocratique, qui ne craint ni les crises ni les débats, uni par la conscience que l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes et la construction du parti celle... des militants eux-mêmes...

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