Le slogan de la banderole installée au pied de l’Acropole à Athènes lors de la grève générale du 5 mai dernier en Grèce indique la voie à suivre, alors que les rapaces de la finance dictent à tous les gouvernements européens des mesures d’austérité sans précédent contre les populations. Il n’a pas fallu longtemps pour se rendre compte que les coupes sombres opérées par Papandréou sur injonction de l’UE étaient des attaques contre tous les travailleurs. Les plans d’austérité mis en place en Espagne, au Portugal, en France indiquent bien que la crise est une crise de l’Europe des capitalistes, des rapaces de la finance... Y répondre, c’est rompre avec cette Europe de la régression démocratique et sociale pour engager le combat pour une autre Europe. Leur Europe en crise est devenue l’arène des luttes des travailleurs du vieux continent pour construire un monde nouveau...
L’impasse de l’Europe de la finance
Le krach obligataire de ces derniers jours s’est révélé être, en même temps qu’un épisode aigu de la crise économique mondiale, une crise de la construction européenne et de l’euro.
Face à la menace de faillite de l’État grec, les classes dirigeantes européennes se sont révélées incapables de mettre en oeuvre leurs propres solutions sans piétiner les principes et les traités prétendument intangibles sans lesquels ne pouvait vivre, selon elles, la monnaie unique.
Leurs dissensions, la complexité institutionnelle des prises de décision au sein de l’Union européenne, la lenteur de la mise en oeuvre du plan d’aide qu’elles avaient annoncé dans un premier temps, n’ont fait qu’encourager les rapaces de la finance. Les attaques spéculatives contre les titres des dettes publiques ont redoublé, elles se sont étendues de la Grèce à tous les pays du sud de l’Europe, ont menacé d’effondrement non seulement l’euro mais l’ensemble du système financier. Au point qu’Obama lui-même et les dirigeants des institutions financières américaines, après le FMI de Strauss-Kahn, sont intervenus auprès des dirigeants de l’Union européenne pour les sommer de s’entendre au plus vite.
Haro sur l’Allemagne, qui s’était refusée jusqu’au dernier moment à donner son accord au « sauvetage » de la Grèce pour de basses raisons de politique intérieure, s’est exclamée la presse. La chancelière allemande, Merkel, était en effet la plus réticente, voulant attendre que soit passée l’élection régionale en Rhénanie Westphalie le 9 mai, qui s’est traduite au final par une défaite cinglante pour la CDU, son parti. Et Sarkozy, au plus mal dans les sondages, de se rengorger, de profiter de la crise et du discrédit de Merkel pour se poser en homme fort du « couple franco-allemand », en « sauveur » de la Grèce, de l’unité européenne et de l’euro.
Quelle farce ! Sarkozy n’avait pas d’autre politique que celle de Merkel, faire pression sur le gouvernement grec pour qu’il impose des conditions d’austérité insupportables à la population comme à celles de tous les États qui auraient besoin d’une aide financière de l’Union européenne. C’est bien le sens de la tribune qu’ils ont signée ensemble dans Le Monde, où ils réclament des « sanctions plus efficaces pour les procédures de déficits excessifs ».
Quelle hypocrisie aussi quand on sait que la France et l’Allemagne avaient été les premières à s’asseoir sur l’interdiction de dépasser 3 % de déficit et 60 % du PIB pour la dette de l’État, contenue dans le Pacte de stabilité sensé garantir la solidité de l’euro.
Au final, le 9 mai, deux jours après la signature d’un accord laborieusement élaboré dans le cadre des institutions et règles européennes, c’est de toute urgence que les autorités européennes se sont résolues à mettre en place un « mécanisme de stabilisation européenne ».
« Une révolution en Europe », ont titré certains journaux. La Commission européenne et la Banque centrale européenne s’autorisent en effet à faire ce que le traité de Maastricht puis tous les autres traités de l’Union européenne leur interdisaient, prêter à un État de la zone euro. Ces traités étaient sensés apporter une solution aux contradictions qui minent l’Union européenne et l’euro depuis leur naissance, contradiction entre le besoin des bourgeoisies européennes de dépasser le cadre national face à leurs concurrentes américaines et asiatiques et leurs intérêts et privilèges nationaux qui exigent le maintien des frontières et de leur propre État. La crise n’a fait qu’aggraver ces contradictions, portées à leur comble dans l’existence de l’euro, cette monnaie unique et commune à plusieurs pays sans existence parallèle d’un État et d’une politique budgétaire uniques.
La solution qu’y apportent les classes dirigeantes européennes, derrière Merkel, Sarkozy et Strauss-Kahn, c’est un renforcement sans précédent de l’offensive contre les couches populaires, en premier lieu dans les pays les plus pauvres de l’Europe.
Ils réclament, en contrepartie de la possibilité pour la commission européenne et la BCE d’intervenir, un renforcement de la « surveillance des budgets et de la compétitivité » des pays de la zone euro par les institutions européennes. C’est pour eux l’occasion de faire un pas en avant vers un « gouvernement économique européen ».
Sauvegarde des intérêts de la finance au prix d’une régression sociale sans précédent, mise sous tutelle des finances publiques des pays dits « périphériques » de l’UE, comme les pays de l’Est, ou de la zone Euro, comme le Portugal, l’Espagne, la Grèce, l’Irlande ou l’Italie, par des institutions européennes dominées par les bourgeoisies du « coeur » de l’Europe, celles des anciennes grandes puissances européennes dont les couches les plus riches et les plus puissantes constituent une partie importante de l’oligarchie financière mondiale, les classes dirigeantes européennes se révèlent incapables d’unifier sous une forme démocratique l’Europe.
Loin d’apporter une quelconque solution à la crise, autre qu’un expédient à court terme, cette « révolution » ne fait que préparer de futurs effondrements financiers, puisqu’elle ne fait qu’accroître l’endettement généralisé en garantissant le tribut qu’en tire l’oligarchie financière, tout en aggravant la récession.
Les populations des pays baltes ou de la Roumanie — dans ce pays a été décidé, sur injonction du FMI, le licenciement de 100 000 fonctionnaires — ont été, en Europe les premières victimes de cette politique. Mais ce sont bien aujourd’hui toutes les populations d’Europe que les classes dirigeantes menacent d’une régression sociale inédite.
Ouvrir des perspectives révolutionnaires et internationalistes
D’ores et déjà, c’est à une véritable mise sous tutelle de ses finances et de son budget par le FMI et les autorités européennes que l’État grec, avec l’accord du gouvernement socialiste de Papandréou, est soumis. Et dans la foulée, tombent en rafales des plans d’austérité aggravés dans la plupart des pays d’Europe : suppressions de postes de fonctionnaires, gel ou diminution de leurs salaires, hausse des impôts en particulier les plus injustes comme la TVA, allongement de la durée de cotisation et de l’âge légal de départ en retraite, coupes sombres dans les budgets sociaux.
Face à cette offensive des classes dirigeantes, les mobilisations qui ont commencé dans plusieurs pays européens, comme la Grèce, où la grève générale et les manifestations du 5 mai dernier ont été largement sous-estimée par la presse, l’Espagne ou le Portugal indiquent la voie à suivre, celle de la lutte des travailleurs, seuls capables d’ouvrir une issue progressiste à la crise.
Il est essentiel de parler du point de vue de cette lutte, d’inscrire celle-ci dans une perspective révolutionnaire et internationaliste, un combat commun de tous les peuples d’Europe contre les prédateurs de la finance, pour une Europe des travailleurs et des peuples.
Si les possibilités de coordination réellement existantes sont encore faibles, il n’empêche que les travailleurs et les populations d’Europe sont tous attaquées à travers les mêmes mesures et au nom du même prétendu impératif, la réduction des déficits publics, et dans les 16 pays de la zone euro, au nom de la sauvegarde de la monnaie unique européenne. Cette situation nouvelle définit l’Europe comme l’arène des luttes à venir, leur cadre politique commun.
Certes, la sortie de l’euro et la rupture avec l’Union européenne paraissent être des passages obligés pour un mouvement social victorieux refusant les programmes d’austérité. Un tel mouvement qui, pour garantir les conditions de vie de la population, imposerait le refus de payer la dette, aboutirait sans nul doute à sa mise au ban de l’Union européenne et de la zone euro. Mais pour les travailleurs, il n’y a pas lieu de craindre cette rupture avec l’Europe de la BCE et de la finance. Au contraire. C’est ce à quoi un gouvernement des travailleurs, issu de leurs mobilisations dans un pays appellerait les travailleurs des autres pays d’Europe à faire, rompre avec cette alliance de gouvernements inféodés aux banques, aux compagnies d’assurance et autres fonds d’investissement qui ruinent la société.
Un tel gouvernement agissant pour que la population prenne le contrôle de l’économie de son pays et la réorganise en fonction de ses besoins, ferait également appel aux travailleurs et aux populations des autres pays européens en butte aux mêmes attaques. Il leur proposerait de mettre à bas, ensemble, leurs classes dirigeantes et leurs fondés de pouvoir, leur propre gouvernement comme les institutions européennes et le FMI.
Il les appellerait à jeter les bases d’une Europe basée sur la coopération et la solidarité, dont la forme institutionnelle sera librement choisie par eux-mêmes, une Europe des travailleurs et des peuples, levier pour un monde nouveau.