La nouvelle nous a frappés avec une violence inouïe : Marc Coutty est mort.
Notre cher, notre tendre Marc Coutty, si généreux, si fraternel, notre Marc trop fragile, Marc avec qui nous partagions plus de trois décennies d’histoire, depuis les comités d’action lycéens (CAL) quand il était à Turgot, Marc nous a subitement fait faux bond dans la nuit du 21 au 22 avril. Il était parti se prendre des vacances au Laos — dès qu’il le pouvait, il filait en Asie — et venait d’arriver à Vientiane. C’était pourtant un fameux trompe-la-mort : il avait triomphé d’un métro et du crabe et poursuivait un vieux bras de fer avec diverses substances nuisant gravement à la santé, dont le tabac et l’alcool étaient les seules en vente libre. Il a finalement été emporté à 52 ans par une crise cardiaque ou peut-être une rupture d’anévrisme, on ne sait pas encore trop bien, en tout cas, par une saloperie qui tue vite fait bien fait. Mais c’est déjà ça de pris : pas de long déclin.
Marc avait adhéré à la JCR d’avant 1968, d’où il était naturellement passé à la Ligue, s’en éloignant pour rejoindre les comités communistes pour l’autogestion, pour finalement revenir — en opposant — à la Ligue, très militant parfois, moins à d’autres périodes, tout à la fois « ouvriériste-archéo » et « moderniste critique », fidèle à la LCR et imprégné de « pablisme ». Professionnellement, il avait commencé comme enseignant, non sans avoir décroché du premier coup l’agrégation de philosophie. Pas vraiment du genre à poser à l’érudit, Perret, comme il s’appelait dans l’organisation, préférait se voir sous la casquette prolétarienne, cultivant l’accent parigot accoudé au bar du Mistral, son QG de Belleville. De l’enseignement, il avait bifurqué vers le journalisme : après avoir fait ses premières armes à Rouge, il avait travaillé successivement à Libération, au Matin de Paris et au Monde de l’Education, avant d’intégrer en 2000 la rédaction du Monde. Être salarié impliquait pour Marc d’être syndicaliste : il était donc actif à la CFDT.
Bien qu’appartenant à la génération Viêt-nam-Rolling Stones-Mai 68, il cultivait d’étroites relations, faites d’affection et de respect, avec plusieurs figures historiques du trotskysme. Et avait ainsi été heureux que l’appel à voter à gauche au second tour des régionales, dont il avait été l’un des initiateurs, reçoive la signature d’une impressionnante brochette de « vieux trotskystes ».
Maintenant que notre camarade Marc en est absent, nous serons un peu moins chez nous dans ce monde.
La section LCR Paris 12e-20e, dont il était membre, témoigne sa sympathie attristée à Laurence, sa compagne, ainsi qu’aux nombreux proches de Marc Coutty.
— Robi Morder, « Biographie : Marc Coutty (1952-2004) », Les Cahiers du Germe, n° 25, 2005.