Retraites

Le Medef contre la retraite à 60 ans

, par ROLLON Pierre

Recommander cette page

Les discussions sur les retraites complémentaires se sont déroulées dans une relative indifférence. Pourtant, leur enjeu n’est rien de moins que la remise en cause du droit à la retraite à 60 ans.

Au moment du rapport Charpin, on a assisté à un réel débat public autour des retraites, mais les menaces n’ont pas disparu. Le débat a été volontairement obscurci par le patronat qui le présentait sous les dehors plus engageants de la retraite « à la carte ». La réalité est tout autre.
En 1982, la loi abaisse la retraite à 60 ans pour le régime de base. En revanche, l’âge de la retraite n’a jamais été diminué pour les retraites complémentaires du privé. Pour permettre aux salariés de partir à 60 ans, a été créée une structure de financement : l’Association pour la structure financière (ASF). Or l’accord qui a créé l’ASF expire au 31 décembre 2000. S’appuyant sur un chantage à son non-renouvellement, le Medef veut changer profondément les règles du jeu. Refusant toute augmentation des cotisations pour les 20 prochaines années, il veut mettre en oeuvre une réforme fondée sur la « neutralité actuarielle » inspirée de la réforme Reagan de 1982-1983.
Le principe de neutralité actuarielle est très simple. Comme on refuse une hausse de la cotisation et que l’espérance de vie croît tous les ans d’un trimestre, l’idée est d’augmenter d’autant la durée de cotisation requise pour une retraite à taux plein. Dans le projet du Medef, on ne touche à rien d’ici 2003 (où la durée requise pour une retraite à taux plein atteindra 40 annuités). Après 2004, la durée requise augmente d’un trimestre par an, ainsi que l’âge de la retraite, jusqu’à atteindre 45 annuités pour un âge de départ de 65 ans. Le projet comporte des clauses venant diminuer le montant de la retraite si on n’a pas la durée requise, mais aussi des coefficients majorant la retraite si on accepte de partir plus tard (jusqu’à 70 ans !).
Si les propositions du Medef étaient validées, il faudrait en 2008 avoir commencé à travailler à 15 ans pour avoir droit à une retraite à taux plein à 60 ans, et à 11 ans et 3 mois en 2010 ! Pour mesurer la portée de l’attaque, il faut savoir qu’actuellement un peu plus d’un tiers des salariés du privé sont encore en activité quand ils liquident leur retraite, qu’un salarié licencié après 50 ans a environ 1% de chances de retrouver un vrai emploi. On voit que l’objectif réel est de baisser le niveau des retraites par répartition. Et se tourner vers les fonds de pension et l’épargne salariale, qui viennent précisément d’être encouragés par le plan partenarial d’épargne salariale institué par Fabius.
Il s’agit donc d’une attaque de grande ampleur. Jusqu’à cette semaine (dernière journée de négociation jeudi 21), le front intersyndical a tenu, malgré les « ouvertures » de la CFDT, proposant de partir avant 60 ans si on a suffisamment cotisé (40 ans). Seillière annonce que le Medef quittera les retraites complémentaires si les syndicats refusent de se soumettre à ses conditions : la neutralité actuarielle et la remise en cause de la retraite à 60 ans. L’épreuve de force se rapproche.

P.-S.

Rouge, n° 1903, 21 décembre 2000.

Pas de licence spécifique (droits par défaut)