Équateur

« Le danger d’une guerre civile… »

, par Inprecor

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Nous reproduisons ici l’interview réalisée par Mercedes López, publiée dans Página/12, Buenos Aires, le 25 mars 2001. Entretien avec Antonio Vargas.

  • Quelles sont les différences et les similitudes entre la CONAIE et le mouvement zapatiste ?

Les problèmes sociaux et économiques sont les mêmes. Les différences sont liées au fait que chacun agit en fonction de la situation géographique dans laquelle il se trouve ; c’est pour cela que les tactiques ont été différentes. Les zapatistes luttent seulement dans un État (le Chiapas) et n’ont pas la même présence au niveau national. Peut-être parce que l’Équateur est un petit pays, nous contrôlons presque toutes les parties du pays où on rencontre la problématique indigène. Les zapatistes et nous, nous partageons les revendications qui concernent la situation des Indigènes, en particulier leur pauvreté.

  • Les zapatistes arrivent, à la fin d’une longue marche, à Mexico. Et vous, que comptez vous faire avec les barrages de routes ?

Nous avons organisé plusieurs soulèvements, dont le dernier a été le plus dur. Le danger d’une guerre civile existe si le gouvernement et les politiciens ne rectifient pas leur attitude. Un nouveau soulèvement peut se transformer en une explosion sociale ou même une guerre civile. En outre, avec le Plan Colombie et les problèmes sociaux qu’on subit, les grandes questions qui ne sont pas résolues conduisent à une radicalisation. Nous commençons le dialogue et nous en attendons des solutions.

  • Quelles sont les thèmes principaux de l’agenda pour le dialogue formel avec le gouvernement ?

Tout d’abord nous exigeons l’indemnisation des blessés et des familles de ceux qui sont morts. Le gouvernement doit faire marche arrière en ce qui concerne l’augmentation des tarifs et l’accord sur l’approvisionnement, comme sur les autres accords qui n’ont pas encore été signés. Les questions à long terme sont la dette extérieure, le Plan Colombie, les migrations ; enfin, on demande des changements dans la politique économique et sociale.

  • À quel aspect du Plan Colombie vous opposez-vous ?

Nous nous sommes opposés au Plan Colombie dès le début, mais malheureusement l’Équateur est déjà placé devant le fait accompli. Nous craignons l’élargissement géographique du conflit, semblable à ce qui s’est passé en Afrique équatoriale ou au Viêt-nam, parce que c’est un problème à long terme qui pourrait déclencher une Troisième Guerre Mondiale. C’est à dire que ce n’est pas seulement l’affaire de l’Équateur mais de toute l’Amérique du Sud.

  • Pourquoi voulez-vous dialoguer avec le gouvernement au siège des Nations Unies ? Serait-ce pour être reconnus par l’ONU comme partie belligérante ?

Beaucoup de dialogues qu’on a eu au siège du gouvernement n’ont pas abouti. Cela nous indique qu’on a besoin de la présence d’une sorte de témoin, c’est pour cela qu’on veut que l’ONU participe à ce dialogue, pour qu’il soit efficace. De cette façon, on pourra vérifier l’accomplissement des accords qu’on signe.

  • Existe-t-il un certain degré de soutien à la CONAIE de la part des officiers moyens de l’armée ?

Non, pas de la part de l’armée. Mais 85 % de la population équatorienne soutient la cause indigène.

  • Je parle, par exemple, du cas du colonel Lucio Gutierrez, qui au début de l’année passée a conduit l’assaut aux sièges des trois pouvoirs de l’État, dans les heures qui précédèrent le coup d’État...

On n’a rien à voir avec Lucio et sa politique. Oui, nous avons le soutien de quelques colonels dissidents.

  • Quelle est votre position vis-à-vis de la dollarisation ?

Nous avons toujours été contre la dollarisation. D’abord parce que nous sommes pour la souveraineté monétaire. Ensuite parce que chaque année on devrait payer 500 millions de dollars pour la souveraineté de la monnaie, et en plus parce qu’avec la dollarisation, ici en Équateur, l’inflation n’a pas baissé ; tout au contraire, les prix ont monté. On n’a rien gagné avec la dollarisation.

  • En quoi consiste la réforme tributaire et la loi de sécurité sociale que la Conaie propose ?

En ce qui concerne la réforme tributaire, on n’est pas d’accord avec l’augmentation de 15 % de la TVA ; dans un pays dollarisé elle doit avoir une tendance à descendre, par exemple, qu’elle arrive à 6 % ou 7 %. En plus, nous voulons que les douanes soient contrôlées par le gouvernement et pas par les entreprises. Quant à la sécurité sociale, nous demandons la garantie qu’elle ne s’applique pas seulement à un groupe privilégié, mais que la majorité de la population en bénéficie.

  • À votre avis, quelle sera la réponse du gouvernement ?

Je ne veux pas être pessimiste, j’attends qu’il y ait des résultats, mais je ne fait pas de pronostic. L’avenir seul pourra le dire.

Antonio Vargas dirige la puissante Confédération des Nationalités Indigènes de l’Équateur (CONAIE).

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