La Convention nationale des femmes

, par JOANNY Sophie

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Après la création de la Convention nationale pour la démocratie (CND) en août 1994, les différents secteurs de la population s’organisent. Dans le Chiapas, les femmes sont les premières à former une Convention, qui réunit vite plus de quarante organisations. À l’échelle nationale, suivent la Convention nationale
indienne et celle des étudiant(e)s. Devant le machisme et l’autoritarisme évident de nombreux membres de la CND, les femmes fondent finalement la Convention nationale des femmes, les 1er et 2 février 1995 à Queretaro, juste avant la tenue de la troisième session nationale de la CND.
La CNM (Convention nationale des femmes) regroupe des femmes independantes et des organisations de 21 États du pays : organisations de paysannes, de femmes des quartiers pauvres, de lesbiennes, de travailleuses domestiques, d’Indiennes et autres... À leur actif, on compte notamment une caravane de fleurs et une visite aux prisonnières politiques accusées de zapatisme, détenues depuis fevrier 1995 dans le « reclusorio norte » de Mexico, une campagne nationale et internationale de soutien à la commandante Ramona, et l’inclusion d’une sixième question dans la Consultation nationale zapatiste du 27 août.
La commandante Ramona est une Indienne tzotzil d’une quarantaine d’années, que le monde entier a découvert lors du premier dialogue de paix entre les zapatistes et le gouvernement, en février 1994. Vêtue de son « huipil », et ne parlant que très peu espagnol, sa participation au premier dialogue symbolise l’esprit de lutte des femmes indiennes, qui, malgré mille difficultés, composent un tiers des forces zapatistes insurgées, et plus de la moitié des « bases d’appui » civiles de l’EZLN.

« Nous sommes toutes Ramona »

Exemple pour les autres Indiennes comme pour toutes les femmes, Ramona jouit d’une immense sympathie populaire. C’est la consternation quand on apprend qu’elle souffre d’une grave maladie et ne peut être soignée convenablement dans le Chiapas en guerre. Les femmes de la CNM prennent alors l’initiative de lancer une pétition nationale et internationale, qui exige que le gouvernement mexicain offre à Ramona les garanties de securité nécessaires pour pouvoir être soignée hors du territoire zapatiste.
Malgré des dizaines de milliers de signatures, le gouvernement mexicain fait la sourde oreille. En juillet 1995, lors de la deuxième réunion européenne des comités de solidarité avec le Mexique, à Barcelone, une deuxième campagne est lancée. Comme le dit un article d’une femme médecin chiapanèque de la Compaz, Barbara Cardenas, « la maladie la plus fréquente chez les femmes, c’est la tristesse ». La deuxième campagne internationale, « Nous sommes toutes Ramona », replace sa maladie dans le contexte de la santé des Indiennes : malnutrition et anomie chroniques, grossesses repétées et faiblesse générale qui les rend vulnérables à toutes sortes de maladies normalement bénignes. La guerre aggrave la situation.
La campagne exige donc « une amélioration urgente du systeme de santé à l’échelle nationale pour toutes les femmes et pour toute la population, [...] dans toutes les institutions de santé publique du pays, des médicaments, un personnel qualifié, des interprètes, et que l’on traite avec respect les malades indien(ne)s », mais aussi que la parole des femmes « soit prise en considération, diffusée et respectée ». En ce qui concerne Ramona, qui semble souffrir de tuberculose chronique et d’un problème rénal, la CNM continue à exiger le droit de Ramona à recevoir, où et quand elle le décidera, une juste attention médicale.

La sixième question

C’est aussi à la CNM que l’on doit l’ajout d’une sixième question, sur la participation des femmes, à la Consultation nationale lancée par les zapatistes et réalisée les 27 août et 13 septembre 1995. Les zapatistes s’étaient montrés sensibles à l’oppression des femmes, en promouvant très rapidement une « loi révolutionnaire des femmes zapatistes ». Mais leur première version de la Consultation oubliait, une fois de plus, le thème. Par exemple, la première question, qui portait sur les principales revendications du peuple mexicain, oubliait l’accès commode à l’eau. Or il s’agit d’une nécessité absolue pour la survie, et précisément c’est exclusivement sur les femmes que repose la responsabilité de l’approvisionnement en eau.
Sous la pression des femmes, l’EZLN a finalement ajouté une sixième question à la Consultation : « Faut-il garantir la présence et la participation équitable des femmes dans tous les postes de représentation et de responsabilité dans les organismes civils et dans le gouvernement ? » Malgré une certaine ambiguïté du concept de « participation équitable », la question a le mérite d’avoir été posée et d’avoir souligne l’importance de la participation des femmes aux luttes. Comme l’ont dit les zapatistes, ces questions ne sont qu’un début, le commencement d’un dialogue que la société tout entière est invitée à reprendre. Pour l’instant, 93 % des personnes qui ont participé à la Consultation (plus d’un million), ont manifesté leur accord avec la participation équitable des femmes. Tout reste à faire...

Si vous voulez en savoir plus et/ou appuyer la CNM, qui ne dispose d’aucune ressource propre, vous pouvez contacter :
CNM
C/o Patria Jimenez ou Eleonora Contreras
Xola 181
Colonia Alamos
Mexico DF, Mexico
Tel. / fax : (52 5) 590 91 01 34

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