Selon les ministres qui se succèdent sur les plateaux de télévision il y aurait extrême urgence. La survie même de notre système protection sociale serait menacée. Douste Blazy ne cesse d’agiter les « 23 000 € par minute » qui creuseraient le « trou de la Sécu » . C’est pourtant à doses homéopathiques que le gouvernement annonce ses projets sur l’assurance maladie.
En sursis après sa défaite des régionales, le gouvernement Raffarin ne semble avoir qu’un objectif : retarder l’annonce de son plan pour éviter les réactions. Il a les yeux rivés sur deux dates : les européennes du 13 juin et les départs en vacances du 1er Juillet. Il compte ensuite sur sa majorité de « godillots UMP » pour adopter sa contre-réforme au Parlement dans la torpeur du mois de Juillet.
L’intervention de Douste-Blazy devant la « Mission Parlementaire d’Information » le 4 Mai puis l’interview télévisée de Raffarin le 6 ont néanmoins levé en partie le voile sur les projets gouvernementaux. Pour Raffarin et Douste Blazy, reprenant les conclusions du « Haut Conseil » de l’Assurance Maladie : celle ci serait malade non pas de son manque de recettes mais avant tout de ses dépenses. Le gouvernement est intarissable sur les gâchis dus à une mauvaise organisation et à une « irresponsabilité » des malades qui multiplient les demandes d’actes inutiles, les arrêts de travail injustifié, et les fraudes à la carte Vitale. Il faut donc à tout prix d’abord « faire des économies ». Discuter d’une éventuelle augmentation des recettes (la CSG) ne pourra venir qu’ensuite.
Si le gouvernement tarde à dire ce qu’il veut, Raffarin a clairement délimité ce qu’il ne veut pas. Pas question de faire payer un sous de cotisation sociale en plus aux patrons ( ce qui traduit dans le jargon gouvernemental se dit « ne pas casser la croissance et l’emploi »), pas question non plus de s’en prendre aux profits considérables des trusts pharmaceutiques, ni au paiement à l’acte des médecins libéraux qui incite pourtant à multiplier consultations et ordonnances.
C’est le schéma ultra-libéral de « réforme » qui est retenu : refus de toute taxe sur le Capital, « responsabilisation » individuelle de chacun : poursuite du déremboursement des médicaments, paiement d’un € « symbolique » pour chaque consultation médicale. Chacun sait très bien ce qu’il est advenu du forfait hospitalier « symbolique » passé aujourd’hui à 15 €...
Le pivot des mesures gouvernementales : c’est la mise en place d’une « Nouvelle Gouvernance » Douste/Raffarin ouvre ainsi la porte à la privatisation partielle de l’assurance maladie qui serait désormais gérée par les différents régimes d’assurance maladie obligatoire, les mutuelles, les assureurs privés et l’Etat au sein d’une « Union Nationale de l’Assurance Maladie ». Les médecins libéraux y seraient également présents.
Cette « nouvelle gouvernance » est l’outil indispensable pour mettre en place le point clé de la contre-réforme libérale : le « panier de soins ». Sécurité Sociale, Etat et assurances complémentaires (mutuelles ou assurances) se mettraient en effet d’accord sur le « panier » à rembourser et la répartition entre eux. Le reste serait à a charge du malade ou d’une seconde assurance totalement à ses frais. L’habileté de ce dispositif c’est qu’il n’y aurait ainsi pas besoin d’une loi pour définir la part prise en charge par l’assurance maladie. Le rôle du gouvernement dans la limitation de la « sécu » et l’extension de la part prise en charge par les assurances privées serait ainsi camouflé.
Pour donner une caution « scientifique » au déremboursement des soins sera créé une « Haute Autorité » (réclamée en particulier par la mutualité française). Quant à la nouvelle carte Vitale et au « dossier médical informatisé » ils enregistreront les « consommations de soins » remboursées tant par l’assurance maladie que les complémentaires… pour le plus grand bonheur des sociétés d’assurances et des patrons qui pourront ainsi connaître l’Etat de santé de chacun et en tirer les conclusions.
La tactique du gouvernement a été rendue possible par l’extraordinaire passivité du mouvement syndical et mutualiste, qui après avoir honteusement « partagé » le diagnostic du Haut Conseil, s’est refusé à toute mobilisation, sans même obtenir de réelles négociations du gouvernement.
La « bataille de la Sécu » doit avoir lieu !