Pourquoi le système actuel se révèle-t-il insuffisant aujourd’hui pour assurer une retraite décente aux femmes ?
Christiane Morin — Les chiffres montrent bien le niveau insuffisant des pensions des femmes. Les écarts hommes-femmes ont tendance à se réduire au cours du temps, mais ça ne va pas durer (augmentation de la précarité et du temps partiel, impact des mesures Balladur de 1993 qui touchent particulièrement les femmes).
Le système de retraite s’est construit sur une logique de protection des femmes. Le système est inadapté pour répondre à l’objectif d’égalité entre les hommes et les femmes, et à l’évolution du modèle de famille (monoparentale, Pacs, etc.).
Certains avantages familiaux sont aussi mis en cause par la législation europ éenne au nom de l’égalité, ce qui est un comble car ils ne sont même pas suffisants pour remédier aux inégalités actuelles ! La notion d’égalité ne doit pas être utilisée pour tirer vers le bas l’ensemble des acquis sociaux. La logique d’égalité implique de généraliser les droits individuels en remplacement des droits dérivés [bonification pour enfants, pension de réversion après le décès du conjoint, etc. NDLR], qui ont des effets pervers identifiés, par exemple le renforcement des rôles traditionnels entre les deux sexes.
Quel jugement portes-tu sur le rapport publi é par le Conseil d’orientation des retraites (COR) du point de vue de la réduction des in égalit és hommes-femmes ?
C. Morin — Le rapport du COR annonce qu’il se concentre sur les « sujets qui lui paraissent essentiels », la question de la retraite des femmes n’en fait donc pas partie ! Elle est renvoyée à l’examen des « modalités spécifiques » ! À l’heure où un actif sur deux est une femme, que la question des retraites des femmes soit réduite à une rubrique spécifique montre bien le chemin qu’il nous reste à faire...
Le rapport souligne que la question de l’emploi est une question cruciale pour assurer l’avenir des retraites, il reconnaît brièvement que « des marges d’augmentation de l’activité féminine existent ». Mais il ne les explore pas vraiment.
Or le gain potentiel de la pleine activité des femmes représente 1,8 million d’emplois, soit 7% de la population active. Le gain en termes de financement des cotisations est donc important, et il est plus important encore en termes d’égalité entre les hommes et les femmes. L’emploi des femmes est une condition nécessaire à leur autonomie. Et contrairement aux idées reçues, l’activité des femmes n’est pas cause de chômage, mais créatrice d’activités nouvelles. Il nous faut mettre en avant la nécessité de politiques permettant réellement aux femmes l’accès à un emploi.