Échec au libéralisme dans les Andes

, par MARCHETTI Jean-Louis

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Aprés un mois de lutte et 80 morts, le président bolivien Sanchez de
Lozada s’est enfui à Miami. Élu président en 2002, ce millionaire élevé aux États-Unis, appliquait un programme ultra-libéral. La « guerre du gaz » lui aura été fatale. C’est une importante victoire contre la mise en place de la Zone de Libre Échange des Amériques.

Qui doit contrôler les ressources naturelles ?

La Bolivie, pays le plus pauvre d’Amérique Latine, est le second producteur de gaz naturel de la région derrière le Venezuela. Mais cette richesse ne profite pas à la majorité de la population. Les boliviens voient les multinationales se remplir les poches avec les redevances du gaz, alors qu’ils doivent faire la cuisine et se chauffer au bois.

Le détonateur de la vague de mobilisations a été la révélation que le gouvernement négociait la vente de gaz aux États-Unis et au Mexique, par l’entremise d’un consortium de multinationales – Repsol, British Gaz et Américan Energy – qui se réservait 82 % des bénéfices espérés.

Ce projet impliquait la construction d’un gazoduc vers une installation de liquéfaction située dans un port chilien, puis le transport du gaz liquéfié vers une autre unité de transformation au Mexique.

Inacceptable pour la grande majorité des citoyens boliviens qui exigent l’extension de l’usage domestique et industriel des hydrocarbures en Bolivie même.

Une révolte qui vient de loin

La Bolivie est un pays qui a été pillé tout au long de son histoire, depuis la conquête espagnole. Les 20 % les plus riches de la population s’adjugent 54 % des revenus du pays, tandis que les 20 %
les plus pauvres doivent se contenter de 4 %. Les indiens et les métis représentent 90 % de la population, mais sont exclus du pouvoir.

Cependant cinq siècles de résistances aux colonisateurs ont permis une structuration et une conscience politique des paysans indiens Aymaras et Quechua. La Bolivie a aussi connu en 1952, la seule
révolution prolétarienne du continent, où les mineurs ont joué un rôle central.

Depuis 20 ans, les politiques néolibérales appliquées sous la houlette du FMI et des USA, ont plongé la majeure partie du pays dans la misère. Mais en avril 2000, un nouveau cycle de mobilisations s’est ouvert par une victoire à Cochabamba, la population faisait échouer
la privatisation de l’eau, mettant en échec la multinationale Bechtel. La
Coordination de défense de l’eau se transformait ensuite en Coordination nationale de défense du gaz qui lançait le 5 septembre un appel à la lutte.

Les armes de la victoire

Les paysans indiens aymaras mettent en place des barrages pour bloquer les routes de l’Altiplano. Le gouvernement envoie l’armée qui tire sur la foule à Warisata. La riposte est immédiate. La Centrale Ouvrière Bolivienne appelle à la grève illimitée. La ville d’El Alto est en état de siège. Tandis que la grève paralyse la capitale, les paysans des Hauts Plateaux se déclarent en insurrection armée. La répression militaire est sauvage. Balle contre pierres, armes lourdes contre
dynamite, l’arme traditionnelle des mineurs, les manifestations sont d’une grande violence.

Le 15 octobre, plus de 50 000 personnes envahissent le centre de La Paz. Les classes moyennes, choquées par la répression, passent du
côté des manifestants. Le gouvernement explose. Les principales organisations populaires – la COB (centrale ouvrière), la CSUTCB
(Confédération syndicale des travailleurs agricoles de Bolivie), la Coordination pour la défense de l’eau et de la vie et la Fédération des producteurs de coca – ont su dépasser leurs particularismes pour faire face à un adversaire commun : une oligarchie qui met en
œuvre un programme néolibéral.

Organiser un référendum sur le gaz, rompre avec l’orthodoxie néolibérale, convoquer un assemblée constituante, telles sont les
promesses arrachées au nouveau président Carlos Meza, qui est maintenant sous haute surveillance.

Coup dur pour l’Oncle Sam

Les USA ont soutenu jusqu’au bout Sanchez de Lozada et appuyait sans réserve la répression. Aprés l’échec du sommet de l’OMC
à Cancun, alors que les résistances se mutiplient au Venezuela, en Argentine et au Brésil, c’est un nouveau coup dur pour leur politique.

La place centrale des nations indigènes dans les mobilisations boliviennes, se retrouve en Équateur, au Pérou et au Chiapas. Pour les peuples indigènes, la notion de propriété collective du territoire
est essentielle. Souvent gérée en commun, considérée comme un milieu vivant, dont la cohérence biologique doit être respectée, la terre ne peut être à vendre. Ces peuples sont les premières victimes de
la libéralisation des échanges agricoles.

Pour les militants altermondialistes, c’est un allié de poids qui vient prendre sa place dans la lutte contre la World Company.

Source

Rouge 13, n° 4, novembre 2007, p. 6-7.

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