Le 5 mai dernier, au ministère du Travail, la convention tripartite ANPE-Unedic-état, dont la presse a rendu compte de manière on ne peut plus élogieuse, est signée. Le guichet unique pour les chômeurs est « enfin » lancé, se réjouissent Libération et Le Figaro, « Une convention tripartite simplifie les démarches des chômeurs », commente Le Monde. Quant à la CFDT, qui occupe la présidence du bureau de l’Unedic, elle salue, dans des termes voisins de ceux du ministre de l’Emploi, Jean-Louis Borloo, et de celui délégué aux Relations du travail, Gérard Larcher, ce qui devrait permettre aux chômeurs, selon elle, « d’accélérer leur retour vers l’emploi qu’ils souhaitent ». Rien moins que cela.
En réalité, derrière les « guichets uniques » ANPE-Assedic, la mise en place d’un « dossier unique du demandeur d’emploi » (Dude), dossier informatique où seront consignées précisément toutes les données concernant un chômeur (réponses qu’il aura données ou non à des propositions diverses d’emploi ou de stages de formation, absences ou présences aux contrôles, aux entretiens ANPE, etc.), il s’agit de renforcer le « fichage-flicage » des chômeurs, selon la formule d’Agir contre le chômage, et de multiplier le nombre des radiations. D’autant que, depuis le 1er janvier 2006, a été mis en place, sous couvert de les aider à retrouver un emploi, un suivi mensuel des chômeurs par l’ANPE, alors qu’auparavant les entretiens n’avaient lieu que tous les six mois.
Cette convention constitue ainsi un pas de plus vers la fusion entre l’ANPE et l’Unedic, accroît la pression du patronat sur les chômeurs puisque l’Unedic, caisse de chômage chargée d’indemniser les chômeurs et de recevoir les cotisations des salariés du privé, est un organisme géré de façon paritaire par le patronat et les syndicats (présidée actuellement par la CFDT).
Elle inclut d’ailleurs une clause visant au « rapprochement de la demande et de l’offre d’emploi des entreprises », qui vise à fournir au patronat la main-d’œuvre qui lui manque traditionnellement dans les secteurs où les salaires sont les plus bas et les conditions de travail les plus dures. Le « projet personnalisé d’accès à l’emploi », établi à partir d’un « diagnostic partagé » par l’ANPE et l’Unedic, et destiné à être revu et corrigé régulièrement, ne manquera pas d’établir pour chaque chômeur un profil destiné à l’orienter en fonction des besoins du patronat. Enfin, la convention prévoit de généraliser le recours à des agences privées telles qu’Ingeus ou Adecco, déjà expérimenté dans quelques villes, dont les offres d’emplois font partie de celles que les chômeurs ne peuvent refuser sous peine de sanctions.
Toutes ces dispositions s’inscrivent dans le projet, déjà bien entamé, de faire disparaître complètement l’ANPE en tant que service public, afin de répondre au vœu du patronat de « fluidifier », comme ses représentants le disent, le marché du travail, c’est-à-dire imposer à l’ensemble des travailleurs, en commençant par ceux qui sont au chômage, n’importe quel travail à n’importe quelles conditions.
Le schéma de cette convention figurait déjà dans le rapport Cahuc-Kramarz, intitulé « De la précarité à la mobilité, vers une sécurité sociale professionnelle », publié en décembre 2004, rapport dont une des conclusions, significativement, était la proposition de créer un contrat de travail unique. Car le patronat et le gouvernement ont un plan d’ensemble pour leur offensive contre les droits des travailleurs qu’ils continuent à mettre en œuvre malgré le recul sur le CPE que la jeunesse leur a imposé. Les jeunes ont pu le faire parce qu’ils ont osé inscrire leur lutte dans un combat plus global contre la précarité et le chômage, premier pas dans la préparation de la riposte d’ensemble nécessaire.