Au moment ou s’ouvre le débat parlementaire sur le projet de loi Douste Blazy, l’essentiel est déjà joué. Quelle que soit la bataille d’amendements menée par les députés de l’opposition, l’écrasante majorité UMP à l’assemblée adoptera le texte. Certains amendements de la droite libérale peuvent même tenter de le durcir.
C’est l’aboutissement d’une bataille non menée par l’ensemble des confédérations syndicales et la mutualité française. Faute de mobilisation sociale, un gouvernement affaibli et discrédité va imposer, après les retraites, la deuxiéme partie de sa contre-réforme libérale.
Néanmoins, malgré la période des congès, tout doit être fait pour que le débat parlementaire soit accompagné du plus grand nombre d’initiatives unitaires possible : interpellation des députés, actions spectaculaires… Ces initiatives permettront de « mettre sous contrôle » les députés. Elles favoriseront aussi la préparation de la prochaine étape.
Nous n’en sommes, en effet aujourd’hui qu’au début de la contre-réforme de l’assurance maladie. Le débat créé par la révélation d’une note « confidentielle » du Ministère des Finances vient de le rappeler.
La « note de Bercy », un révélateur.
Fuite orchestrée ou non, cette note, rédigée par des hauts fonctionnaires du Ministère des Finances, conteste les chiffres avancés par Douste Blazy. Alors que celui-ci annonce un « retour à l’équilibre » de l’assurance maladie en 2007, les « experts » des Finances prévoient au contraire le maintien d’un déficit de 7,5 à 15 milliards d’euros à la même date. La « note de Bercy » confirme ainsi deux choses.
Elle montre le caractère fantaisiste des chiffres utilisés pour justifier les attaques contre l’assurance maladie.
Elle met surtout en lumière, ce que le gouvernement voulait masquer à la veille du débat parlementaire. La loi Douste Blazy n’est qu’une première étape, encore très insuffisante aux yeux du MEDEF et de la droite libérale. D’autres trains de mesures beaucoup plus rigoureuses suivront.
Sachant apprécier les rapports de force politiques et sociaux, le gouvernement a décidé de limiter le texte débattu à partir du 29 Juin à deux objectifs :
- Créer les outils de la contre-réforme : ce qu’en langage technocratique on appelle la « gouvernance »
- Prendre une première série de décisions visant à faire payer davantage les assurés, à les « responsabiliser » par l’argent en aggravant les inégalités face aux soins, à limiter les remboursements.
Au sein même du gouvernement, certains (dont Sarkozy) voulaient d’emblée aller beaucoup plus loin ; par exemple, instaurer une franchise générale sur les soins de l’ordre de 100€ par assuré !
Il s’agit là d’un débat tactique sur ce qui pouvait être imposé ou non dès aujourd’hui.
Mais au-delà, l’ensemble de la droite est d’accord pour considérer l’actuel projet de loi comme un simple point de départ.
La nouvelle « gouvernance » mise en place par la loi Douste Blazy va contraindre la sécurité sociale à supprimer ou réduire certains remboursements, dès que les dépenses dépasseront le niveau fixé. Les assurances complémentaires (mutuelles et assurances a but lucratif) devront alors soit à augmenter leurs tarifs soit à leur tour à ne plus rembourser certains soins.
Les compagnies d’Assurance et les Mutuelles anticipent déjà en prévoyant une nouvelle hausse de 5% au premier janvier prochain. Il faut donc prévoir pour les mois et les années à venir de nouveaux « plans de sauvetage », avec des décisions très dures.
Dès l’automne le projet de loi de financement de la sécurité sociale risque de réserver certaines mauvaises surprises.
Il faut y ajouter la poursuite de la restructuration et de la privatisation de l’Hôpital Public, avec des conséquences de plus en plus graves pour les usagers : délais d’attente, baisse de la qualité des soins.
Douste Blazy n’a pas abandonné le plan hôpital 2007 de Mattéi. Au contraire il s’apprête à poursuivre l’œuvre destructrice de son prédécesseur en utilisant la méthode expéditive des ordonnances.
Tirer le bilan, poursuivre la mobilisation.
L’heure n’est donc pas, à la démobilisation, mais au contraire à la préparation de la prochaine étape. L’une des séries de mesures à venir contre l’Assurance Maladie et le systéme de santé peut fort bien déclencher une réaction de masse, auxquelles les directions confédérales ne pourront cette fois s’opposer. Il ne s’agit pas d’attendre une telle situation mais de la préparer.
De ce point de vue, l’acquis du travail fait depuis septembre 2003 est considérable. Les centaines de réunions organisées notamment par ATTAC, les Etats Généraux de la Santé du 24 Avril dernier, la pétition de la fondation Copernic, la création de comités unitaires de défense de la sécurité sociale ou de la santé au cours des derniers mois ont permis que des centaines de militants associatifs syndicalistes politiques, débattent ensemble, tentent de construire la mobilisation, esquissent des propositions alternatives à la contre-réforme.
Le 3 juillet ATTAC organise une réunion préparatoire à une nouvelle session des Etats Généraux à la rentrée. Ce sont là des échéances importantes pour préserver l’acquis et continuer en Septembre. Ce sont aussi des points d’appui pour tirer un bilan critique et réorienter le mouvement syndical enlisé majoritairement dans le « diagnostic partagé » et les négociations à froid.
La LCR et ses militants qui ont fait depuis plusieurs mois de la santé et de la sécurité sociale une de leurs priorités seront en première ligne de la poursuite de la mobilisation.