Le Centre national du livre (CNL), créé en 1973, apporte des soutiens concrêts à la pluralité du livre, ainsi qu’à son accès. Il soutien l’édition ou la réédition d’oeuvres littéraires, les acquisitions des bibliothèques, les actions de promotion de la lecture et la traduction des oeuvres dans les deux sens. L’essentiel de son budget est consacré aux subventions et avances remboursables attribués aux auteurs, éditeurs et associations, ainsi qu’à l’aide à la diffusion.
La loi sur le prix unique du livre, émanant du ministère de la Culture, a été votée en 1981 sous la houlette de Jack Lang. Elle affirme que le livre n’est pas une marchandise comme les autres : le prix de chaque ouvrage est fixé par l’éditeur et appliqué par tous les libraires qui ne peuvent faire de remise supérieure à 5%, hormis lorsqu’ils s’adressent à des collectivités. Seuls les livres dont la publication date de plus de deux ans et qui sont chez le libraire depuis plus de six mois peuvent voir leurs prix réduits de manière substantielle. Dans la même logique, la TVA appliquée au livre a été ramenée à 5,5%.
De larges insuffisances
Dans le cadre d’une société de marché, cette loi évite que la concurrence entre librairies porte sur les prix. C’est donc uniquement par la qualité de leurs services qu’elles peuvent se faire valoir, ce qui permet aux petites librairies de ne pas disparaître et à l’édition d’être plus diversifiée.
Si dans la pratique ces mesures permettent de publier des ouvrages qui ne toucheront pas un large public mais qui sont nécessaires à la création littéraire ou à la recherche, elles restent insuffisantes.
La politique des éditeurs peut s’éloigner des seuls buts marchands à l’image des choix de certaines maisons d’édition. Par exemple, les Editions de minuit misent sur le long terme en éditant des ouvrages de qualité : elles récoltent aujourd’hui le fruit de leur prise de risque en vivant sur leur stock d’auteurs qui comprennent des noms tels que Beckett ou Duras. D’autres comme Acte Sud, ont fait le choix de faire découvrir aux lecteurs francophones de nouveaux auteurs de la littérature étrangère. Des efforts similaires ont été fait dans la littérature de jeunesse (éditions du Rouergue). De nombreuses petites maisons d’édition ont un raisonnement semblable. Mais nombre d’entre elles travaillent bénévolement et elles sont souvent rachetées une fois qu’elles sont bénéficiaires. La plupart d’entre elles font faillite. Les mesures prises ne permettent donc pas l’existence d’une grande variété de maisons ; l’édition demeure une activité avant tout marchande.
Les distributeurs et les diffuseurs sont souvent des sous-traitants, avec les contraintes qui en découlent. La plupart du temps, ils appartiennent à une grande maison d’édition : les représentants en librairies vont vanter les ouvrages de leur principal patron et auront tendance à délaisser les autres maisons.
Le fait que les prix soient choisis par les éditeurs leur confère un grand pouvoir dans la chaîne du livre : ils décident des marges accordées aux libraires même si, à la marge, les diffuseurs peuvent l’augmenter quand ils vendent un grand nombre d’exemplaires de certains titres. Ceci rend difficiles les conditions d’éxistence des petites librairies.
Quant aux auteurs, traducteurs et illustrateurs, rares sont ceux qui vivent de leur plume ou, même, dont les heures de travail sont rémunérées. La loi de l’offre et de la demande primant, ce sont ceux qui assurent de grosses ventes qui peuvent négocier leurs droits d’auteur.
Les lecteurs non plus ne sont pas sur un pied d’égalité. Le livre est relativement mal diffusé sur le territoire : les populations rurales ou celles des quartiers pauvres ont rarement accès à une librairie de proximité et, quand c’est le cas, celle-ci n’a pas les moyens d’avoir un fonds varié. Les bibliothèques manquent cruellement de moyens et rares sont celles qui peuvent assumer une politique d’ouverture à des ouvrages sortant des sentiers battus. Pour la majorité de la population, le rapport à l’écrit est très complexe puisqu’il émane d’une culture dominante à laquelle chacun n’a pas le même accès. C’est pourquoi la librairie demeure un lieu qui intimide nombre de personnes qui lui préfèrerent des lieux plus anonymes et de qualité parfois moindre comme les grandes surfaces généralistes et les magasins type Fnac.
Démocratiser
Les mesures qui existent cachent des problèmes économiques, culturels et sociaux, n’allant pas dans le sens de ce que d’aucun appelle l’« exception culturelle ». Il faut que tous les acteurs du livre puissent travailler de concert pour démocratiser l’accès à cet outil ; ils doivent également travailler en lien avec les écoles afin que le livre soit désacralisé. Les prix doivent être fixés par une instance publique et démocratique qui tienne compte des revenus de la population et des coûts occasionnés par l’ensemble de la chaîne du livre. Les crédits alloués aux bibliothèques publiques doivent être augmentés afin qu’elles puissent multiplier les types d’ouvrages auxquels elles donnent accès et créer des ponts en direction de nouveaux publics.
De telles mesures doivent concerner l’ensemble des autres supports culturels. Par exemple, les places de cinéma doivent avoir les mêmes tarifs (abordables) partout et les petites salles doivent bénéficier de subventions. De même pour les disques : dans de nombreuses villes, on ne trouve même plus de disquaires, les petits ayant cédé sous le poids des gros.
L’accès à la culture reste donc cantonné à une petite partie de la population. Il en va malheureusement de même pour l’accès à la création, réservé à une certaine élite.